Le droit de la rue (Street law)
Des bancs de la rue aux bancs de la fac
Dans le livre de John Grisham The Street Lawyer, le héros, Michael Borck, quitte son emploi confortable d’avocat bien rémunéré dans un cabinet réputé pour aller fournir une aide juridique aux sans-abris.
À l’époque où j’avais fini la lecture de ce roman, je ne savais pas que la « Street Law », le droit de la rue (ou le droit au quotidien) allait faire partie de ma vie.
J’ai fait connaissance avec la « street law », il y a 10 ans dans les rues du centre-ville de Netanya. Bénévole dans une association, puis travailleuse sociale, j’informais les jeunes de leurs droits face à la justice, à la police, à leurs parents ou à leurs employeurs.
L’une de ces soirées m’a marquée. Sur des chaises placées en plein milieu du trottoir, j’avais expliqué à une dizaine de jeunes de 17 ans, dont leur ami avait été arrêté, la différence entre une audience de détention provisoire et un procès.
J’ai alors vu une lueur dans leurs yeux. Le monde du droit n’était plus cette immense inconnue, réservée à des professionnels. J’ai découvert qu’en comprenant le droit, ils comprenaient aussi leur place au sein de la société. La connaissance du droit leur offrait le contrôle et devenait pour eux une force.
Aujourd’hui, cette expérience devient la base d’un cours universitaire. J’aurai la chance d’enseigner la « Street law » (משפט רחוב) au département de criminologie du collège académique de la région du Galil en Israël.
L’objectif de ce cours est de former des étudiants à rendre le droit accessible et compréhensible aux populations considérées vulnérables :
– Une des parties du cours comprendra, la connaissance théorique du droit du quotidien : comment fonctionne la loi ? Comment protège-t-elle les personnes devant les procédures pénales ? Comment est administré le système juridique ?
– Outre la connaissance théorique, le droit de la rue propose aussi l’accessibilité à des conseils pratiques tels que : comment bénéficier d’un avocat gratuitement, comment porter plainte ? Comment récupérer son argent lorsqu’un vendeur nous a vendu un objet défectueux ?
Ces connaissances seront transmises par les étudiants dans une association de leur choix, dans laquelle ils effectueront une période de volontariat.
Après avoir identifié les besoins des personnes avec lesquelles ils travaillent, ils devront transmettre et expliquer les droits concernant les usagers de l’association de manière adaptée.
L’examen de fin d’année serait une présentation de leur travail de transmission.
Le droit de la rue vient redistribuer les rôles : L’humain se voit attribuer le rôle principal, le juriste et l’étudiant deviennent assistants et passeurs. La connaissance du droit devient un outil d’émancipation et l’expression de l’appartenance à la société : Comprendre ses droits, c’est pouvoir se défendre, avoir accès à la justice, et faire partie intégrante de la société. Comprendre ses droits c’est avoir la possibilité de choisir et reprendre le contrôle de sa vie.