La cure d’austérité en Israël est-elle inévitable ?

Vue du centre commercial de Givatayim, le 12 septembre 2024. (Crédit: Miriam Alster/Flash90)

Vue du centre commercial de Givatayim, le 12 septembre 2024. (Crédit: Miriam Alster/Flash90)


Le budget prévisionnel 2025 prescrit à l’économie d’Israël une cure d’austérité destinée à financer l’effort de guerre mais qui va impacter le quotidien de beaucoup d’Israéliens.

Le budget de l’État pour l’année à venir sera examiné par le Parlement israélien dans les semaines qui viennent, en vue d’une adoption avant la fin de l’année ou, au plus tard, courant janvier prochain.

Les députés de la Knesset devront faire des choix difficiles, mais indispensables, pour faire face au coût exorbitant de la guerre qui oblige à des mesures exceptionnelles.

Un effort collectif est donc demandé aux Israéliens pour le redressement des finances publiques. Pour contenir le déficit budgétaire à 4,3% du PIB en 2025, le gouvernement a choisi simultanément de réduire les dépenses et d’augmenter les impôts. Jusque-là, rien d’anormal : l’austérité s’impose pour faire face à l’explosion des dépenses militaires qui absorberont 117 milliards de shekels (30 milliards d’euros) en 2025, soit 20% des dépenses publiques et 6,5% du PIB.

À juste titre, les Israéliens s’inquiètent de savoir qui va payer la facture de la guerre. Une inquiétude justifiée par le budget d’austérité qui ne fera pas peser l’effort également sur tous les citoyens ; les revenus du travail et de l’épargne seront davantage mis à contribution que les revenus du capital et du patrimoine.

Baisse des dépenses

Le gouvernement n’a pas lésiné sur les coupes dans les dépenses publiques. À l’exception des postes liés à la défense et à la sécurité nationale, tous les ministères connaîtront une baisse de leurs budgets : Transports (-770 millions de shekels), Santé (-275 millions), Industrie (-270 millions), Agriculture (-200 millions), Éducation (-133 millions), Bien-être (-100 millions), etc… Bref, tous les services publics (civils) seront touchés par la cure d’austérité.

Autre coupe budgétaire problématique : la reconstruction des régions touchées par le conflit attendra. Les fonds débloqués sont très inférieurs aux besoins : le Sud se voit attribuer 5 milliards de shekels sur les 19 milliards promis, et le Nord 15 milliards de shekels sur les 30 milliards promis.

On aurait préféré voir le gouvernement donner l’exemple en économisant dans ses propres dépenses de fonctionnement ; en période de guerre, il est important de prendre des mesures qui redonnent confiance aux marchés financiers et aux agences internationales de notation.

Par exemple, un pays en guerre n’a pas besoin d’entretenir 38 ministres et 6 vice-ministres ; la suppression de quelques ministères se fait attendre alors que cette semaine, le gouvernement s’est agrandi de deux nouveaux membres. Quant aux budgets de la coalition, ils seront maintenus en 2025 autour de 4 milliards de shekels.

Hausse des impôts

Pour compléter les ajustements budgétaires, le gouvernement s’est résolu à augmenter les prélèvements obligatoires (impôts, taxes et cotisations) ; décision difficile pour un gouvernement de droite car en contradiction avec son idéologie ultralibérale qui prône la baisse de la fiscalité.

Toujours est-il que l’augmentation des impôts prévue pour 2025 va toucher principalement les travailleurs et les épargnants de la classe moyenne. Qu’on en juge : gel des tranches d’impôt et des crédits d’impôt, relèvement du taux des cotisations sociales, imposition de l’épargne-retraite et de l’épargne professionnelle, suppression de deux jours de congés payés qui seront versés aux caisses de l’État, etc… Des décisions qui vont amputer le revenu net du salarié de 3 à 5% par mois ; si l’on prend en compte que le coût de la vie augmente de 3% l’an, l’Israélien moyen verra son niveau de vie baisser de 6 à 8% en 2025.

En revanche, peu de mesures concernent les hauts revenus, notamment les revenus du capital et les profits des sociétés. Il n’existe toujours pas d’impôt sur les successions en Israël, mais le taux de la TVA sera relevé de 17 à 18%. Autre exemple d’injustice fiscale : le gouvernement ne touche pas au taux de l’impôt sur les sociétés (23% en Israël) qui est plus bas que dans beaucoup de pays occidentaux (25% en France). Sans compter les abattements fiscaux dont bénéficient de grandes entreprises qui investissent en Israël, comme Intel qui bénéficie d’un taux réduit de 7,5% seulement.

Moteurs de croissance

Si la cure d’austérité paraît inévitable pour faire face à une guerre coûteuse, les choix du gouvernement auront des effets pervers : ils élargiront les écarts de revenus, aggraveront la précarité des plus fragiles et jetteront de nombreux Israéliens dans la pauvreté.

Du reste, le budget 2025 ne prévoit aucun mécanisme de remise en route de l’activité économique et ne lance aucune réforme nécessaire à la croissance d’après-guerre, comme l’intégration au travail des Harédim et des Arabes, l’amélioration de l’éducation supérieure et professionnelle, le rattrapage des infrastructures de transports, la transition énergétique, etc… Le redémarrage de l’activité attend des jours meilleurs.

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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