Le comble des manipulations
Deux événements ont marqué la semaine en Israël : la visite du Premier Ministre Manuel Valls, et le changement au sein du gouvernement. Alors que l’arrivée de Valls passe totalement inaperçue et sous un grand silence, l’autre événement provoque une polémique et crée une tempête dans les eaux troubles d’Israël.
C’est le comble des manipulations politiques et des tractations cyniques menées par le Premier ministre Netanyahu. Il vient de limoger le ministre de la Défense Moshé Yaalon pour le remplacer par Avigdor Lieberman, perpétuellement controversé tant sur le plan personnel que politique.
Autrement dit, préférer un homme ayant à peine fait son service militaire et ignorant les énormes problèmes de sécurité d’un pays en guerre, à un guerrier couvert de gloire ayant servi comme Chef d’État Major de Tsahal. Un acte qui semble incompréhensif, sauf en connaissant les mesquineries politiques et personnelles de Netanyahu et certains dirigeants du “Likud“.
Certes, un calcul logique pourrait justifier cet acte, car joindre le parti “Ysrael Beytenu“ de Lieberman à la coalition améliore la majorité précaire et difficile à gouverner, passant de 61 à 66 ou 67 membres (sur 120 parlementaires). Mais ce choix n’est pas la seule explication.
Au fond de cette crise il existe une controverse de principe concernant la liberté de conscience et surtout d’expression des militaires. Alors que Yaalon, en tant que patron de Tsahal, favorise publiquement des attitudes sincères concernant l’humanisme du comportement des militaires, l’aile ultra du Likud condamne cette tendance, arrivant à entraîner Netanyahu avec elle.
Tout a commencé avec l’incident (dont j’ai relaté le déroulement dans un précédent Blog: “Une balle qui fait scandale“). Un soldat israélien avait abattu un terroriste blessé, ayant poignardé auparavant des passants à Hebron. Les chefs de Tsahal ont condamné cet acte, totalement contraire aux principes de moralité inculqués aux militaires. Pourtant, le soldat, arrêté pour être jugé, s’est trouvé encouragé par une partie de l’opinion publique, et ce qui est plus significatif : Netanyahu avait contacté le père du soldat pour le réconforter et l’encourager. Acte numéro 1.
S’en est suivi une déclaration retentissante du Général Yaïr Golan, vice-chef d’Etat Major de Tsahal, ayant exprimé son inquiétude face à une ambiance lourde de haine et de fanatisme dans l’opinion publique. Mais alors qu’il n’avait pas tort dans cette constatation il a commis l’erreur de préciser que cela lui rappelait l’époque du début et la suite de Nazisme. Le scandale fut renforcé, car cette déclaration eut lieu au moment de la commémoration de la Shoah.
Le pays se trouvait divisé entre les scandalisés, affirmant que des militaires ne sont pas autorisés à adopter en public des positions politiques, et les patrons de Tsahal justifiant le principe d’une liberté d’expression. Acte numéro 2.
Cette attitude a été adoptée et renforcée par le ministre de la Défense Yaalon, donc grand patron de Tsahal. Il a même accentué son soutien par une déclaration publique devant l’Etat Major, exhortant les militaires à exprimer leurs opinions sans hésiter face aux courants fanatiques, ni devant des tentatives de leur fermer la gueule.
Ce fut l’allumette incendiant la liaison avec Netanyahu, laquelle semblait jusque là idyllique contre vents et marées, surtout face aux critiques concernant la dernière guerre. Dès le lendemain Netanyahu a convoqué Yaalon, lui reprochant ses propos, et l’a limogé de la Défense en lui offrant le portefeuille de Affaires Etrangères qu’il détient en réserve.
Yaalon a décliné cette offre, puis remis sa démission du gouvernement, de la Knesset et provisoirement de la vie politique. Acte numéro 3.
Epilogue: Reste donc Lieberman, dont Netanyahu et ses proches n’avaient pas cessé de minimiser et offenser. Telle cette phrase : “La seule balle lui passant près de l’oreille fut une balle de tennis“. Réciproquement Lieberman avait qualifié Netanyahu de “menteur incapable de prendre des décisions“. Donc. beau mariage… À se demander non seulement comment ils pourront coopérer mais surtout vont-ils assurer la sécurité et le sort du pays.
En effet, un autre point d’interrogation se pose. A la veille de ce cirque le Président égyptien al-Sissi, dans un discours publique, a suggéré une coopération prometteuse entre Israël et certains pays musulmans modérés, selon une tendance discrète existant déjà. D’aucuns y voient une occasion historique. Or, une question se pose : comment les égyptiens réagiraient à un ministre de la Défense ayant jadis suggéré de “bombarder et détruire le barrage d’Assouan“?
C’est donc au milieu d’une ambiance lourde et inquiète que vient de débarquer Manuel Valls, voyage que l’on a même pas remarqué.
Pourtant, s’il y a à Matignon et à l’Elysée un dirigeant apprécié par les Israéliens, c’est bien lui, considéré comme un vrai ami d’Israël et de la communauté juive. Ce qui n’est pas évident à Paris de nos jours, vu notamment l’initiative de réunir une conférence internationale sur le conflit israélo-palestinien, initiative inacceptable par Jérusalem, n’y voyant aucune utilité ni des chances de réussir.