La Haye et après

On aura tout dit sur la décision de la Cour pénale internationale d’émettre des mandats d’arrêt à l’égard du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et de son ex-ministre de la Défense, Yoav Gallant. « Un jour noir pour la justice, un jour noir pour l’État d’Israël » selon le président Herzog ; un « aveuglement moral et de honte historique qui ne sera jamais oubliée » pour Benny Gantz, un des principaux dirigeants de l’opposition ; et même, selon le principal intéressé, Benjamin Netanyahu, « une décision antisémite… une nouvelle affaire Dreyfus ».
La raison de cette condamnation unanime par la classe politique israélienne (et l’immense majorité du public) est simple. La CPI a pris à l’égard de dirigeants d’un pays attaqué (Israël, le 7 octobre), la même décision que celle ayant frappé Vladimir Poutine, l’agresseur de l’Ukraine. La CPI a encore aggravé son cas en émettant un mandat d’arrêt identique à l’égard de Mohammed Deïf, le chef militaire du Hamas (qui serait mort).
Ce que l’on dit moins, c’est que la décision de la CPI pourrait avoir d’autres conséquences négatives, mais peut-être – Oh surprise ! – des suites plus positives. D’autres mandats d’arrêt pourraient être émis, y compris des mandats d’arrêt secrets contre des militaires israéliens. Les 4 000 Franco-Israéliens (le nombre n’est pas officiel) qui servent dans Tsahal seraient susceptibles d’être inquiétés. Mais il est une suite plus positive qui résulterait de la décision de la CPI.
Les mandats d’arrêt émis contre le Premier ministre et l’ancien ministre de la Défense pourraient être suspendus. L’État ou le suspect peut demander à la Cour d’arrêter la procédure, mais cette demande doit être étayée par des preuves démontrant l’existence d’investigations sérieuses au niveau national.
En effet, c’est lorsque le système judiciaire national fait défaut que la CPI peut enquêter et poursuivre. En d’autres termes, cette procédure aurait pu être évitée si la fameuse commission nationale d’enquête sur le 7 octobre avait été formée. Et il n’est peut-être pas trop tard. Le problème est que Benjamin Netanyahu ne veut pas en entendre parler.
Plus encore, il souhaiterait que la Knesset adopte une loi instituant une commission politique sur le sujet interdisant toute autre enquête. On ne peut s’empêcher de rapprocher ce refus d’une commission nationale de la curieuse affaire qui agite le cabinet du Premier ministre à propos de l’utilisation de documents « confidentiel-défense ». Celui qui était aux commandes du pays le 7 octobre 2023 aurait-il quelque chose à cacher ?
Mais fort du soutien de l’opinion publique face à la CPI, le Premier ministre israélien se présente en souffre-douleur de tous les antisémites de la terre. Une stratégie de victimisation qui lui a toujours bien réussi.