La Guerre de Suez, soixante ans après. Partie 1 : La genèse de l’alliance franco-israélienne au cours de la guerre
L’épisode de la nationalisation du canal de Suez en juillet 1956 a réactivé l’opposition des deux blocs Est-Ouest, impliqué l’Organisation des Nations Unies et risqué le déclenchement d’une 3ème guerre mondiale.
Le conflit, de dimension internationale, est aussi un épisode de la longue crise qui oppose les pays arabes à l’Etat d’Israël.
La crise de Suez a débuté le 26 juillet 1956 par la nationalisation de la compagnie du canal reliant la Méditerranée à la mer Rouge.
La décision de nationaliser le canal fut prise par Nasser peu de temps après le refus exprimé par les Etats-Unis de participer à la construction du barrage d’Assouan.
En mal de financement, Nasser décida alors de s’approprier les sommes perçues par la Compagnie franco-britannique en droits de passage sur le canal.
La période comprise entre le mois de juillet et la fin du mois d’octobre 1956 voit les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne tenter de négocier un règlement à l’amiable avec l’Egypte. Mais les négociations se soldent par un échec.
Pendant ce temps, la France et la Grande-Bretagne préparent une alternative militaire afin de protéger leurs intérêts stratégiques.
Les raisons de l’implication israélienne ne comportent aucun mystère, de nombreux ouvrages, comme ceux de Michaël Bar Zohar, d’Uzi Narkis ou de Mordechaï Bar On les ont retracées.
Les armistices de 1949 n’ont pas instauré de véritable paix entre Israël et les pays voisins d’où partent de fréquentes attaques de feddayin. Ces « commandos de la mort » ont été créés en 1955 par Nasser en vue d’actions terroristes en territoire israélien ambitionnant un maximum de victimes et de dommages.
Face aux attaques, l’armée israélienne riposte par des actions militaires visant leurs bases de départ, elle envisage d’envahir le Sinaï et la bande de Gaza afin de les détruire mais Israël n’est pas en mesure de mener seul, une action de cette envergure et doit solliciter l’aide d’une grande puissance militaire, la France en l’occurrence, avec qui les relations ont connu les développements que l’on sait depuis 1954.
Dès 1955, les Israéliens ont envisagé une action mais ils ne possèdent pas d’armements et de matériels militaires suffisants et leur armée n’est pas assez puissante. Cependant la situation en Israël va en s’aggravant, les Egyptiens recevant désormais de l’armement du camp communiste.
De plus, l’Egypte bloque le détroit de Tiran donc l’entrée d’Eilat et les navires battant pavillon israélien se voient interdire l’accès du canal de Suez.
« Nous avons lancé l’opération Kadesh pour trois motifs explique Shimon Pérès. D’abord parce qu’il y avait des feddayin dans le pays qui effectuaient des attentats meurtriers et nous en étions arrivés avec les Jordaniens à une situation de guerre imminente.
Le deuxième motif, c’était l’arrivée d’armement de l’U.R.S.S. en Egypte qui menaçait notre existence. Et le troisième motif était la fermeture de Tiran. Ben Gourion a décidé de le rouvrir. C’était un casus belli. »
Reste à comprendre à présent les motivations françaises avant d’évoquer les aspects diplomatiques et militaires de l’implication de Paris dans la crise d’octobre 1956.
La France soupçonne Nasser de fournir une aide militaire aux rebelles algériens et peu à peu, son élimination apparaît comme une condition nécessaire à la reprise en main de l’Algérie.
Or, comme nous venons de le dire, depuis 1954, les relations israélo-égyptiennes se sont terriblement tendues en raison de l’escalade des raids feddayin et de la fermeture du golfe d’Akaba et du canal de Suez aux navires transportant du matériel militaire israélien.
En 1956, la situation à la frontière jordanienne, les menaces de l’Irak et les appels au Djihad de la Syrie précipitent la réaction israélienne.
Face à la coalition entre l’Egypte, la Syrie et la Jordanie, Israël décide de réagir avant que les Egyptiens ne soient capables d’utiliser les armements sophistiqués livrés par l’U.R.S.S.
En 1956, Nasser, fait figure d’ennemi commun à la France et à l’Etat hébreu. Du reste, la politique de Nasser nourrit depuis des mois les relations de plus en plus étroites entre Français et Israéliens, notamment depuis l’arrivée au pouvoir des socialistes en France.
Pourtant en dépit des livraisons d’avions et d’armements lourds effectuées par la France, les Israéliens craignent de ne pouvoir faire face à une attaque aérienne de la part de l’Egypte.
D’autre part, Ben Gourion est persuadé que son pays ne doit pas laisser échapper cette occasion historique d’une coopération militaire avec des puissances européennes.
Côté français, « le gouvernement espère que l’intervention aura des effets politiques tant en Egypte qu’en Algérie. »
Dès la nationalisation du canal de Suez par l’Egypte au mois de juillet 1956, alors que la France et la Grande-Bretagne s’emploient en façade à chercher une solution diplomatique à la crise, des préparatifs militaires secrets sont engagés en cas d’échec de la négociation.
La Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis se réunissent à Londres afin de trouver une riposte : on envisage entre autres le blocage des avoirs égyptiens, la cessation des envois d’armement et une plainte au Conseil de sécurité.
Sans conviction, comme l’analyse Le Monde, fin juillet. « On peut penser en effet qu’une action à l’O.N.U. aurait un intérêt purement académique en raison du veto probable de l’Union soviétique.
Au cas même où ce veto n’interviendrait pas, on voit mal comment le Conseil de sécurité pourrait faire respecter sans intervention armée la recommandation que ses membres auraient votée à l’unanimité. »
Le lendemain, commentant la conclusion de la conférence de Londres, le même journal révèle que la France et la Grande-Bretagne envisagent des mesures d’ordre militaire en cas d’échec à l’O.N.U. même s’il n’est pas question d’en faire mention publiquement.
« Elles ont cependant été préparées, ajoute le quotidien français. M. Pineau était accompagné à Londres des représentants des trois armes ».
Pendant cette première phase de la crise, Israël adopte une attitude très prudente, et se borne à faire remarquer que « depuis longtemps Israël a souvent attiré en vain l’attention des grandes puissances sur le danger politique international présenté par le régime Nasser » note l’AFP le 28 juillet.
Fin août, Israël sort de sa réserve et Ben Gourion, lors de son discours inaugural au congrès du parti Mapaï (travailliste), avertit, « le monde doit savoir qu’il n’y aura pas de sécurité dans le Moyen-Orient tant qu’Israël ne sera pas assuré du libre passage à travers le canal de Suez et – ce qui n’est pas moins important – à travers les détroits de la mer Rouge menant à Eilat. »
Le ministre chargé des questions économiques, Perez Naftali, profite de son passage à Paris à la tête d’une délégation du Parti travailliste, pour renchérir.
Il répond longuement à Combat à l’intention de l’opinion publique française, expliquant que « ce n’est pas contre Israël qu’a été décidée la nationalisation du canal de Suez – il y a longtemps que la navigation sur le canal nous est interdite ! – mais contre l’Occident en tant que tel » mais qu’on « ne pourra parler de liberté de navigation aussi longtemps qu’Israël sera exclu de l’usage de cette liberté ».
Pour les Israéliens, la nationalisation du canal de Suez qui est tout sauf une surprise, apparaîtrait presque comme une chance si elle conduisait les Occidentaux à prendre des mesures énergiques. « Les grandes puissances, fait valoir Naftali, ne s’étaient pas opposées à cette violation des conventions internationales, nous avions annoncé ce qui vient d’arriver, […] Nous souhaitons qu’elles prennent conscience des principes et des objectifs expansionnistes de la politique de Nasser. »
L’attitude de la France, les déclarations de Mollet et de Pineau, ainsi que les résolutions de l’Assemblée nationale entretenaient l’espoir israélien de voir enfin cette ferme réaction se produire.
Mais les Israéliens étaient néanmoins très déçus de ne pas être invités à la conférence de Londres qui regroupait vingt-deux pays dont l’Egypte.
Ils craignaient que la Grande-Bretagne ne cherche à s’entendre avec l’Egypte à leurs dépens. Eliahu Eloth, ambassadeur d’Israël d’Israël s’en plaint officiellement auprès Selwyn Lloyd, secrétaire du Foreign Office.
Pendant ce temps, Londres et Paris cherchent à gagner les Américains à leurs vues et à mettre sur pied une action commune des trois grandes puissances occidentales, mais sans grand succès.
Français et Britanniques proposent d’organiser une gestion internationale du canal et d’y impliquer largement l’Egypte. Ils menacent, en cas de rejet de sa part, d’utiliser la force.
Les Américains, guère séduits par le premier point, se montrent plus que réservés sur le second. Et bien qu’une large majorité se dégage à la conférence des vingt-deux en faveur d’un nouvel organisme de gestion du canal, les manœuvres diplomatiques n’obtiennent pas de réelles avancées.
Comme nous venons de le voir, Israël n’intervient guère dans les premières discussions suscitées par la nationalisation du canal.
Pourtant l’arrivée de troupes irakiennes venues prêter main-forte aux Jordaniens suite à l’attaque d’un poste de police jordanien par les Israéliens, ne peut qu’accroître les inquiétudes du jeune Etat.
La guerre n’était pas d’emblée, l’option privilégiée par Israël. On y était convaincu que seule une occupation militaire immédiate de la zone du canal résoudrait la situation, mais une proportion très importante de l’opinion publique rejetait toute idée d’une aventure militaire solitaire de crainte d’être abandonnés en route par les grandes puissances.
Pour leur part, les Français commencent à envisager une action concertée avec l’armée israélienne. Cherchant à sortir de l’impasse diplomatique et de moins en moins convaincus que leurs alliés britanniques s’engageront dans une opération militaire, la France pèse l’opportunité d’une alliance avec un pays proche du théâtre du litige.
Pour des Français tentés de régler leurs comptes avec le leader égyptien, il apparaît qu’Israël pourrait faire un excellent allié de revers. L’initiative, depuis le début de la crise, anglo-saxonne, passe dès lors au tandem franco-israélien.
Essayons de retracer les pourparlers entre Français et Israéliens. Selon Shimon Pérès, on aurait fait devant lui, une première allusion à une action franco-britannique en juillet 1956, lors d’une rencontre chez Bourgès.
Ce n’est toutefois, toujours selon lui, que trois mois plus tard, en septembre 1956, lors d’une discussion avec Bourgès, que l’idée est sérieusement envisagée.
Pour l’amiral René Bloch, les premières bases de l’opération de Suez furent jetées en août 1956, lors d’un dîner, « qui réunit Ben Gourion, Dayan, Pérès, Bourgès, Thomas. J’ai participé à cette première réunion. A partir de là, chacun a fait ce qu’il avait à faire, Bourgès et Abel de leur côté, et moi dans le mien, pour que tout s’organise comme il le fallait. »
Uzi Narkis nous donne dans son livre Soldier of Jerusalem un aperçu des préparatifs. « Le premier septembre, écrit-il, est arrivé un premier rapport de l’attaché à Paris sur l’opération « Mousquetaire », un programme de collaboration entre la Grande-Bretagne et la France pour conquérir militairement la zone du canal de Suez. […] Le 10 septembre, Dayan a demandé de vérifier des programmes opérationnels sur le front égyptien.
Le 28 septembre, un bombardier français est venu chercher une délégation israélienne. ». Golda Meir, le ministre des Affaires étrangères, Moshé Carmel, Moshé Dayan et Shimon Pérès partent pour Paris.
« Ce matin, raconte pour sa part Ben Gourion, on se consulte, Golda, Naftali, Pinchas Sapir, Moshé Dayan, Shimon Pérès et moi-même, sur la proposition française. La rencontre aura lieu dimanche 30 octobre.
Ils vont partir […] dans un avion français. […] les choses vont se clarifier. Après le départ de notre délégation, le dernier bateau d’armement français arrive avec 20 derniers Sherman, des accessoires et des munitions. »
Mais reprenons le récit d’Uzi Narkis. « Ils ont emporté avec eux, une liste du matériel le plus vital, nous dit-il. Lors des conversations, Christian Pineau a mentionné que l’accord entre l’Angleterre et l’Egypte de 1955 permettait aux forces armées anglaises de s’emparer du canal en cas de guerre.
Un conflit entre l’Egypte et Israël pourrait, d’après lui, fournir à la Grande-Bretagne un prétexte juridique pour entrer militairement dans la zone du canal ».
Des officiers supérieurs français (de l’Armée de Terre et de la Marine), dont le général Maurice Challe, adjoint du chef d’état-major général, reviennent avec la délégation israélienne pour vérifier les capacités opérationnelles d’Israël, ses besoins en équipement et la possibilité d’utiliser ses bases aériennes en cas de retrait de la Grande-Bretagne. Aussitôt les négociations secrètes engagées, les réunions et envois d’armement s’accélèrent.
Le 17 octobre, Guy Mollet, le Premier Ministre français, invite David Ben Gourion à se rendre secrètement à Paris pour rencontrer des représentants français et britanniques.
« Les Anglais, raconte Ben Gourion, proposaient que nous ouvrions seuls les hostilités ; ils protesteront et quand nous arriverons au canal, ils entreront, comme pour nous séparer, mais en fait pour abattre Nasser.
Ils promettent de ne pas aider l’Irak et la Syrie si ces deux pays nous attaquent. » Ben Gourion répond à Mollet que l’offre britannique n’est pas acceptable mais accepte de se rendre à Paris si nécessaire.
Abel Thomas se souvient de cette période : « La réunion entre Golda Meir et Mangin a permis de mettre au point la composition d’un Comité opérationnel, en liaison permanente, avec Israël.
Nous y avons convenu de faire la guerre seuls, eux et nous. C’est là que Golda Meir nous a dit d’obtenir des Anglais qu’ils demandent au roi de Jordanie de ne pas se mêler de cette affaire.
« Parce que, a-t-elle ajouté, ça nous gênerait beaucoup d’être attaqués par derrière, par la Jordanie » et j’ai aussitôt été envoyé moi-même, en Angleterre ».
Joseph Nachmias, lui aussi a participé aux préparatifs de l’opération. Il se souvient des discussions préparant la guerre. « Comme avec le général Ely à Paris, raconte-t-il. Comme la rencontre de Saint-Germain.
Ce n’était pas une rencontre politique, c’était une rencontre très pratique, qui portait sur l’équipement. Il fallait décider de quel matériel à quelle place, de ce genre de choses.
A mes yeux, c’est la réunion de Sèvres qui a décidé de tout. Y participaient Moshé Dayan, Shimon Pérès et moi-même. Les relations étaient très étroites à cette étape. J’avais la possibilité de téléphoner directement à Abel Thomas, Mollet, Pineau. On me considérait comme l’un des leurs. »
Ces réunions se déroulaient dans une relative discrétion. Ainsi à la question de savoir s’il bénéficiait d’informations sur les négociations en cours, W. Eytan répond négativement. « Même notre ambassadeur à Paris n’était pas informé, dit-il.
Tout a été réglé par des représentants, Shimon Pérès, Ben Gourion et par des Français qui sont venus en Israël. L’un d’eux était Diomède Catroux. Plus tard, à Paris, c’est devenu un ami très proche mais j’ai fait sa connaissance, ici, au pays, avant l’opération de Suez. »
Le journal de Ben Gourion apporte confirmation de ces discussions avec les Français avant l’opération et témoigne des hésitations des Anglais : « La délégation est arrivée à 13h 45. Immédiatement s’est déroulée une rencontre avec Pineau, Bourgès-Maunoury, le chef de l’armée (Ely et Guy Mollet. […]
Quatre divisions et 100 avions de combat vont combattre. Toute l’armée française est concentrée à Chypre. Il n’est pas certain que la Grande-Bretagne les laissera utiliser cette base ni qu’elle participera à l’opération. »
Une conversation entre Pineau et Tsur le 17 octobre 1956 atteste de nouveaux réglages franco-israéliens une dizaine de jours à peine avant l’opération de Suez : « La France, rapporte Tsur, a reçu des Anglais toutes les garanties et assurances qu’elle a demandées. Il [Pineau] nous conseille de ne pas initier une action militaire contre la Jordanie car notre ennemi est après tout Nasser et il ne faut pas disperser notre armée. »
Des réglages qui concernent aussi les positionnements politiques à venir après les débuts de l’opération. Bendor prévient son ministère, « Aux Nations Unies, Daridan a dit que des instructions claires ont été envoyées au représentant français pour empêcher une condamnation unilatérale d’Israël. »
Si jusqu’au dernier moment, fin octobre, la France ne sait toujours pas si elle pourra compter sur la Grande-Bretagne, ni si elle pourra utiliser les bases de Chypre, en revanche, à toutes les étapes, la collaboration franco-israélienne fut manifeste.
Ben Gourion note dans son journal le 15 octobre : « Mollet a envoyé hier Challe et un membre de son cabinet à Eden plaider pour que la France, la Grande-Bretagne et Israël attaquent l’Egypte, ou qu’il accepte au moins que la France aide Israël à attaquer l’Egypte à partir des bases de Chypre.
[…] Le 12 octobre, […] les Français sont prêts à agir, et Pineau a donné l’ordre d’accélérer les préparatifs et d’accélérer les envois d’équipement. […] Trois bateaux français transportent de l’armement en « crédit-bail ». » Cette dernière information est recoupée par le témoignage de Joseph Nachmias qui confirme, en effet, « nous avons reçu beaucoup d’armements en crédit-bail. »
Pierre Messmer, même s’il n’était pas impliqué directement dans les événements, nous a confié son éclairage sur cette collaboration. « J’ai eu des confidences sur l’affaire de Suez par mon ami le général Simon (colonel, à ce moment-là) qui était détaché auprès de l’armée israélienne. Je vous répondrais simplement que lorsqu’on a le même ennemi, il est facile de se mettre d’accord.
Il est vrai que les relations amicales entre les deux armées ont joué un rôle. Par exemple, que le colonel Simon était en très bons termes avec le général Dayan. »
Ben-Porat nous a raconté deux anecdotes qui illustrent le climat de secret qui régnait en préambule de l’opération. « Un soir d’octobre 1956, rapporte-t-il, je suis allé au cinéma.
Quand le film s’est terminé, j’ai vu quatre rangs devant moi Paul Kedar, l’attaché de l’Air à l’Ambassade à Paris et Moshé Dayan. Kedar, qui était un très bon ami, m’a fait signe de faire comme si je n’avais rien vu. La presse à cette époque était très disciplinée, la visite était secrète, et je ne voulais causer aucun dommage à Israël. »
Seconde anecdote : « Peut-être 24 heures avant l’opération, Paul Kedar disparaît de l’Ambassade. Juste avant, il m’a demandé de m’occuper de sa femme. Il partait à Chypre car il y coordonnait l’aviation. Dans la presse française, on annonçait le départ d’un contre-torpilleur et d’un destroyer de Toulon. »
Pour conclure, nous laisserons Ben Gourion raconter la réunion de Sèvres et le plan d’attaque qui y fut conçu. « Les discussions se sont déroulées dans une villa isolée à Sèvres.
Ben Gourion, Dayan et Pérès y sont allés et en sont rentrés dans l’avion présidentiel français, qui a atterri et décollé secrètement d’une base militaire israélienne.
Le plan prévu est basé sur les lignes suivantes : Le 29 octobre, Israël attaquera l’Egypte et créera une menace immédiate sur le canal de Suez.
Le 30, la France et la Grande-Bretagne présenteront un ultimatum à l’Egypte et à Israël, demandant à leurs forces de cesser le feu et de se retirer à 10 miles du canal.
Si l’Egypte refuse l’ultimatum, et on peut imaginer que cela sera le cas, le 31 les forces françaises et anglaises attaqueront l’Egypte par la voie des airs, pour conquérir la zone du canal. Israël ouvrira le détroit de Tiran.
Israël n’attaquera pas la Jordanie mais si la Jordanie attaque Israël, nous riposterons ; la Grande-Bretagne ne viendra pas en aide aux Jordaniens.
Entre temps arrivera du matériel français au port d’Haïfa et sur les bases aériennes de tout le pays. Les Français, conclut Ben Gourion, ont tenu parole et envoyé tout ce qu’ils avaient promis. »
Extrait du livre La France et Israël 1947-1970, de la création de l’État d’Israël au départ des Vedettes de Cherbourg, publié en Janvier 2009 chez Honore Champion.