Le dernier port d’Israël

Pour un pays petit et isolé comme Israël, les ports maritimes sont une nécessité vitale ; ils facilitent les échanges de marchandises indispensables au bon fonctionnement de l’économie du pays.
L’importance stratégique des ports d’Israël est aussi un enjeu politique ; les ministres interviennent ouvertement pour nommer des dirigeants à leur solde.
Le port d’Ashdod est un exemple significatif de l’immiscion du politique dans l’économie : le poste de directeur général comme celui de président du directoire sont vacants depuis quelques mois et les deux ministres de tutelle rivalisent pour désigner des remplaçants.
Le choix est d’autant plus délicat que le port est en bonne place sur la liste des entreprises privatisables d’Israël ; en 2023, le port d’Ashdod et la Poste sont les deux établissements publics que le gouvernement israélien entend céder à des investisseurs privés, le plus tôt sera le mieux.
Or l’arrivée d’un nouveau ministre de tutelle complique la tâche ; désormais, la ministre des Transports Miri Regev partage la responsabilité du port d’Ashdod avec le ministre Doudi Amsellem en charge de l’Autorité des Sociétés publiques – et la bonne entente entre les deux fortes personnalités n’est pas forcement au rendez-vous…
Système portuaire privatisé
L’actuel gouvernement dirigé par Benyamin Netanyahou entend bien relancer le processus de privatisation des entreprises publiques lancé au début des années 2000, notamment en privatisant le port d’Ashdod qui est le dernier port géré par l’Etat en Méditerranée.
En ce début 2023, le système portuaire israélien de la Méditerranée est composé de 4 ports de commerce : trois d’entre eux ont été privatisés et le quatrième est en passe de l’être.
Au commencement, les ports de Haïfa et d’Ashdod étaient les deux principales portes d’accès pour les marchandises importées en Israël et celles exportées outremer ; le port de Tel Aviv fut fermé aux marchandises au milieu des années 1960 et les navires détournés vers Ashdod.
Pour faire face à l’augmentation du trafic de marchandises, le gouvernement israélien décida d’augmenter les capacités portuaires du pays. La création de deux nouveaux ports fut lancée en 2009 : le Port du Golfe à Haïfa sera ouvert en 2021 et le Port du Sud à côté d’Ashdod ouvrira en 2022.
La politique ultralibérale du gouvernement s’est traduite par une stratégie portuaire très particulière : les ports existants sont privatisés et l’Etat finance les nouvelles installations dont la gestion sera concédée à des entreprises privées, de préférence étrangères, qui disposent d’une expérience internationale dans la gestion de terminaux portuaires.
Inde contre Chine
Le premier port privatisé fut le Port du Golfe à Haïfa ; depuis septembre 2021, le « Bayport Terminal » est géré par la société chinoise SIPG (Shanghai International Port Group) qui a remporté l’appel d’offres pour l’exploiter pendant 25 ans ; au grand dam des autorités américaines qui craignent de voir la technologie occidentale tomber entre les mains des Chinois.
Début 2022, ce fut au tour du nouveau Port du Sud à Ashdod de passer dans des mains étrangères : désormais, le « Southport Terminal » est géré par la société suisse TIL (Terminal Investment Limited) qui l’exploitera pendant les 25 prochaines années.
La vente des ports israéliens se poursuit en 2023 : en début d’année, le groupe indien Adani a conclu l’acquisition du port de Haïfa pour 1,2 milliard de dollars, une transaction qui renforcera la coopération et le partenariat stratégique entre les deux pays.
Pour l’heure, la concurrence sino-indienne bat son plein pour détourner vers leur terminal respectif les containers qui déversent en Israël les marchandises étrangères dont raffole le consommateur.
Concurrence agressive
Ce n’est pas tout : désormais, le dernier port public israélien de la Méditerranée, le port d’Ashdod, est en voie d’être privatisé.
Or le processus reste en suspens : sans directeur ni président, les 1.400 salariés du Port d’Ashdod se demandent à quelle sauce ils seront mangés. Ils craignent des nominations politiques à la tête de leur port, alors que la concurrence avec le port privé voisin (Port du Sud) devient agressive.
Sans compter les affaires de corruption qui, au milieu des années 2010, ont défrayé la chronique des faits divers, impliquant plusieurs dirigeants et responsables syndicaux du port d’Ashdod.
« Dans le port d’Amsterdam, y a des marins qui chantent » chantait Jacques Brel ; pour paraphraser le chanteur belge, on pourrait fredonner « Dans le port d’Ashdod, y a des marins qui déchantent »…