Le gouverneur

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à droite, rencontre l'envoyé de Trump, Steve Witkoff, dans son bureau à Jérusalem le 29 janvier 2025. (Crédit : Maayan Toaf/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à droite, rencontre l'envoyé de Trump, Steve Witkoff, dans son bureau à Jérusalem le 29 janvier 2025. (Crédit : Maayan Toaf/GPO)

Il porte un prénom, Steve, courant dans l’Amérique de sa naissance, et un nom, Witkoff, venu de cette Europe de l’Est où on n’aimait pas les Juifs.

Pur produit du judaïsme américain, l’envoyé spécial du président des États-Unis pour le Moyen Orient, Steve Witkoff, est né dans le Bronx où, dans la grande tradition, son père était tailleur. Le petit Yid du Bronx est devenu grand, docteur en droit et avocat. Il a eu notamment pour client Donald Trump, et finira par faire le même métier que lui, l’immobilier où, à la tête d’un groupe prospère, il deviendra riche.

En 2024, il devient aussi célèbre grâce à la politique en obtenant la confiance de son ami élu pour la seconde fois, le 5 novembre.

Il n’est pourtant pas diplomate, ni de formation, ni de caractère. Il l’a montré dès sa prise de fonction en imposant à Benjamin Netanyahu un accord sur le cessez-le-feu provisoire et la libération des otages que le Premier ministre israélien, soucieux de sa survie politique, voulait différer.

Après la rencontre Trump-Netanyahu à Washington, début février, l’envoyé spécial aura du pain sur la planche en obligeant les parties à négocier une seconde phase de l’accord permettant la libération des otages « jusqu’au dernier » ; en finalisant un accord historique avec l’Arabie saoudite ; last but not least, en relocalisant près de deux millions de Gazaouis pour transformer la bande détruite en « Côte d’Azur du Moyen Orient ». Pas moins.

Pour cela, il ne s’interdit rien et a déjà rencontré l’Autorité palestinienne. Pour qu’elle accueille les Gazaouis ? En tout état de cause, Steve Witkoff pourrait se faire un nom dans l’histoire de cet Orient compliqué qui connaît, à n’en pas douter, des événements historiques. Cela ne l’empêche pas de rester un homme d’abord simple.

Bien accueilli par les familles des otages, il a embrassé les soldates libérées et déclaré qu’il viendrait à leur mariage. Nul doute que les Israéliens vont vite adopter ce petit Yid du Bronx, incarnation du rêve américain ; sans trop s’offusquer de la façon dont il conçoit son rôle.

Comme le gouverneur d’un des cinquante États américains, il décide puis informe les intéressés, limitant la négociation au strict nécessaire. Car ce magnat de l’immobilier considère les accords internationaux comme un contrat de vente : on signe ou on ne signe pas, et il n’est pas nécessaire de faire de la littérature.

Benjamin Netanyahu, en dépit de ses sourires devant les caméras, devra supporter ce partenaire et s’habituer à ses méthodes de travail qu’il déteste : décider et appliquer. Face au gouverneur Steve Witkoff, il finira par regretter Joe Biden.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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