L’Abbé Pierre en odeur de sainteté

L'abbé Pierre, prêtre catholique français, à son siège de l'hôtel Rochester à Paris, le 10 février 1954. (Crédit : AFP)
L'abbé Pierre, prêtre catholique français, à son siège de l'hôtel Rochester à Paris, le 10 février 1954. (Crédit : AFP)

Roger Garaudy est un philosophe français décédé en 2012. Il fut successivement communiste, antisémite, protestant, antisémite, catholique, antisémite, musulman, antisémite, négationniste, antisémite, révisionniste et antisémite. En 1995, il publiait « Les Mythes fondateurs de la politique israélienne »[1], ouvrage où il accusait les Juifs d’instrumentaliser la Shoah. Deux ans plus tard, il était condamné pour contestation de crimes contre l’humanité, diffamation à caractère racial et incitation à la haine raciale[2].

Qui se ressemble s’assemble, dit l’adage. Garaudy avait donc tout naturellement l’Abbé Pierre[3] pour ami et frère d’armes dans son combat antijuif. Les deux avaient la passion antisémite chevillée au corps. Mais comme l’Abbé Pierre avait pour lui d’être une grande figure de la lutte contre la pauvreté, sa judéophobie passait pour un péché mineur, et peut-être même pour un péché mignon chez certains coreligionnaires.

Mais l’Abbé Pierre risque maintenant d’être anathématisé du point de vue moral. Selon un rapport d’Emmaüs[4] il abusait systématiquement de la vulnérabilité de personnes avec lesquelles il était en contact dans le cadre de ses activités charitables. Il donnait du pain en échange de faveurs sexuelles, sa vocation de sauveur étant plutôt de nature hormonale que chrétienne.

Suite au rapport d’Emmaüs, son directeur général confirme que l’Abbé Pierre était un prédateur sexuel. De nombreuses femmes, dont des mineures au moment des faits, l’accusent de violences diverses et variées. Il s’avère que dès les années 1950, l’Abbé Pierre était déjà au cœur d’affaires de mœurs, notamment au Canada et aux États-Unis. À chaque fois, elles étaient étouffées, notamment grâce au soutien discret de dignitaires de l’Église. Ces agressions ont duré un demi-siècle sans que personne ne s’en émeuve Urbi et Orbi.

Mais les choses ont changé, et la plupart des institutions liées au Mouvement Emmaüs prennent maintenant des mesures pour effacer la mémoire, et même le nom, de l’Abbé Pierre partout où cela dérange. Le scandale est avéré, et les regards sont désormais tournés vers ses victimes déclarées, en attendant que d’autres se déclarent, ce qui ne saurait tarder.

Mais ce qu’il faut retenir de cette histoire, c’est que l’antisémitisme viscéral de l’Église catholique, apostolique et romaine dont l’Abbé Pierre était porteur, n’a jamais empêché ces mêmes institutions de le tenir en odeur de sainteté, alors que cela faisait des décennies que cette odeur était nauséabonde pour qui a un odorat un tant soit peu sensible.

[1] Chez « La Vieille Taupe », Éditeur de l’ultra-gauche spécialisé dans des textes négationnistes.

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Garaudy

[3] Cofondateur du mouvement Emmaüs, comprenant la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés.

[4] https://emmaus-france.org/groupe/fondation-abbe-pierre/

à propos de l'auteur
Daniel Horowitz est né en Suisse, où ses parents s’étaient réfugiés pour fuir l’occupation de la Belgique. Revenu à Anvers il grandit au sein de la communauté juive. A l’âge de quinze ans il entre dans l’industrie diamantaire et y fait carrière. Passé la soixantaine il émigre en Israël où il se consacre désormais à l’écriture. Il a récemment publié aux éditions l'Harmattan un ouvrage intitulé "Leibowitz ou l'absence de Dieu".
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