Le gouvernement Ben Gvir

Il avait démissionné de son poste de ministre de la Sécurité nationale dès la signature de l’accord du 15 janvier sur le cessez-le feu (provisoire) et le retour des otages. Deux mois après, Itamar Gen Gvir est de retour au gouvernement. Dans les médias aussi, avec un plan com savamment étudié.

Sur toutes les chaînes de télévision et les radios, sans oublier la presse écrite, il déclare à qui veut l’entendre que « le Premier ministre Binyamin Netanyahou a enfin compris que c’est lui, Itamar Ben Gvir, qui avait raison » : il faut renoncer à un accord imposé par l’administration américaine qui affaiblit le pays avec la libération de terroristes; reprendre les combats à Gaza pour éradiquer un Hamas qui a repris du poil de la bête; limoger tous ceux qui s’opposent à cette vision : le chef du Shin Beth, Ronen Bar, et la Conseillère juridique du gouvernement, Gali Barav-Myara, les autres n’ayant qu’à bien se tenir.

Itamar Ben Gvir exulte car Binyamin Netanyahou a cédé à ses exigences. Sans trop se forcer puisqu’il partage à peu près toutes les idées du chef du parti Otsma ha Yéhoudit (Puissance juive) : il faut montrer « qui est le maître à la maison » (les Juifs pas les Arabes !) ; faire prévaloir les décisions de la majorité élue par le peuple (au diable les contre-pouvoirs !) ; étendre la souveraineté de l’État juif à toute la terre d’Israël (à nous la Cisjordanie !)…

De surcroît, le retour au bercail d’Itamar Ben Gvir permet au Premier ministre d’aborder quelques difficultés de l’heure avec plus de sérénité : sécuriser le vote du budget avant la date fatidique du 31 mars ; relancer les réformes législatives ôtant à la presse et à l’autorité judiciaire toute influence sur le cours des événements.

Un programme chargé, mais Binyamin Netanyahou sait qu’Itamar Ben Gvir saura galvaniser ses troupes parlementaires. Le Premier ministre peut aussi compter sur lui pour donner à la police des consignes de fermeté vis-à-vis de ceux qui osent contester le gouvernement dans la rue. Une fermeté qui rime parfois avec violence, y compris à l’encontre des leaders de l’opposition : le président du parti Ha Democratim (Les démocrates), Yaïr Golan, traîné par terre lors d’une manifestation à Jérusalem le 20 mars en a fait les frais. Des pratiques qui risquent de dégénérer au fil des manifestations. Celles du samedi 22 mars ont rassemblé 100 000 personnes et, selon les organisateurs, ce n’est qu’un début.

Mais Binyamin Netanyahou ne craint pas une opinion publique inquiète, fatiguée, déboussolée par une guerre qui n’en finit plus. Quant à Itamar Ben Gvir, il se réjouit par avance d’affrontements qui montreront « qui est le maître à la maison ».

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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