Le dernier Netanyahou

Benjamin Netanyahu à la Knesset, le parlement israélien à Jérusalem, le 13 mars 2023. Photo de Yonatan Sindel/Flash90
Benjamin Netanyahu à la Knesset, le parlement israélien à Jérusalem, le 13 mars 2023. Photo de Yonatan Sindel/Flash90

On l’avait connu plus conquérant. En 1996, lorsque battant Shimon Peres d’une courte tête, il prenait pour la première fois, à l’âge de 46 ans, la direction des affaires du pays.

Ou en 2012, quand à la tribune de l’ONU, il brandissait des graphiques pour appuyer son appel aux Occidentaux à s’unir face à un Iran menaçant. En 2023, c’est un tout autre Binyamin Netanyahou qui s’envole chaque semaine vers une capitale occidentale.

Lui et Sarah, sa chère épouse, sont amateurs d’hôtels luxueux et de restaurants prestigieux, surtout lorsque c’est le contribuable israélien qui paye l’addition. À Londres, comme à Berlin, à Rome ou à Paris, il n’est plus reçu comme le « King Bibi » qui, il y a quelques années, impressionnait une partie de la presse et quelques grands de ce monde.

Des gouvernants européens acceptent encore parfois de le rencontrer en raison d’une proximité idéologique (Giorgia Melloni, Rishi Sunak) ou d’intérêts nationaux bien compris (Emmanuel Macron, Olaf Scholz).

Avec les communautés juives locales, c’est plus compliqué, des dirigeants ne mâchant pas leurs mots pour lui dire son fait (comme en Italie), et des militants allant même jusqu’à manifester sous ses fenêtres. Maintenant, lorsque la presse occidentale titre sur lui, c’est plutôt pour se demander s’il n’est pas en train de détruire son pays (« Netanyahu is an existential threat for Israel », The Guardian, 3 février 2023).

En 2021 et 2022, l’animal politique avait déjà montré des signes de lassitude pendant les 18 mois où il était dans l’opposition. Tout en se consacrant à l’écriture de ses mémoires, il avait laissé entendre que son ami Larry Ellison lui avait proposé un poste de direction grassement payé dans sa société d’informatique (Oracle). Las !

C’était sans compter sur la nécessité de gérer un procès où il risque la prison. Sarah et leur fils aîné, Yaïr, n’étaient pas non plus disposés à se passer des avantages d’une prise en charge de leur train de vie par un Etat décidemment bien généreux.

Le 1er novembre 2022, Binyamin Netanyahou remporta les élections au prix du renforcement de ses alliés d’extrême droite et ultraorthodoxes. Sous contrôle de ces « partenaires » qui ne manquent jamais une occasion de se rappeler à son bon souvenir, il est à présent contesté au sein de son parti. À l’heure où ces lignes sont écrites, des ministres (Yoav Galant, Avi Dichter), et des députés en vue (David Bitan, Yuli Edelstein) ont pris leurs distances. La liste n’est sans doute pas close.

Devenu un homme âgé (soixante-quatorze ans en octobre prochain) et usé après plus de quinze années au pouvoir (en trois périodes), Binyamin Netanyahou, face aux caméras, peut encore faire illusion car il a du métier. Nul doute que poussé par Sarah, toujours elle, Yaïr, encore lui, et quelques autres, il jouera les prolongations. Ses jours sont comptés, mais il ne sait pas combien. Nous non plus.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
Comments