La liste

(NDLR : Cet article a été rédigé avant la publication de la liste des 33 otages libérables)
« Qui sauve une vie sauve l’humanité. »
(Talmud, Sanhédrin 37a)
Cette semaine, j’ai regardé l’émission satirique Eretz Nehederet et j’ai beaucoup ri. Les intervenants sont brillants, leur humour frappe toujours juste. Ils sont réactifs et savent parfaitement réagir à l’actualité. Ils trouvent les mots appropriés pour ironiser sur le désastre politique que nous traversons, sans jamais tomber dans le cynisme, la vulgarité ou le mépris. Leur manière de tourner en dérision les travers humains, de se moquer de l’égoïsme, des échecs et du virage inquiétant que prend le monde, est à la fois incisive et intelligente.
Suite à l’annonce de l’accord et de l’attente de la liste des otages qui seront libérés, ils ont mis en scène le Premier ministre Benjamin Netanyahu, avec dans sa main une liste d’otages, comme musique de fond celle du film La Liste de Schindler, rappelant la scène finale où Schindler, rongé par le remords, pleure pour les Juifs qu’il n’a pas pu sauver. Finalement, le personnage de Netanyahu déclare que, faute d’avoir pu sauver plus d’Israéliens, il a sauvé son gouvernement…
Ce gouvernement qui n’a toujours pas fait son examen de conscience, ni mené d’enquête sur les dysfonctionnements du 7 octobre, qui n’a pas le sens des priorités et cumule les échecs.
Cette semaine, heureusement qu’il y avait Eretz Nehederet pour rire, car comme c’est souvent le cas ces derniers mois en Israël, il était difficile de garder le sourire.
La semaine dernière a été particulièrement meurtrière, 11 jeunes soldats ont été tués sur les champs de batailles, ces deuils déchirants, nous les pleurons tous comme nos enfants, ils méritaient de vivre et non d’être arrachés à leur avenir par une poignée de fanatiques islamistes.
Puis l’accord est apparu, et contrairement aux apparences, il n’y a pas en Israël deux camps : personne n’est contre le retour des otages, et personne n’est pour la libération de dizaines de terroristes. Tous emprisonnés pour des actes criminels, des complicités d’actes criminels ou des tentatives d’actes criminels, y compris les mineurs. Il est évident que si Israël ne sanctionnait pas aussi les mineurs, le Hamas et d’autres organisations terroristes enverraient systématiquement des enfants accomplir les tâches les plus sordides pour échapper à la justice.
L’accord entre Israël et le Hamas est une tragédie en soi, car déséquilibré, mais il nous faut un accord pour libérer les otages israéliens, même si ces conditions sont une aberration. Un otage israélien innocent contre plus de 30 prisonniers auteurs d’actes criminels.
Quand on se trouve face à l’inhumanité d’un groupe terroriste qui prive ses civils de nourriture et de soins, qui les utilise comme boucliers humains pour protéger ses combattants et piéger les soldats israéliens, des terroristes sans aucune revendication (à part la destruction totale de l’État d’Israël), qui hurlent haut et fort que leur objectif est de reproduire un autre 7 octobre en Israël, que peut-on attendre d’une négociation avec eux ?
Nous attendons donc la liste… La liste des otages qui seront libérés selon les termes de cet accord. Nous avons tellement attendu. Cette actualité nous saisit, nous coupe la respiration.
D’autant plus qu’elle porte aussi en elle l’écho des horreurs de la Shoah. Car comme en 1940, le 7 octobre 2023, des Juifs ont été arrachés à leurs foyers, tués ou déportés dans des conditions inhumaines.
Qui peut concevoir la prise d’otages d’un bébé de 9 mois et d’un enfant de 4 ans ? Détenus en enfer, aux mains de criminels tortionnaires, enfermés sans nourriture ni soins minimaux nécessaires à des enfants en bas âge. Comment le monde peut-il accepter que des jeunes filles, qui faisaient la garde dans leur base militaire, soient sauvagement prises en otage, battues, défigurées, violées, enfermées, déshumanisées et privées de leur dignité pendant plus d’un an ?
Pourquoi sommes-nous seuls face à ces horreurs ? Pourquoi des forces étrangères ne sont-elles pas intervenues pour leur porter secours avant que les jours et les heures interminables ne défilent ? Pourquoi la Croix-Rouge se fait-elle si timide et, par cette attitude, tout comme en 1940, nous déçoit et nous choque, démontrant le peu de valeur qu’elle accorde aux vies israéliennes.
Aujourd’hui, nous ne pouvons plus progresser dans cette guerre contre l’islamisme sans la libération de tous les otages. Rien ne peut être envisagé, réfléchi ou construit sans la libération de nos frères et sœurs qui croupissent dans les tunnels du Hamas. Car nous le savons tous : chacun d’entre nous aurait pu être l’un de ces otages, et chacun de ces otages aurait pu être notre enfant, notre parent ou un ami cher.
Ces hommes, ces femmes, ces enfants ont des noms, une vie, des sentiments et des espoirs.
Mais pour le reste du monde, ils sont devenus « les otages israéliens », dont le sort est marchandé depuis plus d’un an.
Nous ignorons encore qui sera libéré, et parmi ceux qui seront libérés, qui sera vivant ou mort, car nous attendons « la liste ».
Cette liste est sur toutes les lèvres, tous les cœurs. Cette liste est un espoir qui à la fois nous torture et nous étouffe. Cette liste est ce que nous ne voulions plus jamais connaître après la Shoah. La liste des Juifs, la liste des Israéliens, la liste des vivants et des morts, la liste écrite par les mains des nazis contemporains. La liste que l’on mendie au Hamas, la liste que nous redoutons tout en la désirant. La liste des 33 sur 98.