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La violence dans le judaïsme religieux

Les plus grands massacres du XXe siècle n’ont pas été commis au nom de Dieu. Pourtant, il est le principal accusé

Les plus grands massacres du XXe siècle n’ont pas été commis au nom de Dieu. Pourtant, il est l’accusé principal et comme Charlie l’a dit, l’assassin court toujours. 

Qu’en est-il de la violence dans le judaïsme ? Voici la synthèse de ce que j’ai trouvé, vos remarques seront les bienvenues.

La France a été secouée par deux drames provoqués par des assassinats spectaculaires, d’abord, la malheureuse équipe de Chalie Hebdo, suivi par les clients de l’Hyper cacher, et les massacres des spectateurs du Bataclan, et des clients des cafés aux alentours.

Plusieurs criminels sont morts lors de l’assault donné par la police, d’autres ont été arrêtés en France et en Belgique. Tous les coupables et suspects arrêtés se revendiquaient d’un combat de civilisation, et affirmait agir au nom de Dieu, d’Allah en arabe. S’ils ont été endoctrinés, ce fut par des prédicateurs se prétendant inspirés par Dieu. Dieu est donc mis en accusation.

Sur Facebook, un nombre impressionnant de posts mettent en cause les religions, et on peut lire, qu’elles ne servent qu’à diviser les peuples, et qu’elles sont à l’origine des guerres. La couverture de Charlie Hebdo m’a interpellé, en effet, Dieu, est-il ce triste criminel en fuite ?

Les crimes récents ont été commis par des gens se revendiquant de l’islam, la condamnation des clercs musulmans n’y changera rien. Nous avons vu dans un passé pas si lointain les chrétiens se comporter aussi mal, en se «justifiant» aussi sur des textes anciens. Et si des juifs n’ont pas commis ces atrocités, ce n’est pas faute de mauvaise volonté, mais faute de moyens pour les réaliser.

Je préfère laisser à mes amis chrétiens, musulmans, bouddhistes ou autres le soin de se pencher sur leur propre religion, et j’ai essayé de voir si la tradition religieuse juive portait en elle les germes de la violence totalitaire dont on accuse globalement les religions, toutes les religions.

En préambule, il faut avoir en tête que si de nombreux crimes ont été commis au nom des religions, les principaux massacres du dernier siècle n’ont pas été commis au nom de Dieu, je pense à l’extermination des Hottentots en Afrique du Sud, au génocide des Arméniens, à la Shoah, aux abominations contre les Tutsis, ou aux victimes de Pol Pot, aux guerres du Darfour, sans parler des crimes Staliniens.

La Torah a été donnée par Dieu à Moïse

La foi juivea été définie par Maïmonide, au XIIIe siècle, en 13 articles de foi, La croyance en un Dieu unique, incorporel absolu totalement étranger à l’homme, est la base de la foi. Ce Dieu a donné à Moïse une Torah immuable.

… je crois d’une foi parfaite

7- Que la prophétie de Moïse, notre maître, sur lui la paix, est vraie, qu’il est et reste le père de tous les prophètes.

8- Que la Torah que nous possédons est celle transmise à Moïse, notre maître, sur lui la paix.

Le «projet Aladin,» qui définit à l’attention des musulmans la foi juive, interprète l’article 8 de la façon suivant :

8. La Torah écrite et la Torah orale – des enseignements qui sont aujourd’hui dans le Talmud et d’autres écrits – ont été donnés à Moïse

«Torah et science»  traduit ainsi
8. Je crois d’une foi parfaite que toute la Torah qui se trouve entre nos mains est celle qui a été transmise à notre maître Moïse.

Si l’on prend les mots de Maïmonide, la foi doit être parfaite, les documents que nous possédons sont l’œuvre divine, or la bible est pleine d’incohérences, elle décrit des scènes parfois scabreuses, qui heurtent parfois notre sens de la moral actuelle. Comment croire de tels propos ?

Le mot Torah au sens étroit définit les cinq livres de Moïse, la bible juive se nomme Tanakh’ ת’נ’ך’ Torah – Neviim (prophètes) – Khetouvin (écrits) Maïmonide dit que la Torah a été donnée au mon Sinaï. Il connaissait le Talmud qui affirme que parmi le peuple d’Israël, n’aura pas part au monde qui vient, celui qui dit qu’il n’y a pas de Torah venue du ciel.

Or on constate que les rabbins, ont donné un sens extensif au mot Torah, non seulement, le terme comprend les livres de Moïse, mais aussi tout le Tanakh, et aussi la Torah orale, qu’on appelle Torah SheBal Pé.

Les rabbins, on collationné les témoignages des anciens, et en ont déduit tout un corpus de règles en appliquant une méthode rigoureuse, ce fut la Michna, qui a été rédigée pendant deux cent ans, et pendant deux cent ans, on l’a explicité ce fut la guemara, et l’ensemble forme le Talmud considéré comme la Torah SheBal Pé.. Torah orale.

Selon le judaïsme orthodoxe, Torah veut dire bible juive plus Talmud, les conclusions des disputes des rabbins du Talmud sont divines, car elles ont été données à Moïse sur le Mont Sinaï.

Le doute est-il compatible avec la foi ?

Le croyant… croit, il ne met pas en doute son Créateur, s’il le faisait serait-il un vrai croyant ? ? La Torah écrite ou orale, ne se pose pas de question sur Dieu, Dieu est, Maïmonide s’est opposé à toute description physique, et nous le définissons par des adjectifs comme Adir, Gadol, Kadosh etc.. formidable, grand, saint… mais nous ne le comprenons pas, quand un malheur arrive, nous disons « Barouh’ Dayan Aemeth » Béni le juge de vérité. Dieu a cessé de communiquer avec l’homme depuis la fin des prophéties.

La différence entre le croyant et le savant, est cet élément irrationnel, on sent des choses qu’on ne comprend pas, quelque chose qui n’appartient pas à la raison. Le ressenti doit-il être au dessus de l’intelligence ? L’homme cherche à concilier les deux, et est amené à douter. Le Rav Kook disait « celui qui affirme l’existence de Dieu, sans en douter un seul instant, est un charlatan. »

Le croyant juif cherchera surtout à comprendre la volonté divine, plus qu’à connaître son créateur. Et dans la compréhension des commandements, le doute est obligatoire. Comment peut-on avancer dans la connaissance si on ne se pose pas de question ? Et comment se poser des questions si nous n’avons pas de doute ? Le croyant juif n’est pas un fanatique, car il sait qu’il ne sait pas, qu’il n’aura pas en lui les réponses. Celui qui dit qu’il n’y a pas de Torah du ciel (hors de lui) ne participera pas au monde qui vient dit le Talmud. Le juif devra se chercher un maître, et étudier jusqu’à ce qu’il trouve la réponse satisfaisante, et peut être ce jour n’arrivera jamais.

La Torah écrite est pleine de violences mais n’est pas la loi

Le lecteur de la Torah peut être horrifié devant ce qu’il y lit, on voit des comportements hyper violents, par exemple, Simon et Lévi qui massacrent la population de Sichem, on lapide, on brûle, et on condamne à mort à tour de bras, par exemple si on ne respecte pas le chabbat, si on est homosexuel, ou si on insulte son père. On pratique des ordalies, (Nombre 5-27 la femme soupçonnée d’adultère doit boire… et si elle est empoisonnée, c’est qu’elle était coupable) tout cela interpelle, et a toujours interpellé.

Les talmudistes ont donné la façon de comprendre les textes, le judaïsme lit la loi écrite avec la loupe de la loi orale. Le Talmud, pour reprendre l’expression de Delphine Horvilleur, préfère faire violence aux textes plutôt que faire violence aux gens.

Aucun juif n’est autorisé à prendre une phrase de la Torah au pied de la lettre et de l’appliquer au sens premier en se réclamant de Dieu. Toutefois, aucun talmudiste ne peut oublier les textes écrits qui sont la base même du Talmud.

J’ai choisi de montrer quelques exemples de la violence dans le judaïsme :

A) Comment traite t-on les idolâtres et les mécréants ?
B) Quelle la position du judaïsme face à la guerre sainte ?
D) La Torah et la violence de certains «colons»
C) Devant l’intifada des couteaux, comment le juif doit-il se comporter face au Palestinien qui souhaite l’assassiner ?

A) La tolérance dans le judaïsme

Le Talmud dit que tout Israël aura part au monde qui vient, (Sanhedrin 10-1) sauf ceux qui ne croient pas en la révélation, en la résurrection des morts, et les «apicoros» c’est-à-dire les mal pensant. Toutefois, il n’est jamais écrit que les non juifs n’y auraient pas droit !

Le Talmud distingue les étrangers, auquel il donne des droits différents, il y a le « Guère Tochav » qui a le statut de résident permanent, qui doit respecter les sept lois données à Noé, et on a pas le droit de le faire travailler le chabbat. On le considère de facto comme un citoyen.

Il y a le « nokhi », l’étranger étrange, l’hôte de passage, l’inconnu parfait qui ignore tout de la Torah, et enfin l’idolâtré, « Akoum » qui est sensé être un voyou, face au voyou, le Talmud dit que le juif doit se défendre.

Le talmud autorise certains écarts à la morale, en ce qui concerne les relations avec les « Akoum », par exemple, vu qu’un Akoum est sensé faire un mauvais usage de son argent, s’il oubliait sa monnaie, on ne serait pas obligé de la lui rendre !

Selon la tradition juive, aura part au monde qui vient celui qui respecte les sept lois de Noé, et il ne nous a jamais été demandé de convertir le monde à notre foi.

Les mécréants n’auront pas part au monde qui vient, car ils n’auront pas terminé de construire leur âme, ils sont considérés comme des morts. La sanction est divine.

Toutefois, la bible prévoyait la peine de mort contre les blasphémateurs, «Un sanhedrin qui  prononcerait une condamnation à mort en sept ans, serait appelé sanguinaire, selon d’autres opinions, une fois tous soixante dix ans. Rabbi Tarphon et Rabbi Akiba nous ont enseigné «si nous avions siégé dans un Sanhédrin, il n’y aurait jamais eu de condamnation» (Makot 7a )

Ne serait-ce que pour des raisons formelles, la peine de mort n’est plus prononçable par un tribunal religieux car seul le Beth Din (tribunal rabbinique) réunit à Jérusalem, sur le mont du temple était autorisé à la prononcer.

La sanction contre les mal pensant a été le ‘Hérem, l’excommunication, dont Spinoza a été victime en son temps. De nos jours cette sanction est tombée en désuétude sauf parmi, les groupes harédim qui s’excommunient parfois entre eux, mais ces imprécations ont peu d’effet.

B) La guerre sainte

La Torah parle de guerre sainte à plusieurs reprise par exemple, « Exode 17-15 «Moïse érigea un autel qu’il nomma « Dieu est ma bannière » 16 Et il dit « Puisque sa main s’attaque au trône de l’Éternel, guerre à Amalec, de par l’Éternel de siècle en siècle ! »

Or Amalec a disparu, et nous obligation de nous souvenir de lui, alors qui est-il ?

Cananéens et Amalécites sont les uns comme les autres l’objet d’un commandement d’extermination ou à tout le moins de guerre, de milhemet mitzva – «guerre obligatoire». Les sources rabbiniques ont traité ce point avec ambivalence.

Pour les Cananéens, la guerre avait déjà eu lieu ou était censée avoir eu lieu du temps de Josué et le Talmud enseigne que les nations concernées n’existent plus, qu’elles ont été mélangées et que le commandement de les exterminer, de les asservir ou de les refuser comme prosélytes au sein de la communauté d’Israël est caduc.

Les rabbins ont qualifié d’Amalec les ennemis du peuple juif, et selon les époque, cela a changé. Maïmonide demandait d’exterminer Amalec.. mais il se gardait bien d’identifier la population amalécite avec précision.

Au fur et à mesure que les persécutions antisémites chrétiennes se diffusèrent, on traita d’Amalec le monde chrétien. Mais jamais les juifs ne se servir de ce prétexte pour commettre des crimes. Pour éviter ces violences des rabbins européens, firent dépendre l’obligation d’exterminer Amalec de conditions irréalisables : par exemple il fallait que le peuple d’Israël soit gouverné par un roi.

D’autres ont dit qu’Amalec était le doute spirituel, pour le Zohar, Amalec désigne les forces négatives de la spiritualité. Ainsi on rejoint la tradition musulmane de Grand Djihad, Amalec est le mal qui est en nous. C’est ce que Yossef Caro qui n’a pas codifié la destruction d’Amalec dans le Choulh’an Aroukh avait conclu, pour lui d’ailleurs un amalécite qui respecterait les lois de Noé, jouirait du même statut que tous les autres non juif.

On a dit qu’Aman à Suze était descendant d’Amalec, ainsi que les dignitaires nazis, mais le Talmud dit que des petits fils d’Aman étudiaient la Torah à Bnei Brak, et on sait que certains descendants de dignitaires nazis de haut rang étudient aujourd’hui dans des Yeshivas en Israël.

Pendant les longs siècles de diaspora, les juifs n’ont pas eu de force armée capable de commettre des atrocités, aujourd’hui on doit être vigilant. N’a t-on pas entendu le rabbin de Statmar depuis New-York qualifié les sionistes d’Amalec ? Elhanan Wasserman (1875-1941) a quant à lui traité de descendants d’Amalec les juifs communistes. Certains Israéliens pourraient aussi être tenté de traiter n’importe qui d’Amalec, par exemple les Palestiniens de Gaza, et ensuite s’autoriser à les massacrer au nom de Dieu.

Nous savons que le corps rabbinique est très divisé sur le plan politique, espérons que les autorités saurons poursuivre la tradition juive et continuera à interpréter cette obligation de génocide, comme une obligation morale de lutte contre le mal qui est en nous, en suivant la traditon de Yossef Caro.

C) La Torah et « les jeunes de collines »

On peut voir en Israël, dans les territoires des jeunes juifs radicalisés, portant d’immenses kippas, et équipés de grandes mitraillettes. Ils cherchent à imposer leur domination en agissant violemment.

Rav Mordeh’aï Bitton anime une rubrique sur « espace Torah« , où il montre par exemple la déviance des « jeunes des collines ». Ces jeunes personnes avec une immense kippa, et une immense mitraillette se considèrent comme les soldats de Dieu, attitude blasphématoire, car Il ne leur a jamais rien demandé. Ils ne se référent pas aux autorités religieuses, et ressemblent plus aux sicaires qui sévissaient à l’époque romaine qu’à des terroristes. Rabbi Yoh’anan Ben Zakaï dans le Talmud, les condamne. En fait ils ont assassiné beaucoup de monde, soit des romains, soit des juifs qu’ils ont déclaré renégats ou opposants, et ils ont conduit le peuple au désastre.

Il existe des rabbins problématiques, Benzi Gopstein, Dov Lior, Izhaq Guinzburg par exemple, qui défendent des idées franchement racistes, anti-chrétiennes, ou anti-musulmanes. Ils sont particulièrement dangereux, car le judaïsme considère que l’homme ne doit pas se fier à sa propre vision du monde, mais à celle des sages, il doit se choisir un maître. Or si le maître lui même dévie, l’élève n’a pas toujours ni les connaissances, ni la liberté de pensée suffisante, pour retourner vers une pensée plus orthodoxe.

Le Grand Rabbinat d’Israël, qui devrait représenter toutes les tendances du judaïsme devrait aussi fixer des lignes rouges, et retirer le titre de rabbins à ceux qui préconisent la haine en place du message de la Torah.

D) La légitime défense

Celui qui sauve une vie sauve l’humanité, dit le Talmud. Lors d’un procès où l’accusé risquait la peine de mort, on devait préciser cette phrase aux jurés, car si on le tuait, non seulement le criminel perdait la vie, mais toute sa descendance serait exterminée.Toute vie humaine est très précieuse, surtout la sienne.

Rav Gérard Zyzek a réalisé une remarquable étude juridique complète (Lois et pulsion) que je vous propose en annexe ici.

Un adage fondamental a été exprimé dans le Talmud :
הבא להרגך השכם להרגו, ‘Si quelqu’un vient te tuer, lève-toi plus tôt que lui pour le tuer !’ Sanhedrin 72a et 73a

Chaque vie est donc sacrée, y compris la tienne, et lorsqu’un tueur arrive, ta vie est plus précieuse que la sienne. L’étude talmudique explique le cas où un voleur creuserait un tunnel pour pénétrer chez toi afin de te voler, le propriétaire peut tuer le voleur, il n’a pas commis de crime, car il peut penser que le voleur aura peur en le voyant et le tuera, donc en agissant le premier, il sauve sa vie. Par contre, si le propriétaire est sûr que le voleur veut le tuer, il a l’obligation de le tuer le premier. On appel Rodef רודף poursuivant, cet homme.

Aujourd’hui en Israël, les « Rodef » ne manquent malheureusement pas, ainsi selon le Talmud on aurait l’obligation de tuer le Palestinien venu dans l’intention de vous poignarder, en vertu du principe de précaution, on aurait pas besoin d’être vraiment en danger pour le faire. Mais alors que penser de ce cas bien réel d’une femme qui venait de se disputer avec son mari, et qui voulant se suicider, s’est précipitée avec un couteau sur des soldats bien armés ? Ici aussi le bon sens doit l’emporter, quand la vie n’est pas en danger, la Torah interdit de se faire justice soi-même, et chacun a l’obligation de transmettre à la justice les coupables de crimes et délits.

Tuer le Rodef, si nécessaire est une obligation rabbinique, les soldats n’ont pas à avoir de remord quand ils font leur devoir, toutefois, ils ont une conscience, et enlever une vie n’est jamais anodin. La haine, même celle de son ennemi est interdite, et ce n’est qu’en respectant ces règles que le juif évite de se laisser contaminer, et de ressembler aux terroristes qu’il doit hélas combattre.

Michel Lévy

Ps : Vous trouverez ici des articles qui ont alimenté ma réflexion 

à propos de l'auteur
Economiste de culture, passionné d'histoire, Michel recherche a comprendre le monde dans lequel nous vivons. Synthétiser des réflexions contradictoires permet parfois de faire jaillir la lumière.
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