La série de l’été

De gauche à droite : le leader d’Otzma Yehudit, le député Itamar Ben Gvir, le chef de l’opposition et leader du Likud, Benjamin Netanyahu, et le chef de HaTzionout HaDatit, le député Bezalel Smotrich. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)
De gauche à droite : le leader d’Otzma Yehudit, le député Itamar Ben Gvir, le chef de l’opposition et leader du Likud, Benjamin Netanyahu, et le chef de HaTzionout HaDatit, le député Bezalel Smotrich. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

On pourrait en rire, si la vie de dizaines d’otages, et le retour dans leurs foyers de milliers de familles du nord et du sud du pays, n’étaient pas en jeu. Mais, chassez le naturel, la politique politicienne revient au galop, avec un scénario digne d’une série télévisée : « préparons les élections ». Silence, on tourne !

Le premier épisode, dramatique, mettrait en scène un Benjamin Netanyahu
délaissé par ses alliés. Les formations ultra-orthodoxes (18 députés) feraient tomber un gouvernement voulant obliger les étudiants de yeshiva à effectuer leurs obligations militaires. Une autre version, tout aussi dramatique, aurait pour vedettes Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich (14 mandats pour leurs deux partis d’extrême droite) abandonnant un Benjamin Netanyahu coupable de signer un accord prévoyant l’arrêt des combats à Gaza en vue de la libération des otages.

Le problème est que les acteurs de cette série tragi-comique rêvent de s’écarter du texte initial. La menace des partis ultra-orthodoxes pourrait être levée par un recrutement plus ou moins fictif de quelques milliers de jeunes élèves ou de pseudo-élèves de yeshiva. En dépit des pressions de la Cour suprême, le gouvernement aurait alors le prétexte nécessaire pour maintenir ses subventions aux écoles et aux familles des « hommes en noir ».

L’ultimatum des partis d’extrême droite semble plus dangereux pour Benjamin Netanyahu. Bezalel Smotrich doit retrouver une santé électorale en adoptant une position dure susceptible de faire revenir les électeurs qui l’abandonnent, si l’on en croit les sondages. Itamar Ben Gvir n’a pas ce problème, son parti ayant le vent en poupe. Mais rien ne dit que l’hypothèse sur laquelle repose cette version – un accord avec le Hamas – soit plus solide que les nombreuses tentatives faites en ce sens. On peut compter sur l’organisation terroriste pour formuler au fil des jours de nouvelles exigences qui rendront plus difficile, sinon impossible, un accord avec Israël.

La confiance régnant, et à toutes fins utiles, l’insubmersible Premier ministre prépare déjà le deuxième épisode en envoyant un de ses proches collaborateurs organiser, au siège du Likoud, le dispositif nécessaire à une campagne électorale. L’opposition aussi se prépare, avec sa droite regroupée au sein d’un Likoud bis, et sa gauche unissant les forces qui lui restent dans le nouveau parti Les Démocrates (Democratim) de Yaïr Golan.

À la veille de ses 75 ans, Benjamin Netanyahu ne semble plus à même de procéder à un retournement de situation digne des meilleures séries policières. Mais les vieux lions blessés restent de grands fauves dangereux. Et pas seulement sur les écrans.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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