« La loi de prévoyance » comme issue ultime

Tous les moyens doivent être mobilisés pour la libération des kidnappés qui sont encore en vie, ainsi que pour les dépouilles de ceux qui ne le sont plus. Les manifestations n’arrivent pas à atteindre leurs objectifs. Il semble que Netanyahu et sa coalition se retranchent dans leur siège.
« L’accord partiel », tel qu’il se dessine aujourd’hui, n’est qu’un autre tour politique du gouvernement, principalement de celui qui le dirige. C’est, en apparence, un progrès, mais cela comporte le risque de renoncer aux autres kidnappés pour une longue période ; peut-être pendant des années – s’ils restent en vie.
Il ne fait aucun doute que toute libération de kidnappés est une étape louable, même s’il ne s’agissait que d’une seule personne. Mais il est très regrettable que le gouvernement ne déclare pas la fin de la guerre et un retrait complet de Gaza en échange d’un accord global. Or, Netanyahu préfère la poursuite de la guerre, ce qui lui permet de garder le pouvoir.
Il est important de rappeler qu’il s’agit essentiellement de citoyens – en partie des jeunes fêtant et célébrant la paix, ainsi que des femmes, des enfants, des séniors, des adultes malades, et même des bébés… Arrachés dans leurs lits dans des conditions rappelant la Shoah. Mais, cette fois, la barbarie a été commise dans le pays créé avec l’objectif suprême que chaque Juif puisse y vivre en sécurité et « ne plus jamais… » connaître un pogrom.
Bien que Tsahal et les services de sécurité aient gravement manqué à leur devoir, tant sur le plan du renseignement qu’en matière de protection, la responsabilité incombe tout autant au gouvernement et à son dirigeant qui ont conduit au renforcement du Hamas, une organisation djihadiste extrémiste dont les objectifs et les déclarations sont explicites quant à l’objectif de faire disparaître l’État juif.
Contrairement aux prisonniers de guerre, qui bénéficient en principe de protection par des conventions internationales et dont le sort fait partie du coût de la guerre, il s’agit aujourd’hui de kidnappés, la plupart étant des citoyens cruellement arrachés. Ils perdent la vie, en raison des conditions inhumaines dans lesquelles ils sont détenus, et de la guerre qui se poursuit.
Le gouvernement israélien a le devoir de tout faire pour sauver ceux qui sont encore en vie, peu importe le prix, y compris la cessation des hostilités, le retrait de toute la bande de Gaza, et la libération de prisonniers.
Certes, la réaction de l’État contre le Hamas à la suite du massacre du 7 octobre a été, au départ, légitime et obligatoire. Une grande partie des dirigeants du monde éclairé sont venus soutenir l’État et exprimer son droit à se défendre. Depuis, la situation a changé. Hélas, le pays est de plus en plus condamné et ostracisé dans le monde dans une inversion des responsabilités.
Si l’on peut tenter de comprendre le comportement de Netanyahu, sans l’approuver en aucune façon – il essaie de sauver sa peau en raison de ses procès. Mais, qu’est-ce qui motive les 64 membres de la coalition (et maintenant que Gideon Sa’ar a trahi son âme) ? Désormais, 68 députés soutiennent sans réserve leur leader, comme s’il était un monarque.
Comme à Sodome, cinq « justes » n’ont pas été trouvés au sein de la « coalition de dédain » pour sauver l’État, et surtout ses kidnappés. Leurs considérations égoïstes, nationalistes, politiques, courtisanes et dépourvues de compassion, priment. Même si, sous le mandat de cette coalition de dédain, le pogrom du « Shabbat noir » a pu avoir lieu.
Il revient donc à l’opposition (s’il y en a une) et aux nouveaux partis démocratiques qui émergeront sans doute en vue des prochaines élections, de déclarer clairement qu’avec l’établissement d’un gouvernement de changement, une cour spéciale sera fondée pour juger tous les membres de la coalition. Connaissant le sort des kidnappés, ils demeurent indifférents au cri de la majorité du peuple.
Cela s’appelle « la loi de prévoyance » : cette loi stipule que la vision anticipée d’un tragique événement et de ses conséquences, en tant qu’éventualité proche de la certitude, équivaut à un objectif atteint.
La déclaration et les préparatifs pour la mise en œuvre de ce tribunal spécial pourraient faire changer la position d’un certain nombre de membres de la coalition. Ce serait la dernière chance de faire tomber le « gouvernement de dédain », tout en sauvant leur avenir politique et peut-être aussi leur mise en accusation.
Cette exigence ne devrait pas retarder, même pour un instant, la réclamation d’établissement d’une « commission d’enquête nationale », avec des pouvoirs étendus et un délai raisonnable. Une commission qui examinera la conduite du niveau politique et des divers organismes de sécurité, à partir d’au moins une décennie avant le « Shabbat noir » et jusqu’à la façon de mener la guerre dans la bande de Gaza.
Les Israéliens ont été habitués à des combines pour établir des coalitions, ce qui est devenu presque un axiome. Il est temps d’y mettre fin. Un nouveau leadership est fondamental. Il doit prouver sa vocation de servir le peuple, avec fidélité, éthique et vision – et non à ses intérêts égoïstes et hédonistes.
Tzipi Livni a renoncé à devenir Première ministre en 2015. Elle a renoncé à son mandat afin de maintenir ses principes, en refusant de céder aux pressions des ultra-orthodoxes.
La cicatrice du « Shabbat noir » exige un véritable changement. Sinon, l’État sombrera dans un traumatisme sans remède et le pogrom sera gravé à jamais, tout comme la Shoah depuis 80 ans, et la destruction des deux Temples commémorée depuis plus de 2000 ans.