Nos valeurs communes
Récemment, comme plusieurs d’entre nous grâce à l’internet, j’ai vu le président israélien Herzog s’adresser à une session conjointe spéciale du Congrès américain marquant le 75e anniversaire de l’indépendance d’Israël. Les multiples ovations qu’il a reçues témoignent clairement de la force des relations entre ces deux démocraties. Si vous n’avez pas encore pas écouté ce discours exceptionnel, je vous le conseille.
Mais Herzog n’a pas limité ses paroles aux valeurs partagées, et aux aspects solides de la relation entre les États-Unis et Israël. Il a parlé des défis auxquels fait face le pays tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, incluant l’antisémitisme qui vise le seul État juif ainsi que les communautés juives autour du monde.
Cela m’a ramenée aux célébrations qui ont eu lieu chez nous, au Québec, en avril, quand quelques milliers de Montréalais se sont rassemblés ici au centre-ville pour célébrer le 75ème anniversaire de l’Indépendance d’Israël – Yom Ha’atzmaut. Juive, québécoise et fière de mes racines, ces célébrations qui se déroulaient dans une ambiance de fête, incarnait pour moi la profonde amitié entre le Québec et Israël.
Une amitié qui remonte à René Lévesque, qui se poursuit depuis toujours jusqu’à tout récemment avec les visites officielles de l’ancien Premier ministre Phillipe Couillard en 2017 et de l’actuel ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon en 2022. Une amitié qui au fil des ans apporte des retombées importantes pour le Québec.
Or, alors que les célébrations se déroulaient au centre-ville, deux adolescents se sont filmés arrachant les drapeaux qui décoraient la clôture d’une école primaire juive à Dollard-des-Ormeaux; pour ensuite y mettre le feu – un geste aussi ignoble que révoltant, dont la symbolique violente frappe l’imaginaire. Les deux jeunes ont pris soin de publier le tout sur les réseaux sociaux, constituant du coup une vile tentative d’intimidation directe visant l’ensemble des Juifs québécois portant atteinte à la communauté et à tous les montréalais.
Il ne s’agit regrettablement pas d’un incident isolé. Quelques jours auparavant, la police a arrêté un adolescent soupçonné d’avoir commis deux attaques haineuses en janvier 2023 contre deux hommes de la communauté juive hassidique alors qu’ils se promenaient simplement à Outremont. Un geste choquant. La veille, le 19 avril, le CIJA était au Palais de justice de Montréal pour le prononcé de la sentence d’un homme arrêté en mai 2021 alors qu’il circulait à Côte Saint-Luc, un quartier à prédominance juive, armé d’un couteau et proférant des menaces à l’égard de la communauté juive.
Dans les faits, l’antisémitisme constitue l’une des plus anciennes formes de haine et le peuple juif n’a eu cesse de défendre son droit à l’existence à travers les siècles. Maintenant, et encore, cette situation perdure et son droit à l’autodétermination fait face à la haine qui se déferle bien trop souvent contre Israël – le seul État juif au monde. Malheureusement, ces sentiments évoqués au grand jour ou sous le couvert de l’anonymat, dans les forums publics ou dans des cercles fermés, contribuent à l’expression de sentiments antisémites décomplexés.
Selon les données de Statistique Canada sur les crimes haineux, force est de constater que la communauté juive a toujours fait partie des groupes les plus ciblés par les crimes haineux. Les chiffres sont particulièrement troublants puisque la communauté juive, qui représente environ 1 % de la population canadienne, est la cible de 14 % des crimes haineux signalés par la police et 55 % des crimes haineux à motivation religieuse rapportés en 2021.
Le lendemain de cet incident de drapeaux brulés en avril dernier, j’assistais avec mes enfants à la représentation de la pièce de théâtre “Prayer for the French Republic” qui va bientôt être présentée à Broadway. Cette pièce raconte un choix déchirant pour une famille juive parisienne, pour qui le climat d’antisémitisme pèse lourd : rester en France – leur patrie – ou s’expatrier pour se réfugier en sécurité en Israël, ou comme plusieurs l’ont fait, faire le choix de s’établir ici au Québec.
Ce qui m’a frappé ce jour-là tant qu’aujourd’hui c’est qu’il était question non pas d’une histoire lointaine ou imaginaire, mais bien d’une réalité qui nous affecte directement : l’augmentation de l’antisémitisme à travers le monde. Malgré certains passages comiques dans la pièce, cette pièce soulève des enjeux de société sur lequel il convient de se pencher : la nécessité de lutter contre la haine et l’intolérance et aussi de repousser les tentatives d’amener des conflits dans nos rues.
Comme l’a dit Herzog, « je respecte les critiques, en particulier celles émanant d’amis, même s’il n’est pas toujours nécessaire de les accepter. Mais la critique d’Israël ne doit pas aller jusqu’à la négation du droit à l’existence de l’État d’Israël. Remettre en question le droit du peuple juif à l’autodétermination n’est pas de la diplomatie légitime, c’est de l’antisémitisme. Vilipender et attaquer les Juifs, que ce soit en Israël, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, c’est de l’antisémitisme.”
Ces enjeux nous concernent tous et ne sont pas le combat uniquement de la communauté juive.
Alors face à tout ceci, lorsque je vois comment la grande amitié entre le Québec et Israël a été soulignée lors des récentes célébrations à Montréal, ou encore l’amitié entre les États-Unis et Israël comme l’a fait le Congrès américain avec son invitation bipartisane au président israélien, cela me donne de l’espoir et revêt une importance particulière permettant d’envoyer un message clair à ceux qui souhaiteraient instaurer un climat d’intolérance et de toxicité : l’antisémitisme, le racisme, et la haine ne gagneront pas.