Lapid devant un mandat limité et capricieux

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Yair Lapid, s'adressant aux médias lors d'une conférence de presse conjointe avec le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, à Ankara, en Turquie, le jeudi 23 juin 2022 (AP Photo/Burhan Ozbilici)
Le ministre israélien des Affaires étrangères, Yair Lapid, s'adressant aux médias lors d'une conférence de presse conjointe avec le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, à Ankara, en Turquie, le jeudi 23 juin 2022 (AP Photo/Burhan Ozbilici)

En passant le pouvoir à Yair Lapid, Naftali Bennet, prouve qu’il respecte ses engagements et donne une belle leçon de conduite politique dans un Etat démocratique. Apparemment, la passation du pouvoir s’est réalisée dans un esprit amical, bon enfant. Un cas bien rare dans les annales politiques israéliennes.

Cette dernière décennie nous avons vécu un comportement malsain de la part de certains politiciens de tous bords.

Mettons donc un terme définitif à la haine et à la violence verbale. La majorité des Israéliens a ras-le-bol des querelles quotidiennes entre droite et gauche, laïcs et religieux, séfarades et ashkénazes.

Il est temps d’élever le niveau des débats et donner une image nouvelle et positive à notre démocratie.

Dans un Etat démocratique perdre le pouvoir n’est pas un malheur ni une fatalité. Siéger dans les rangs de l’opposition n’est pas la fin du monde puisqu’un homme politique peut toujours revenir sur la scène. En Israël, Nétanyahou est un exemple impressionnant, frappant…

Après une année au pouvoir, Naftali Bennet a reconnu enfin que sa coalition hétéroclite ne pouvait plus fonctionner et que ses jours sont comptés. Il a donc préféré dissoudre la Knesset et remettre à Lapid les commandes du pays jusqu’aux prochaines élections.

Il faut reconnaître que le Premier ministre sortant a géré les affaires gouvernementales convenablement tout en laissant le champ libre à ses ministres. La concertation, la clarté et la transparence dans le déroulement des événements et dans la chaîne des décisions, notamment avec les chefs des services de sécurité, sont des atouts considérables pour aboutir à une bonne gouvernance.

Cependant, Bennet a échoué dans les affaires politiques sans apporter des solutions adéquates contre la vie chère notamment aux prix faramineux des logements. Bennet n’a pas non plus réussi à consolider sa coalition et à maitriser les rebelles de son propre parti.

En fait, Bennet a été un bon administrateur mais un médiocre leader politique.

La carrière politique de Lapid passe comme un météore. Après une longue décennie d’attente, il obtient le pouvoir sur un plateau d’argent, même sans être élu. D’ailleurs, tous les membres de son parti ne sont pas élus dans un cadre primaire mais choisis par Lapid.

Le nouveau mandat est semé d’embûches, limité jusqu’aux résultats des élections. Et après, réussira-t-il à obtenir la majorité absolue et former un nouveau gouvernement ?

A ce jour, Lapid n’était pas mûr pour diriger le pays bien qu’il fut ministre de l’Economie et des Affaires étrangères. Dans ses fonctions ministérielles il a commis plusieurs erreurs et maladresses.

Au départ, il avait cédé la direction du parti unifié (Kahol-Lavan) à Benny Gantz, puis par crainte d’échouer, il abandonna le poste de Premier ministre en faveur de Naftali Bennet, bien que ce dernier ne possédait que 6 sièges à la Knesset.

Tous les projecteurs sont actuellement braqués sur l’ancienne star de la télévision israélienne. Plus que jamais Lapid est mis à l’épreuve. Il devra diriger un gouvernement intérimaire et prendre des décisions sur des affaires en cours, sur de nombreux dossiers sensibles et urgents. Mais aussi, mener une campagne électorale qui s’annonce houleuse et même violente. Tous les leaders politiques y sont responsables de cette situation explosive.

A peine désigné comme Premier ministre, Lapid annonce la couleur et donne le ton en déclarant que le but est de combattre le camp adverse représentant selon lui « les forces obscures, les ténèbres… ».

Une déclaration maladroite est révoltante disqualifiant le bloc Nétanyahou qui représente la moitié de l’électorat en Israël. Triste aussi de constater que la campagne est toujours focalisée sur le même thème : « barrez la route à Bibi, il est dangereux ! », « Acceptez tous les dirigeants de la droite à l’exception de Bibi ».

Stupéfiant de constater que le parti de Mansour Abbas, celui de la confrérie des Frères musulmans, est plus légitime de Nétanyahou et ses alliés. D’ailleurs, la participation d’Abbas à la coalition fut un échec cuisant.

Nous assistons à un casse-tête politique infini qui désigne Benjamin Nétanyahou toujours favori à diriger le pays mais incapable de former une coalition en raison de la fragile et étriquée majorité.

Quelques jours après son installation à la tête du gouvernement, Lapid effectuera un nouveau voyage à Paris et rencontrera son ami Emanuel Macron. Israël et la France affrontent une crise législative. Recevra-t-il de bons conseils pour la marche à suivre ?

Toutefois, la première épreuve de Lapid aura lieu durant la visite du président Joe Biden à Jérusalem.

Voir la suite de l’article sur le site https://jcpa-lecape.org/

à propos de l'auteur
Ancien ambassadeur d'Israël. Journaliste-Ecrivain. Fondateur et directeur du CAPE de Jérusalem. Auteur de 25 ouvrages sur le conflit Israelo-arabe et sur la politique française au Moyen-Orient ainsi que des portraits-biographiques de Shimon Pérès, Ariel Sharon et Benjamin Netanyahou.
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