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L’abandon de trop

Nos parents sont arrivés d’Europe de l’Est entre les deux guerres mondiales, pour la plupart. Miséreux, apatrides, ils se sont installés, entassés dans des taudis de Bruxelles, de Paris. Mais peu leur importait la misère, l’air qu’il respirait n’était pas vicié, du moins pas encore, des relents des terribles pogroms de leur terre natale. Ils ont à peine eu le temps de se relever les manches, d’envoyer leurs enfants à l’école, que déjà la bête immonde les rattrapait. Fuir, se cacher, baisser la tête, courber l’échine, tenter de survivre, de protéger ses enfants, dans une ambiance de haine, mais pire encore, d’indifférence.

Pour ceux qui en sont revenus, leur famille décimée, leur fratrie amputée, leur peu de biens spoliés, il leur a fallu une nouvelle fois se retrousser les manches, s’entasser dans d’autres taudis de Bruxelles, de Paris. Ils ne sont pas descendus dans la rue crier leur haine envers leurs voisins qui les avaient dénoncés, envers les Allemands qui les avaient massacrés, envers le gouvernement qui les avaient trahis, vendus… Non, les parents se sont mis au boulot et ont fait étudier leurs enfants. Ces derniers sont devenus avocats, médecins, chercheurs, scientifiques, professeurs, commerçants florissants, artistes, écrivains…

D’autre part, 800 000 juifs ont été chassés des pays arabo-musulmans à partir de 1948. À leur tour, ils se sont entassés dans des taudis de Paris puis des cités de banlieue. Et qu’ont-ils fait ? Sont-ils descendus dans la rue pour crier leur haine, leur désespoir ? Non, ils ont retroussé les manches, sont devenus à leur tour, des professeurs, des scientifiques, des artistes, des humoristes, des cinéastes qui ont réussi à tourner leur malheur en dérision, sans haine et sans rancœur !

Et puis, ils ont appris qu’enfin ils avaient une terre où se réfugier, une armée pour les défendre, un drapeau à leurs couleurs, un hymne national dans leur langue ancestrale et une fierté retrouvée … Mais cela on ne leur a pas pardonné. « Un bon juif est un juif mort » a-t-on lu sur les murs de Paris ces jours-ci, alors que le peuple juif vient de vivre le pire pogrom de son histoire depuis la Seconde Guerre Mondiale. Et voilà que les quelque 600 000 Juifs de France, et ceux de toute la diaspora, qui, en toute logique, auraient mérité un tant soit peu de compassion et d’humanité, voient se déchainer sous leurs yeux les mêmes foules abruties de cette même haine que leur portait les nazis, criant Allah Akbar au lieu de Heil Hitler ! Voilà que des enfants juifs ont peur de retourner à l’école, qu’une étudiante juive est chassée de sa fac à Lyon, qu’on agresse des rabbins qui ont peur de déposer plainte, qu’un vieil homme juif est assassiné d’un coup de mégaphone à Los Angeles ; que l’on chante des hymnes nazis dans le métro, que des prédicateurs font l’apologie du terrorisme, des influenceuses donnent la meilleure recette du bébé juif au four, que des artistes, des politiques juifs sont menacés de mort, que la gauche, cette gauche à laquelle nos grands-parents étaient si attachés, se roule dans la fange, que les néo-féministes qui poussent des cris d’orfraie pour un sifflement dans la rue n’ont pas un mot pour les centaines de femmes, de fillettes, de jeunes filles violées par le Hamas, que les wokistes américains s’attaquent physiquement aux Juifs sous prétexte de la défense des minorités !!!

Et enfin, le plus pathétique dans tout cela c’est que même les rares meilleures volontés qui sont à nos côtés, et qu’on n’a de cesse de remercier, n’arrivent pas à organiser une simple marche contre l’antisémitisme ! Les Français, après la profanation du cimetière de Carpentras, par dizaines voire centaines de milliers étaient descendus dans la rue. Au point que le grand rabbin Sitruk à l’époque avait déclaré : “Quel bonheur de sentir la France à nos côtés ! Aujourd’hui, je déclare à mon tour : Quelle tristesse de voir les Français nous abandonner !

à propos de l'auteur
Yael Hassan est auteur de littérature pour la jeunesse
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