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La guerre contre et le combat pour

Il y a comme un léger malentendu, je crois.

Nous avons été attaqués.

Au petit matin d’un jour paisible et calme.
Au petit matin d’un jour de fête douce.
Au petit matin d’un festival de musique, alors que nos enfants dansaient encore.
Au petit matin du jour des cerfs-volants.
Nous avons été attaqués.

Blessés dans notre chair et laissés pour morts dans notre sang.
Nous avons pris en chasse les psychopathes qui nous ont agressés, et ça s’appelle entrer en guerre. Sans doute. Il y va de notre survie. Depuis toujours. Le poignard que tient la main que d’aucuns nous sermonnent de lâcher est encore rouge de notre sang.

Nous avons entrepris d’avancer vers l’antre des monstres. Prudemment parce qu’ils ont placé leurs caches d’armes au coeur de leur population. Pendant que nous essayons de sauver des vies, nos agresseurs, eux, continuent de bombarder nos cœurs de villes qui n’abritent aucune cache d’aucune arme, juste pour essayer de semer la mort, encore.

Les mêmes qui nous demandaient de lâcher le couteau ensanglanté nous conjurent à présent de cesser de nous acharner à détruire ces caches d’armes sans une seule seconde exiger de nos assassins qu’ils cessent de s’acharner à vouloir nous tuer. Étrange, étrange. En même temps, celui qui aurait dit à Landru ‘veux tu bien cesser de tuer ces femmes ?’ aurait eu l’air idiot. Mais personne à ma connaissance, n’a demandé à la police de cesser de le traquer…

NOUS COMBATTONS POUR.

Nous sommes donc en guerre et les analystes du monde entier sont à la fête. Je voudrais juste apporter ma petite contribution sémantique à la conversation mondaine. Une petite précision. Trois fois rien. Nous ne livrons pas une guerre CONTRE. NOUS NOUS BATTONS POUR. Ce ne sont que des mots, je sais bien, mais au commencement était le verbe et je crois que les mots comptent.

Nos ennemis, innombrables, sont clairement en guerre contre nous. Mais nous, ils sont si nombreux que nous serions fous de seulement penser à faire de même. D’abord nous, nous n’aimons pas la guerre. S’il ne tenait qu’à nous, nous n’en livrerions jamais. Mais quand nous y sommes contraints, comme aujourd’hui, alors NOUS COMBATTONS POUR.

NOUS COMBATTONS POUR libérer nos otages.
Des morceaux de nous-mêmes qui sont aussi des membres de notre famille ont été enlevés ce funeste matin et nous nous battons bec et ongles pour les faire revenir à la maison. C’est ce que nous sommes en train de faire et arracher nos affichettes n’y changera rien. Rien.

Nous sommes partis chercher nos Hansel et Gretel dans la gueule de l’ogre. Nous détruisons les infrastructures du monstre au fur et à mesure de notre avancée. Point. Ceux qui n’ont pas compris encore, on ne peut rien pour eux. On ne peut jamais rien pour les cons de toute façon.

Notre ennemi est si cruel qu’il maintient le flou autour de nos enfants enlevés. Nous ne savons pas où ils sont. Nous ne savons pas comment ils vont. Nous ne savons même pas lesquels sont morts et lesquels sont vivants. Nous ne pouvons qu’espérer que sont vivants ceux dont nous n’avons pas retrouvé les corps.
C’est ce qui explique la fluctuation de leur nombre depuis le début de ce cauchemar, qui n’est issue, la fluctuation, que de nos recherches désespérées et non pas d’une quelconque communication des ravisseurs.
Dont le mode opératoire immonde a fait voler en éclat l’édifice fragile de la condition humaine, mettant à mal toutes les obscures conventions auxquelles naïvement nous nous raccrochions, saccageant la morale, dont on comprend que celle d’un nombre affligeant des membres de l’espèce est à géométrie si variable que c’en est consternant, étouffant la conscience dont on a compris qu’une fange de l’espèce trop importante est totalement dépourvue, ruine de l’âme…

Cachés au sein du peuple dans lequel ils se fondent pour qu’on les confondent, avec cynisme et jubilation, nos agresseurs continuent de secouer l’opinion mondiale comme on secoue un arbre pour sauvagement en projeter les fruits au sol, prouvant si besoin était qu’on manipule aussi bien les bons sentiments que les plus bas instincts. Et le monde entier de tanguer sous leurs coups de boutoir.

NOUS COMBATTONS POUR continuer à exister. Nombreux sont ceux qui envisagent, j’ai fallu écrire avec sérénité, la blague, quand le mot exact est hystérie, le bien fondé de l’existence de notre foyer national, le bien fondé de notre existence tout court d’ailleurs, persuadés qu’ils sont que le monde tournerait mieux sans nous.

Je ne sais pas si notre existence est fondée et je ne sais pas si le monde tournerait mieux sans nous, mais pardon, nous avons décidé de rester vivants et de continuer à exister. Comme les petites abeilles du monde, nous allons continuer de polliniser la terre de notre savoir et nous allons aussi continuer de produire et d’offrir à tous notre miel. Il va falloir s’y faire.

NOUS COMBATTONS POUR que le monde que nous allons laisser à nos enfants reste un monde où aucun pseudo-artiste jamais ne s’émerveillera de la “créativité” de l’imbécile qui utilise une aile volante pour aller envahir son voisin. Où personne ne décimera la famille qui organise le festival des cerfs volants. Et où surtout personne n’aura seulement l’idée d’empêcher nos enfants de danser jusqu’au petit matin.

à propos de l'auteur
Elle a fait de la radio, de la presse écrite, beaucoup de dessins et des chroniques d’audience en France. Depuis 10 ans en Israël, elle enseigne et a même fini par ouvrir une galerie d’art (ce pays rend fou). Plus concrètement, elle est surtout la mère dépassée de trois merveilles de gosses et réussit très bien le clafoutis, le crumble et le tiramisu.
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