La lutte des kidnappés devrait changer

Que doit-il encore se passer pour que les citoyens d’Israël, ou du moins ceux, très nombreux, attachés viscéralement à la démocratie et à la fraternité, se réveillent et comprennent la gravité de la situation dans laquelle se trouve l’État et l’avenir sombre qui l’attend ?
L’accord partiel qui se profile aujourd’hui n’est qu’une autre manœuvre politique de Netanyahu. Il semble s’agir d’un progrès, mais cela représente un danger de renonciation à la libération du reste des kidnappés pour longtemps, peut-être pour des années, s’ils restent en vie. Cela permet au gouvernement de continuer à maintenir un état de guerre, lui offrant ainsi la possibilité de conserver le pouvoir. Pourquoi ne pas mettre à l’épreuve le Hamas, qui déclare accepter de rendre tous les kidnappés, en échange de la fin de la guerre et du retrait de Gaza ?
Deux ans et demi se sont écoulés depuis que le peuple d’Israël manifeste, d’abord contre la tentative de la coalition de museler la justice, et ensuite pour le retour des kidnappés. Un État où des dizaines de milliers de manifestants, de tous bords et de tous niveaux, sont ignorés, nécessite une révision radicale de la lutte.
Assez des manifestations dans leur format actuel, avec leurs performances ; assez de prudence et de peur face à Netanyahu et à ses acolytes ; assez de l’épuisement des proches de tous les kidnappés – tant ceux dont les proches se trouvent encore dans les tunnels de Gaza que ceux dont la mort a été causée par la poursuite de la guerre, sans objectifs déterminés et stratégiques conduisant à un avenir meilleur et prometteur.
La « coalition de l’abandon », qui a vu le pogrom du « samedi noir » se produire sous sa gouvernance, continue d’ignorer les cris du peuple. Il n’y a pas eu en son sein même cinq « Justes » pour sauver l’État, et surtout les kidnappés. La prise de pouvoir est prioritaire sur le bien-être du peuple qui l’a élu. Des considérations égoïstes, nationalistes, politiques, flatteuses et sans pitié prédominent.
Cela s’appelle un crime du pouvoir, qui mérite la mise en accusation de tous les membres de la coalition qui continuent à rejeter tout arrangement incluant l’échange global de tous les kidnappés, vivants ou morts. Le droit israélien, mais aussi le droit international, obligent les élus du peuple à protéger leurs citoyens, ce qu’on appelle la « loi des attentes ».
Cette loi a été violée depuis longtemps par tous les membres de la coalition. Ils sont directement responsables de la mort de citoyens qui auraient pu être sauvés si seulement leur gouvernement s’était acharné à leur libération.
Il est indéniable que la réponse de l’État d’Israël contre le Hamas à la suite du massacre du 7 octobre était, au départ, justifiée et nécessaire. Une grande partie des dirigeants du monde civilisé s’est tenue aux côtés de l’État et a exprimé son droit de répondre et de protéger ses citoyens. Depuis, la situation a basculé, et le gouvernement est de plus en plus décrié et ostracisé dans le monde entier.
Les familles des kidnappés, les survivants revenus de l’enfer et les familles ayant perdu leurs proches, empêchés de les enterrer dans leur terre, doivent ôter leurs gants et modifier leur lutte. Elles doivent intenter une action en justice devant la Cour suprême du pays contre les 68 membres de la coalition, chacun à titre personnel, en raison de l’enfer vécu par tous ceux qui ont été abandonnés aux mains du Hamas et de la mort de ceux qui n’ont pas survécu.
La « doctrine des attentes » stipule qu’une conscience antérieure des événements et de leurs conséquences, considérée comme une possibilité proche de la certitude, équivaut à un acte qui cause la mort. D’autant plus lorsqu’il s’agit effectivement de décès qui auraient pu être évités.
Si leur accusation n’est pas retenue et si tous les membres de la coalition actuelle ne sont pas déclarés coupables et punis, les plaignants seront légalement en droit, et même contraints, de s’adresser à des instances internationales pour demander l’émission de mandats d’arrêt contre chacun des membres de la « coalition de l’abandon » afin de les traduire en justice.
À cette occasion, les plaignants pourront également demander d’éviter toute poursuite contre les soldats et leurs chefs qui ont combattu sous les ordres de leurs dirigeants. Certes, la Cour pénale internationale est connue pour son hostilité envers Israël, mais elle est la seule instance ayant une autorité pratique à laquelle on peut s’adresser en ultime recours. Espérons cependant que nous n’arrivions pas jusque-là…
Il se trouvera sûrement des avocats israéliens très compétents qui sauront mener cette procédure tout en préservant la bonne réputation de l’État et de ses citoyens, qui pour la plupart aspirent à la paix, mais qui sont pris en otage par une organisation criminelle qui dirige l’État.
Peut-être que finalement, la peur poussera les incapables à renverser le gouvernement de l’abandon et ainsi à sauver leur peau. Après tout, la fin de tout régime autoritaire est sa chute, parfois dans des conditions fatales. Rappelons seulement les fins de Ceaușescu en Roumanie, Milošević en Yougoslavie, Hussein en Irak, Kadhafi en Libye, Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Égypte : tous ont payé de leur vie, de manière tragique et humiliante.