La meilleure défense c’est l’attaque

Le chef du parti Likud, le député Benjamin Netanyahu, lors d'un événement électoral du parti Likud à Qiryat Shemona, le 24 octobre 2022. Photo de Michael Giladi/Flash90
Le chef du parti Likud, le député Benjamin Netanyahu, lors d'un événement électoral du parti Likud à Qiryat Shemona, le 24 octobre 2022. Photo de Michael Giladi/Flash90

Cet axiome bien connu des militaires est aussi celui adopté par le Premier ministre devant le tribunal. La veille de sa première comparution, lors d’une conférence de presse, il avait donné le ton : offensif.

Pour la première fois dans les annales de la télévision, le Premier ministre a agressé verbalement un jeune journaliste, l’un des rares ultra-orthodoxes dans ce métier, qui avait le tort de lui poser des questions précises. Michael Shemesh s’est vu infliger une remarque cinglante devant les caméras : « J’entends vos mensonges tous les jours ! ». Car Benjamin Netanyahu a laissé à ses partisans le registre victimaire. Á lui, la noble tâche de proclamer son innocence. Même pas peur !

Il déclare qu’il attendait ce moment depuis huit ans. Ce jour où il peut dénoncer les enquêteurs de la police et les procureurs de l’État, ces accusateurs qui devraient être – eux – sur le banc des accusés.

Dès le début des trois affaires pour lesquelles il comparaît, Benjamin Netanyahu assurait : « Il n’y aura rien, car il n’y a rien » (dans ces dossiers). De toute façon, ce ne sont pas les accusations qui l’intéressent, mais la façon dont il pourra les retourner en sa faveur.

Pour le Premier ministre, il s’agit d’abord de montrer qu’il s’agit d’un complot politique contre lui : celui des juges ivres de pouvoir ; celui des journalistes vendus à la gauche ; celui du « système » qui n’aurait jamais admis qu’il exerce le pouvoir, lui, Benjamin Netanyahu, pur produit du sionisme de droite.

Cette ligne de défense très politique n’exclut pas une certaine légèreté dans ses réponses aux juges. Les cadeaux reçus de milliardaires dans le dossier 1 000 ? « Je n’aime pas le champagne ». Sa demande d’une meilleure couverture médiatique auprès de Yediot Aharonot (dossier 2 000) et du site d’information Walla (dossier 4 000) ? « Tous les responsables politiques sont soucieux de leur image ».

Et si son épouse Sarah a pu intervenir, c’est de son propre chef : « Elle a sa vie et moi la mienne. Je travaille de 16 à 18 heures par jour et quand je rentre, nous nous disputons pour choisir le programme de télévision devant lequel nous nous endormons ». On saura tout. Du moins sur la vie privée du Premier ministre. Sur sa vie politique, un peu moins.

Des deux sondages réalisés juste après les premières audiences, l’un n’enregistre aucun changement dans le score du Likoud, et le second un léger frémissement en faveur du parti du Premier ministre. Pas de quoi dissuader le nouveau héros des prétoires qui se battra jusqu’au bout comme un lion.

On sait que le roi de la jungle préfère lui aussi attaquer pour mieux se défendre. Et lorsqu’il lèche ses plaies, il est encore plus dangereux.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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