L’antisémitisme de gauche serait-il moins grave que les autres ?
La pente descendante se fait chaque semaine plus méchante. Le judéo-centrisme plus central, obsessionnel, insupportable et redoutable. Ce fut la semaine du viol, du corps et des esprits.
À Courbevoie, une fillette de douze ans a été violée par trois jeunes adolescents. Dans un article du Figaro du 21 juin, on apprend qu’au moins l’un des trois agresseurs présumés est un musulman converti. Le viol a eu lieu dans des conditions atroces qui en disent long sur l’état de la jeunesse dans une société pornographique électronique. Mais surtout, la petite est juive et a été maltraitée ès qualités pour avoir caché l’être. Et aussi à cause de la Palestine. Voilà qui en dit long aussi sur l’état de la jeunesse dans les banlieues islamo-gauchisées soumises à neuf mois de délires insoumis.
Mais la semaine qui vient de s’écouler aura aussi abusé nos esprits. Ou tout au moins, tenté de le faire. C’est ainsi que cinq journalistes de l’audiovisuel de service public, très théoriquement astreints à une obligation de neutralité, se sont crus autorisés à prendre parti officiellement contre le Rassemblement national.
Grande première, Marylise Léon, responsable de la CFDT a décidé d’exclure tout adhérent de son syndicat qui serait militant du Rassemblement national. Elle n’applique pas cette curieuse méthode à l’égard d’un parti d’extrême gauche antisémite. On avait connu sa centrale plus centriste.
Quant à Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, avec un souverain respect du suffrage populaire, elle prévient d’avance qu’elle s’opposera aux lois du Rassemblement national qu’elle décréterait illégales. Si l’on osait parler crûment, on pourrait redouter que plus l’extrême gauche sera à la rue, plus elle sera dans la rue.
Surtout, une tribune du Monde datée du 20 Juin et signée par Arié Alimi et Vincent Lemire, aura en effet fait beaucoup jaser. Pas beaucoup pour la vanter. Son titre résume avec un esprit de synthèse remarquable son propos : « Il n’y a pas d’équivalence entre l’antisémitisme contextuel, populiste et électoraliste, utilisé par certains membres de la France Insoumise, et l’antisémitisme fondateur, historique et ontologique du Rassemblement national ». Ainsi, par un raisonnement abscons, le bénéfice de l’ancienneté revenant au second, la première, dernière des antisémites, serait plus excusable. Ou pour le dire autrement, l’antisémitisme du passé serait moins fréquentable que celui du présent, ce qui est, pour rester aimable, un raisonnement paradoxal.
Pour être moins abstrait, et se situer dans l’antisémitisme du réel, la position soutenue dans cette tribune relève de la posture, pour ne pas écrire de l’imposture. Au-delà des références historiques, le Rassemblement national n’a plus rien à voir avec le Front qui l’a précédé. Et nul, en matière de racisme, ne pourra reprocher à Marine Le Pen, fille de Jean-Marie, quoi que ce fût, si ce n’est en empruntant les chemins périlleux de la génétique. Surabondamment, dans la dernière et cruelle période, son parti aura fait montre à l’égard de l’État juif pogromisé avant que d’être nazifié, d’une solidarité sans faille. Elle et non le président de la France insoumise ou celui de la République, aura marché contre l’antisémitisme. Ce n’est pas un point de détail.
Passons à l’extrême gauche antisémite. Un peu vite, s’agissant du passé, les auteurs de la tribune précitée lui ont décerné un certificat de virginité. Je leur conseille de mieux lire Karl Marx, Jules Guesde, Proudhon et Jean Genet. Quant au président insoumis, j’ai écrit la semaine passé que son cœur, avant d’être à Gaza résidait en Amérique latine. Comme feu son ami Hugo Chávez, il tient le peuple hébreu pour déicide. Il n’a pas attendu ce qu’il prend avec jubilation pour génocide, pour reprocher au grand rabbin d’Angleterre l’échec électoral de son antisémite d’ami Jeremy Corbyn. Ce dernier, mis au ban du Labour à Londres, fut reçu avec tous les honneurs à Paris par Danielle Simonnet et Danièle Obono. Cette dernière tenant pour « mouvement résistant » le Hamas pogromiste.
Je ne veux pas lasser inutilement mon lecteur. Je n’aurais pas assez d’un Journal de guerre contre l’antisémitisme pour montrer que, contrairement à ce que prétendent les auteurs de la tribune du Monde, les manquements antisémites du parti insoumis ne sont pas marginaux mais massifs. Dois-je rappeler les intelligences de nombreux de ces membres avec ceux d’organisations classées terroristes, comme Ersilia Soudais, invitant une responsable du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) à l’Assemblée nationale ? Ou le voyage de Thomas Portes à la frontière de Gaza deux jours avant le pogrom pour rencontrer des membres d’une organisation extrémiste ? Dois-je rappeler l’excursion de David Guiraud à Tunis et ses accusations contre l’État juif qui, contrairement au Hamas, brûlerait lui les bébés dans des fours ? Il était accompagné pour la circonstance par Rima Hassan – qu’on voit moins ces derniers jours – et qui tient Israël pour « une monstruosité sans nom ».
Arrêtons-nous donc là. On apprenait samedi qu’un homme qui visait « notamment des cibles juives » pendant les Jeux olympiques avait été arrêté. Il rêvait d’être « un combattant de l’Islam, au nom de la Palestine ». Je ne jurerai pas qu’il avait des liens avec l’antisémitisme « fondateur, historique et ontologique » de l’extrême droite.
Autre étrange argument des deux auteurs de la tribune du Monde : l’antisémitisme de certains insoumis serait « instrumentalisé » politiquement. Nous n’avions pas remarqué que la gauche a reproché à quiconque, et c’est heureux, de considérer le Front national comme politiquement infréquentable, précisément en raison des saillies, coquecigrues et calembours de son président fondateur. Il est de saines et indispensables instrumentalisations du réel et des instrumentalisations insanes du passé fantasmé.
En réalité, derrière cette différence de traitement proposée, habite toujours la même revendication : le droit au privilège rouge, en cours d’abolition sacrilège. À certaine chose, parfois, malheur est bon : sans doute en raison des remous provoqués par la tribune, le journal qui l’abrite a publié samedi 22 juin, un éditorial intitulé « L’antisémitisme de droite ou de gauche, un même poison ». Jusqu’à présent le quotidien était resté désespérément mutique sur le sujet depuis le 7 octobre malgré le venin mortel répandu par la France insoumise.
Il ne va toujours pas jusqu’à critiquer l’union pourtant empoisonnante entre des antisémites d’extrême gauche et d’autres qui ne le sont pas mais qui le tolèrent. Il est parfois des lieux de tolérance qui versent dans l’obscénité toxique et criminelle. Et la pire des obscénités pour moi, à dire le vrai insupportable, c’est de prétendre incarner le camp du « Bien », lorsque l’on fait tant de mal.
Article paru sur LE FIGARO le 24/06/2024. Avec l’aimbale autorisation de l’auteur.