La revanche d’Avigdor

Le chef du parti Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, s'exprimant lors d'une réunion de sa faction à la Knesset, le 20 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le chef du parti Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, s'exprimant lors d'une réunion de sa faction à la Knesset, le 20 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Crédité d’un score à deux chiffres dans les sondages depuis plusieurs semaines, Avigdor Liberman prétend désormais ouvertement au poste de Premier ministre. Succéder à Benjamin Netanyahou est son rêve et pas seulement pour des raisons politiques.

Ce Moldave venu en Israël en 1978 à l’âge de vingt ans, a beaucoup fait pour l’actuel Premier ministre. D’abord chauffeur, secrétaire et homme à tout faire du jeune surdoué de la droite israélienne, il deviendra le directeur d’un Likoud exsangue et couvert de dettes en 1992. Sans être regardant sur les moyens, il en fera une machine performante qui recommencera à gagner les élections en devenant autre chose qu’une formation politique : le « Bibi fan’s club ».

Directeur de cabinet de son chef devenu Premier ministre en 1996, il s’émancipera trois ans plus tard en créant son parti. Yisrael Beytenu (Israël, notre maison) connaîtra des fortunes électorales diverses, mais sera toujours représenté à la Knesset et permettra à Avigdor Liberman d’occuper plusieurs ministères prestigieux : Affaires étrangères, Défense…

Au fil du temps, il deviendra l’adversaire le plus virulent de celui qu’il avait servi. Quels cadavres dans le placard entre Bibi et lui ? Les historiens nous le diront. Moqué pour ses origines et son accent, le colosse moldave en a fait un atout pour conquérir sa première base électorale : les russophones primo-arrivants capables de suivre ses campagnes politiques bilingues (hébreu-russe).

Il sait défendre ceux qui ne sont pas reconnus comme juifs avec une de ses phrases-choc : « Il sont assez juifs pour mourir sous l’uniforme de Tsahal, mais pas assez pour se marier en Israël ». Il est ainsi devenu le champion de ceux qui s’opposent à l’ultra-orthodoxie. C’est sa seconde base électorale.

Il est en passe de s’en constituer une troisième avec son bilan de ministre des Finances dans le gouvernement Bennett-Lapid (2021-2022). Libéral affirmé, « gardien de la caisse », il y laissera un excédent de 10 milliards de shekels dilapidés par son successeur, Bezalel Smotrich (23 milliards de déficit en août 2023, soit avant la guerre).

Partisan de la manière forte contre les Palestiniens, il sait aussi faire preuve de pragmatisme à l’égard des Arabes qui jouent le jeu avec l’État juif : les Druzes ou Mansour Abbas, le leader du parti Ra’am avec lequel il s’est bien entendu dans la « coalition du changement ». Depuis le 7 octobre, il conteste le gouvernement sur sa droite.

Critique à l’égard de la conduite de la guerre, il réclame une vision à plus long terme capable d’endiguer les projets exterminateurs de l’Iran. Il entend avec Gideon Saar, Naftali Bennett et Yossi Cohen former le Likoud Bet (Likoud bis) capable d’abattre Benjamin Netanyahou et les siens. Il y mettra toute la hargne d’un homme qui a une revanche à prendre.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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