L’accusation de sang : un mythe «médiéval» du XXIe siècle contre les Juifs

Le sang a un rôle très important dans la Bible. C’est par l’effusion du sang que le système sacrificiel lévitique fonctionna (Lévitique 17:11, 2 Chroniques 30:16). Les animaux devaient être coupés ou sacrifiés et leur sang versé sur l’autel tout au long de l’année sur le siège de l’arche de l’Alliance dans le Temple à Yom Kippour.

Cela bien sûr jusqu’à l’an 70, lorsque le Temple de Jérusalem a été détruit, rendant tout sacrifice impossible. Le sang joue également un rôle important dans les lois de la cacherout. Les Juifs doivent drainer tout le sang de la viande qu’ils consomment.

Ceci est basé sur un principe biblique que l’on trouve aussi dans la Bible (Genèse 9: 4, Lévitique 17:12, Deutéronome 15:23). Par conséquent, les Juifs religieux font de grands efforts pour s’assurer qu’il ne reste pas de sang dans les viandes consommées.

Malgré tout cela, l’un des plus anciens mythes créés contre le peuple juif persiste aujourd’hui. C’est un mythe qui a presque 900 ans. Cette nouvelle charge contre les Juifs (qui serait ajoutée à la liste des raisons pour lesquelles ils devaient être convertis, ostracisés, abusés ou même tués) sera introduite au douzième siècle.

Cette nouvelle accusation a été fabriquée dans le seul but de stigmatiser davantage le peuple juif et de leur donner une réputation démoniaque. Elle se nomme aussi « l’accusation de sang ».

Voici comment se définit « l’accusation de sang » : les Juifs étaient officiellement accusés d’avoir commis un meurtre contre un chrétien, de préférence un enfant, pendant la Semaine Sainte, et ce, à des fins rituelles juives. Plus de 150 fausses accusations de diffamation ont été enregistrées à travers l’histoire, causant jusqu’à la mort de personnes juives (surtout au Moyen-Age).

Certains allèrent même jusqu’à prétendre que le sang recueilli des enfants chrétiens était utilisé pour faire du pain azyme (le pain sans levain utilisé pour la Pâque juive).

La première revendication d’une « accusation de sang » enregistrée fut à Norwich, en Angleterre, en 1141. Le cadavre d’un garçon fut retrouvé le Vendredi Saint. On apprit plus tard que le garçon s’appelait William de Norwich. Le témoignage d’un moine (Thomas de Monmouth) fut le seul témoignage de l’événement. Aucune preuve n’a jamais été trouvée pour étayer l’accusation.

Le meurtre de William a été responsable de l’attaque d’une délégation juive venant au couronnement de Richard Cœur de Lion en 1189. L’année suivante, la plupart des Juifs de Norwich furent massacrés dans le village.

Davantage d’accusations de meurtres rituels et d’accusations de sang ont suivi le pas de la première, à travers l’Angleterre. Les Juifs ont finalement été expulsés d’Angleterre en 1290, et ils n’ont pas été autorisés à revenir jusqu’en 1655, sous Oliver Cromwell.

Les allégations de diffamation rituelle ont pris de l’ampleur en France puis en Allemagne. En France, en 1187, des Juifs ont été brûlés pour avoir échoué à l’épreuve de l’eau (l’accusé coulait ou restait à flot selon qu’il était ou non couché dans un baquet d’eau bénite).

L’accusation a réapparu plus tard en Pologne à la fin du XVIIIe siècle, ainsi qu’à la fin du XIXe siècle en France, en Allemagne et en Russie (1911). La même accusation est apparue plus récemment, à New York en 1928, dans la propagande nazie lors de la Seconde Guerre mondiale, et même dans une brochure intitulée « Jewish Ritual Murder » publiée à Birmingham, Alabama, en 1962.

Bien qu’elle soit absolument ridicule et impossible à prouver, cette accusation continue d’être propagée aujourd’hui, principalement au Moyen-Orient, par des musulmans antisémites endoctrinés à haïr les Juifs. Parfois, elle refait aussi surface dans les endroits les plus inattendus, comme c’est le cas des événements récents qui ont eu lieu en Europe de l’Est en novembre 2017.

Un évêque russe proche du président Poutine a réintroduit l’idée que le Tsar Nicholas II et sa famille furent tués par des Juifs dans un meurtre rituel. Historiquement parlant, l’auteur principal du meurtre du tsar Nicolas II était Yakov Mikhaïlovitch Yurovski, qui était juif.

Accuser Yurovsky de meurtre rituel équivaut à tenir tous les Juifs responsables de l’assassinat de Jésus alors que seulement quelques membres du leadership d’Israël étaient impliqués (en collaboration avec les dirigeants de Rome et des soldats romains). En réalité, Jésus a donné sa propre vie pour tous (Jean 10:17-18).

Yurovsky était un tueur qui était juif… et non un tueur parce qu’il était juif. De plus, rien ne prouve que l’assassinat de Nicolas II et de sa famille fut « un rituel de sang », comme rien ne prouve la première accusation la première accusation de ce type il y a 876 ans.

Malheureusement, la vérité factuelle n’est pas requise lorsque l’antisémitisme frappe, et elle n’est même pas requise par ceux qui sont les témoins d’actes antisémites.

L’ « accusation de sang » est l’un des mensonges les plus anciens et les plus durables contre le peuple juif. Il est triste qu’il y ait encore des gens cherchant à le propager. Et il est encore plus triste qu’il y ait encore des gens pour y croire.

Ce mensonge est considéré comme faisant partie de l’antisémitisme classique, culminant dans la haine raciale des Juifs, qui aurait cessé après la Shoah. Il a été remplacé par le nouvel antisémitisme au nom de la justice sociale et des droits de l’homme.

Qui aurait pensé que les deux branches d’une même herbe s’entremêleraient et deviendraient plus fortes dans l’antisémitisme des temps de la fin ?

à propos de l'auteur
Olivier enseigne la Bible et les racines juives du christianisme. Né à Paris, il écrit et enseigne aujourd'hui, aux Etats-Unis et en France, sur l'antisémitisme classique et nouveau. Il est l'auteur de deux livres dont un sur l'antisémitisme. Il travaille actuellement à la suite de son ouvrage paru en 2007 sur l'antisémitisme ("They have conspired against you"). Olivier est aussi le directeur régional de Chosen People à Seattle.
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