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La paille israélienne et la poutre chinoise

Le président chinois a réaffirmé le soutien de son pays à une « solution à deux États » au siège de la Ligue Arabe, au Caire

« Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? Ou comment peux-tu dire à ton frère: laisse-moi ôter une paille de ton œil, toi qui as une poutre dans le tien ? Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère ».

Cette citation est tirée du « sermon sur la montagne », que l’on pourra retrouver dans l’Evangile selon Saint Luc ainsi que dans celui selon Saint Mathieu.

Ces propos de Jésus pourraient être adressés au président de la République Populaire de Chine, Monsieur Xi Jinping.

Ce dernier vient d’effectuer une tournée remarquée au Proche-Orient, dans laquelle il a réaffirmé le soutien de son pays à une « solution à deux États », en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien. Dans un discours prononcé au siège de la Ligue Arabe, au Caire, il s’est même prononcé pour la l’établissement d’un État palestinien aux côtés de celui d’Israël, sur la base des « frontières » de 1967, avec Jérusalem pour capitale.

Il conviendrait d’abord d’informer le chef de l’État communiste chinois que les « frontières » de 1967 n’en sont pas et qu’elles sont en fait une simple ligne de cessez-le-feu, remontant à 1948. Il est cependant paradoxal que l’homme fort du quatrième plus grand pays de la planète fasse ainsi indirectement pression sur Israël qui, par la superficie, n’est que le 148e pays du monde.

Faut-il également rappeler que la République Populaire de Chine a envahi militairement et illégalement annexé le Tibet, en 1950 ? Et que, depuis, des millions de colons chinois se sont installés dans ce pays, transformé en province chinoise ?

Dois-je aussi évoquer ici le souvenir des dizaines de milliers de victimes tibétaines, en particulier durant la « révolution culturelle » chinoise, qui vit la fermeture et même la destruction d’antiques monastères bouddhiques et l’arrestation de milliers de moines ? Me faudra-t-il mentionner le sort des millions de réfugiés tibétains de par le monde, qui rêvent tous de revoir une patrie que la plupart n’a jamais connue ?

Que dire du refus persistant des autorités de Pékin d’accepter les négociations directes mainte fois proposées par le Dalaï Lama, chef spirituel des Bouddhistes tibétains et ancien chef de l’État du Tibet ?

Enfin, pourrais-je aussi demander au camarade Xi Jinping des nouvelles du onzième Panchen Lama, Gedhun Choekyi Nyima ? Né en 1989 et identifié comme la réincarnation de son prédécesseur en 1995, ce malheureux enfant de six ans fut aussitôt kidnappé par les autorités chinoises. Celui qui était alors considéré comme le plus jeune prisonnier politique du monde n’a plus jamais été revu, malgré une campagne internationale demandant sa libération.

Je pourrais aussi évoquer le sort du Turkestan Oriental, rebaptisé «Région autonome ouïghoure du Xinjiang » par Pékin. Cette région a elle aussi subi son lot de répression, de colonisation chinoise massive et d’intolérance religieuse. Nombre de militants ouïghours ont même été exécutés. Que dire enfin de la Mongolie Intérieure, où les Mongols autochtones ne constituent plus depuis longtemps qu’une petite minorité sur leur propre sol, du fait de l’installation de millions de colons chinois ?

C’est ce pays, cherchant à jouer un rôle international correspondant à son nouveau rang de super puissance économique mondiale, qui voudrait donner des leçons à l’État d’Israël quant à sa manière d’aborder la question des territoires disputés. Si lesdits territoires constituent la paille dans l’œil de l’État hébreu, le Tibet est sans conteste la poutre figée dans l’œil du géant chinois, et ce depuis 66 ans.

Ainsi donc, Monsieur Xi Jinping est favorable à l’établissement d’un État palestinien avec Jérusalem pour capitale, sur la base des « frontières » de 1967. De notre côté, nous sommes des millions, à travers le monde, à soutenir le droit inaliénable des Tibétains à disposer d’un État ayant Lhassa pour capitale, sur la base des frontières de 1950 !

Malheureusement, la cause tibétaine est beaucoup moins médiatique que celle des Palestiniens. Cela est sans doute dû au fait que les Tibétains n’ont jamais eu recours à la violence et qu’ils se sont toujours abstenus de poignarder des Chinois innocents…

Hervé Cheuzeville
Hervé Cheuzeville est l’auteur de plusieurs ouvrages. Son dernier livre, « Des Royaumes méconnus », vient de paraître chez Edilivre.

à propos de l'auteur
Hervé Cheuzeville est diplômé de l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris. Il est basé à Bastia, en Corse et a vécu et travaillé en Afrique de 1989 à 2013, toujours dans l'humanitaire, après avoir œuvré en Asie du Sud-Est. Il est l’auteur de "Kadogo, Enfants des guerres d’Afrique Centrale" (Ed. l’Harmattan, 2003), de "Chroniques Africaines de guerres et d’espérance" (Ed. Persée, 2006), de "Chroniques d’un ailleurs pas si lointain – Réflexions d’un humanitaire engagé" (Ed. Persée, 2010) et de "Au fil des chemins - Afrique, Asie, Méditerranée"(Edilivre, 2013). Les deux tomes de son ouvrage suivant, "Des royaumes méconnus", sont parus chez Edilivre: le premier est consacré à 6 royaumes d'Asie, le second à 12 royaumes africains. En mars 2017, les Editions Riqueti ont publié son dernier ouvrage, "Prêches dans le désert", qui constitue un véritable réquisitoire contre l'islamisme politique, le terrorisme islamiste et le parti pris propalestinien des grands médias. Ce livre a été suivi par "Nouveaux Prêches dans le désert" publié en 2020 aux Edizione Vincentello d'Istria. Entre temps, il avait publié, chez ce même éditeur "Rwanda, vingt-cinq années de mensonges". Hervé Cheuzeville a en outre contribué à deux ouvrages collectifs: "Corses de la diaspora" en 2018, sous la direction du Professeur Jean-Pierre Castellani (Scudo Editions) et "Chypre, 1974-2024, 50 ans d'occupation turque", sous la direction de l'historien Charalambos Petinos.
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