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L’AFP nie tout parti pris dans son traitement de l’actualité sur Israël

Yves revient avec brio - à l'aide d'exemples concrets - sur la manipulation de l'agence de presse française

L’affaire al Durah – Enderlin, démarrée en septembre 2000, a été un cas d’école. Un reportage de France 2 a présenté la mort d’un enfant palestinien comme un meurtre délibéré commis par l’armée israélienne. Ces images ont fait le tour du monde, enflammant le monde arabe, et ont instillé l’idée dans l’opinion publique que les militaires israéliens prenaient plaisir à tuer des enfants palestiniens.

Philippe Karsenty en France, Stéphane Juffa en Israël ont bataillé des années durant pour démontrer, jusque devant la justice, que le reportage était une mise en scène.

Ils n’ont pas eu gain de cause définitivement, mais ont au moins réussi à jeter un doute sur la véracité d’un reportage effectué par un caméraman palestinien et commenté de son bureau par Charles Enderlin qui n’était pas présent sur les lieux.

Le rapport intitulé « L’AFP face à la propagande palestinienne Octobre – Novembre 2014 » que le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a remis à la direction de l’AFP dans le courant du mois de mars 2015 est un autre épisode d’une contestation du bien fondé de l’information sur Israël.

Réalisé par une équipe de journalistes, ce rapport met en évidence divers « biais ».

Des abus de langage : Moshé Feiglin est qualifié de « sulfureux député du Likoud » (AFP du 13 octobre, 12 h 22), le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman de « faucon ultra-nationaliste » (AFP du 18 octobre 21 h 52).

En revanche, Ismaïl Radwan, est simplement qualifié de « dirigeant du Hamas » et son organisation (qui figure sur la liste des organisations terroristes de l’Union Européenne) est pudiquement qualifiée d’ « organisation islamiste radicale ».

Le terme « extrémistes » est réservé aux seuls Juifs et aux colons. Les « musulmans » et les « jeunes palestiniens » ne sont jamais qualifiés d’extrémistes, même lorsqu’ils sont à l’origine de violences à l’égard de pèlerins ou de visiteurs juifs.

Un déni de la violence islamiste. Le 22 octobre 2014, l’Agence France Presse a systématiquement mis en doute le caractère terroriste d’une attaque à la voiture bélier, qui a eu lieu à Jérusalem.

Chaque dépêche faisait état d’une « probable attaque terroriste » (20 h 53), d’ « un bébé tué dans une attaque qualifiée de terroriste à la voiture bélier » etc…

Les jours suivant, l’expression « attaque qualifiée de terroriste », sera constamment répétée par l’AFP instillant un doute sur la nature de l’attentat.

Qu’il s’agisse de l’attentat contre le rabbin Yehuda Glick le mercredi 29 octobre 2014, de la fermeture de l’esplanade des Mosquées du jeudi 30 octobre 2014, ou de nouvelles attaques à la voiture bélier, le rapport dénonce les mêmes biais : les Israéliens apparaissent comme des « extrémistes » quand ils annoncent la construction de nouveaux logements à Jérusalem-Est, tandis que le caractère terroriste d’un attentat palestinien est toujours relativisé, voire nié.

Comment l’AFP se défend-elle ?

Argument 1. Les autres médias aussi le font

L’AFP reconnait qu’elle parle des juifs religieux comme étant des
« extrémistes » des « sulfureux » etc. Mais tous les autres médias font comme nous répliquent-ils en substance.

Ce qui est parfaitement exact. « Extrême droite », « ultra nationaliste « ,
« ultra religieux » sont couramment utilisés par tous les médias pour colorer le gouvernement israélien d’une aura fanatique.

Mais une agence de presse, chargée de rapporter les faits et uniquement les faits, ne devrait-elle pas s’interdire des qualificatifs qui sont des jugements de valeur ?

Argument 2. Nous n’acceptons le mot terrorisme qu’entre guillemets

L’AFP précise qu’elle ne qualifie jamais les actes de terreur de « terrorisme » ni leurs auteurs de « terroristes ». Le mot « terroriste » n’est repris que s’il fait l’objet d’une citation. Exemple : un ministre ou un officier de police qui parle d’ « une attaque terroriste ».

L’AFP présente ce parti pris éditorial comme une évidence de son traitement neutre de l’actualité en Israël.

Cette réponse rapide ne répond pas à l’accusation qui lui est faite. Les formulations épinglées par le rapport – « probable attaque terroriste » (20 h 53), ou « attaques qualifiée de terroriste à la voiture bélier » etc… et leur répétition servent à jeter le doute sur les intentions de l’auteur et à disqualifier le discours de la police ou du ministre de l’intérieur israélien.

Là encore, l’AFP peut dire « mais les autres médias aussi le font ». Et là encore, elle aura entièrement raison. Exemple : le 20 mai 2015, Le Figaro titre sur la base d’une dépêche Reuters « Un automobiliste palestinien abattu à Jérusalem ».

L’article met en doute qu’un attentat à la voiture bélier ait été perpétré contre deux policières qui ont été blessées. L’article privilégie la thèse de la famille du conducteur qui plaide l’ « accident de la circulation ».

Résultat : le titre centré sur la mort violente du conducteur laisse entendre qu’un assassinat a été commis froidement sur un automobiliste arabe simplement maladroit. Nier continûment le terrorisme palestinien aboutit à priver la cible de tout moyen de défense. S’il se défend, il est un assassin.

Argument 3. La méthodologie utilisée ne correspond pas à un suivi de l’actualité à chaud

La remise en question méthodologique du rapport remis par le CRIF ne tient pas non plus. Il est parfaitement valide de sélectionner des faits sur une période donnée et d’étudier le traitement qui en est fait par l’agence de presse.

L’argument : à chaud, des erreurs peuvent être commises sur lesquelles nous revenons ensuite n’est pas valide non plus. Ce qui est en cause, c’est la mise en évidence d’un parti pris éditorial. Un prisme qui structure toute la production de dépêches et qui privilégie le discours de la
« victime » sur celui du « bourreau ».

Conclusion : l’AFP peut contester chaque point du rapport, il demeure parfaitement valide de s’interroger sur la grille idéologique et politique qui structure l’ensemble de sa production.

Les pièces de théâtre ou les rôles sont figés une fois pour toutes peuvent avoir des effets mortifères. Non pas sur les Palestiniens, mais sur les juifs qui vivent en paix partout ailleurs dans le monde. Nous antisémites ? Vous voulez rire dit en substance le PDG de l’AFP ?

Ben non, ça ne nous fait plus rire du tout !

à propos de l'auteur
Yves Mamou est journaliste professionnel. Il a travaillé au journal Le Monde pendant 23 ans. Il est également l'auteur de divers ouvrages. Une machine de pouvoir, la direction du Trésor (La Découverte, 1988), C’est la faute aux médias, Essai sur la fabrication de l’information (Payot, 1991); Parents à charge, quand nos proches deviennent dépendants (Grasset, 1998); Camélia.came (Editions Stock) 2008. (roman policier); Une longue cuillère pour le diable (Editions Leo Scheer 2010) (roman policier); Rendez Sam (Editions Leo Scheer 2012) (roman policier); Israël, les maladies des religieux (Essai) (Editions Leo Scheer 2013); Hezbollah dernier acte (Editions Plein Jour, 2014). En préparation Après Charlie, glossaire des fractures françaises (Editions du Toucan).
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