La vision américaine est-elle une illusion d’optique ?
Au lendemain des frappes de représailles en Irak, en Syrie et au Yémen, le Secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, entame un nouveau voyage au Moyen-Orient pour accélérer un accord de libération des otages israéliens et obtenir une pause humanitaire dans la bande de Gaza. Sur le terrain, la guerre contre le Hamas fait rage et les provocations iraniennes au Nord et au Sud se multiplient.
Et pourtant, d’ores et déjà, les États-Unis étudient la possibilité de reconnaître l’Etat de Palestine dans le cadre d’un « gouvernement démocratique qui aspirera à la coexistence et à la paix avec Israël … »
Les pays européens approuvent et pensent comme les Américains que c’est la seule solution pour sortir de l’impasse, garantir à Israël une sécurité absolue et aboutir à une paix viable. En d’autres termes, on exige d’Israël de se retirer de la Cisjordanie et de la bande de Gaza pour offrir aux Palestiniens sur un « plateau d’argent » un Etat indépendant. Belle récompense pour le fléau du terrorisme. Désormais, les pressions exercées sur l’Etat juif, les violences meurtrières et les attaques barbares reçoivent un prix exorbitant. On gomme le pogrom du 7 octobre 2023, on pardonne, et on retourne à la case départ.
Absurde, insensé et révoltant de planifier maintenant la création d’un Etat palestinien indépendant, sans connaître tous ses paramètres et sans savoir qui va le gouverner. La formule d’un Etat démilitarisé peut-être étudier à long terme mais qui nous garantira aujourd’hui que le nouvel Etat ne sera pas dirigé par le Hamas ? Avons-nous la mémoire courte, avons-nous oublié que l’Amérique d’Obama avait déjà fait pression sur Israël pour qu’il accepte des « élections démocratiques » dans la bande de Gaza ? Obama avait agi, dès le premier jour, avec dynamisme et détermination pour régler toutes nos affaires en se réconciliant avec le monde arabo-musulman. Obama avait décidé de faire son premier voyage au Caire. On se souvient de son fameux discours de réconciliation avec le monde musulman qui s’est soudain transformé en cauchemar du Printemps arabe. Il avait accéléré la montée au pouvoir des Frères musulmans en Egypte, la confrérie dont les membres du Hamas sont privilégiés.
Joe Biden est un homme d’Etat chevronné et orfèvre en politique internationale. Il suit la situation au Moyen-Orient depuis plusieurs décennies. Il connaît parfaitement tous les dossiers et suit les pas de son prédécesseur. A l’âge de 81 ans, même s’il possède toutes ses facultés et que ses intentions sont vraiment bonnes, un président américain n’a pas le droit à l’erreur et aux maladresses diplomatiques surtout à l’égard d’Israël, son principal et fidèle allié.
Face à Donald Trump, Biden brigue un nouveau mandat et souhaite gagner les prochaines élections présidentielles. Il a du mal à imposer son autorité au sein de son propre parti. Les nombreuses tentatives de l’aile gauche du parti démocrate de « punir l’occupation israélienne », de soutenir le boycott, et d’offrir un Etat indépendant aux Palestiniens sont très inquiétantes. Devant une vice-présidente relativement inexpérimentée dans les affaires internationales, Biden n’a peu de temps pour prouver ses capacités, redonner confiance à ses alliés, pour pouvoir ainsi sécuriser le Moyen-Orient et le monde entier. Il a donc besoin d’un succès diplomatique spectaculaire pour effacer l’échec de sa politique étrangère.
En effet, la liste de ses échecs est longue et les conséquences sont graves. Les troupes américaines ont quitté à la sauvette l’Afghanistan, la Corée du Nord poursuit impunément ses essais balistiques, les Iraniens progressent dans leur projet nucléaire, les milices chiites attaquent des positions stratégiques américaines au Moyen-Orient, l’invasion russe de l’Ukraine est omniprésente, la menace de la Chine d’envahir Taïwan est dans l’air, tous ces échecs et encore d’autres prouvent que le parapluie américain est percé de trous. Le gendarme du monde semble prendre sa retraite…
Certes, Biden a prouvé depuis 40 ans qu’il est un ami sincère et fidèle de l’Etat Juif. Malgré les divergences profondes et personnelles avec Nétanyahou, il a tenu ses engagements et son soutien demeure très fort et irréversible. Il est vrai aussi que sans l’aide militaire et diplomatique des Etats-Unis nous ne pourrions pas garantir à long terme notre sécurité.
Concernant les Palestiniens, Biden n’a pas abandonné le processus de paix et croit sincèrement à la formule de deux Etats pour deux peuples. Il déclare de nombreuses fois qu’après la fin de la guerre, il faudrait s’efforcer d’établir un horizon politique propice à la promotion de la solution à deux États et à l’établissement d’un Etat palestinien indépendant. Parallèlement, il affirme que « la violence des colons contre les Palestiniens doit cesser ». D’ailleurs, Américains et Européens sont d’accord sur ce point et envisagent de prendre des mesures concrètes en imposant des sanctions aux résidents juifs de Cisjordanie impliqués dans des violences contre des Palestiniens. Des mesures qui ne sont pas prises ailleurs.
Triste de constater que la méfiance américaine persiste à l’égard du gouvernement Netanyahou mais malheureusement cette défiance plane depuis longtemps au sein de l’opinion publique israélienne et elle est encouragée par une presse qui méprise fortement le gouvernement actuel malgré l’état de guerre.
Depuis l’attaque terrestre dans la bande de Gaza, le contexte international est défavorable à Israël. Pour sortir de l’immobilisme et de notre isolement sur l’arène internationale, le temps est propice pour présenter notre propre initiative de paix. Nétanyahou doit se conduire en chef d’Etat capable de prendre des décisions courageuses et audacieuses. L’avenir existentiel de l’Etat d’Israël passe avant les intérêts politiques et la survie de sa coalition. Attendre une victoire de Donald Trump ne présente pas non plus un gage, cet homme est imprévisible.
La normalisation avec l’Arabie saoudite pourra modifier favorablement la donne géopolitique mais la création d’un Etat palestinien ne sera jamais au détriment de la sécurité de l’Etat juif et contre la volonté du peuple israélien.
D’ores et déjà, et avant qu’il ne soit trop tard, nous devons marquer nos propres lignes rouges en précisant sans équivoque le tracé de frontières défendables, et notre refus catégorique au retour des réfugiés et au partage de Jérusalem en deux capitales.
Une reconnaissance unilatérale des Etats-Unis et des Européens dans des frontières d’avant 1967 est contraire aux accords antérieures et aux engagements américains. Ce diktat est inadmissible.