La droite sans lui

Il a longtemps été le meilleur atout de la droite et est en train de devenir son handicap. Tous les sondages réalisés depuis le 7 octobre le confirment : avec moins de 20 mandats selon tous les sondages, le Likoud de Binyamin Netanyahou n’est plus le premier parti du pays. On peut supposer que ses députés qui se trouvent dans la deuxième moitié de la liste (34 élus) songent à changer de capitaine.

Le parti de Binyamin Netanyahou est désormais loin de Ha Mahané ha Mamlakhti (le Camp de l’État) de Benny Gantz crédité de 35 à 40 députés. Du moins jusqu’à la défection de son aile droite, qui, avec Gidéon Sar, vient de reprendre son autonomie pour former à la Knesset un groupe de 4 députés intitulé Ha Yamin ha Mamlakhti (la droite de l’État). Mais les sondages n’accordent à Gidéon Sar qu’une petite chance d’être au-dessus du seuil d’éligibilité (3,25 %) aux prochaines élections. Pour jouer un rôle significatif, il faudrait qu’il s’allie à Naftali Benett, l’ancien Premier ministre, et Yossi Cohen, l’ancien directeur du Mossad. Dans cette hypothèse, ce nouveau parti se trouverait à égalité avec le Likoud (17 mandats chacun) si l’on en croit le sondage Migdam/chaîne 12 du 13 mars. Le problème est que tous les trois veulent être Premier ministre… Mais l’essentiel n’est pas là. Il montre que la droite a un avenir sans Binyamin Netanyahou. Une droite sans doute différente, puisque les précités se réclament d’un parti nationaliste et libéral comme celui de Menahem Begin et Itzhak Shamir. En tout état de cause, les termes du débat politique sont amenés à évoluer.

Depuis bien des années, c’était « Tout sauf Bibi » contre « Rien que Bibi ». Par ailleurs, la question de l’État palestinien est revenue au premier plan de l’actualité. On pourrait donc retrouver le clivage gauche/droite. Mais la gauche est bien mal en point, créditée de 4 ou 5 sièges dans les sondages. Cela ne doit pas étonner : la gauche est identifiée au camp de la paix qui avant le 7 octobre était déjà très affaibli. Aujourd’hui, il est muet. D’autant que, selon un sondage réalisé la même semaine (Kan 11/Kantar), un tiers des Israéliens se déclarent plus à droite depuis le 7 octobre. Mais cela pourrait aussi bénéficier à Otzma ha Yéoudit (Puissance juive) d’Itamar Ben Gvir qui se renforce selon les enquêtes d’opinion. En d’autres termes, la droite israélienne a le vent en poupe. Mais celui qui en prendra la tête devra répondre à deux questions essentielles : sa vision du problème palestinien et ses liens avec l’extrême droite.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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