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Le choix de l’électeur juif

Shmuel revient sur la notion d'électorat juif en France et l'impossibilité de le définir

On ne peut parler de « vote juif » en France si ce n’est – je l’écris sur la foi d’un très ancien sondage « sortie des urnes » que j’avais à l’époque contribué à commenter – que les Juifs votent toujours dans le sens de la majorité électorale avec pour seule caractéristique de le faire avec encore plus d’ampleur.

Mais il y a des électeurs qui sont juifs. Le choix est clair pour eux, n’en déplaise aux journalistes qui se plaisent à épiloguer sur l’égarement de l’électorat.

Dans une élection pareille, c’est le principe du moindre mal qu’il faut privilégier. Cette campagne a donné à assister à trois faits majeurs.

La décomposition du parti socialiste est sans doute le phénomène qui laissera le plus de traces partisanes. Dans ses décombres se lèvera une nouvelle extrême gauche, « progressiste » et post-moderniste, façon Hamon, et peut-être une nouvelle gauche socialiste, finalement très « vieille France » et qui aura rejeté le libéralisme économique, qu’incarne déjà l’orateur flamboyant qu’est Mélanchon.

Le second fait concerne l’incroyable exécution en plein vol de Fillon, produit de la connivence médiatico-judiciaire, qui dénote une maladie de la démocratie en proie au gouvernement des juges et des journalistes, devenue le champ de manipulations idéologiques brutales autant que sournoises.

Aucun esprit sensé ne peut gober l’idée que cette affaire a suivi le cours normal de la justice. Du coup, la lutte pour le pouvoir a atteint un degré rarement atteint de violence, ce qui laisse planer une inquiétude pour l’avenir.

Enfin, le troisième phénomène, sans doute le plus inquiétant, est l’ascension du personnage de Macron.

La vacuité de son discours, ses mimiques inspirées, le flou de son programme et des forces qui le soutiennent, les foules qui applaudissent, on se croirait sur une planète « alien » ou dans le monde que décrit le roman de Orwell, « 1984 ». Le néant du programme donne le vertige.

Comment tant de Français pourraient-ils donner à un individu aussi falot la responsabilité du pays, c’est fascinant et cela attire notre attention sur le fait que tout pourrait être possible dans ce pays, l’aventurisme le plus total.

Pour l’électeur juif, ces trois forces, restes de la décomposition du hollandisme, sont évidemment répulsives, s’ils ont à cœur leur destin de Juifs et la poursuite de leurs intérêts existentiels. Ces trois figures sont acquises à l’électorat musulman, à la cause palestinienne, à la relégation de la communauté juive.

Les preuves oratoires en ont été données tout au long de la campagne, sans compter que le quinquennat Hollande porte une lourde responsabilité sur le plan du terrorisme du fait de son incapacité à le nommer, à se confronter à lui sur la scène intérieure, à n’offrir aux victimes que de la compassion mais pas une politique.

Ce quinquennat portera toujours le stigmate de la reconnaissance d’un Etat fantoche et du vote à l’UNESCO. Cet état de faits remonte loin. Que l’on se souvienne de la recommandation de Pascal Boniface au PS de Jospin de déserter l’électorat juif pour courtiser le musulman. En définitive, cette recommandation a bien été appliquée !

Si l’on se retourne vers la droite, il est clair que le seul vote possible est en faveur de Fillon.

Je n’ignore pas qu’une partie des électeurs juifs votent pour le FN. Après tout, s’ils sont à l’image de l’électorat, ils votent aussi dans ce secteur à son unisson. Mais la position du FN concernant les Juifs a un tel passif que c’est un choix impossible.

C’est Mitterrand qui a fait du FN le pivot de tout le système politique français dès la fin des années 1980, et ce fut une bombe à retardement qui a détruit progressivement tout le système politique français.

On se demande même si la logique de ce système ne conduira pas, sans doute pas cette fois ci, à l’accession au pouvoir, seule issue de cette machine infernale, sans doute dans la destruction.

Fillon reste la seule alternative pour l’électeur juif. L’argument pseudo moral à son encontre ne tient pas: on n’élit pas des saints ni des moralistes mais des lignes politiques.

Or la sienne semble la plus adéquate sur un plan strictement politique et régalien pour sauvegarder (plus ou moins) l’Etat et la nation, qui sont pour les Juifs le socle de leur continuité.

Il reste cependant une inconnue. Nul ne sait si Fillon ne se sarkozysera pas une fois au pouvoir.

Et une évidence déplaisante ; le fait que dans les années à venir les Juifs qui resteront en France seront obligés de faire profil bas, pris en tenailles entre la réaffirmation de la France – une démarche vitale pour eux mêmes – et l’endiguement de l’islam que celà implique.

Continuité au prix de la discontinuité. Retour au XIX° siècle!

*Paru dans Actualité juive du 31 mars 2016

à propos de l'auteur
Shmuel Trigano est un philosophe juif français qui écrit sur ​​les questions politiques et religieuses, avec un accent particulier sur le judaïsme. Auteur de très nombreux ouvrages, notamment de "Quinze ans de solitude: Juifs de France : 2000 - 2015" (Berg international) , il vient de publier « Le chemin de Jérusalem, une théologie politique » (Les Provinciales).
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