La Cour Suprême soutient une femme aguna

© Stocklib / Atit Phetmuangtong
© Stocklib / Atit Phetmuangtong

Pour la première fois, la Cour suprême d’Israël soutient la position du Tribunal rabbinique et autorise une femme aguna de Grande Bretagne à mener une procédure de divorce en Israël contre son mari.

La décision de ce dimanche revêt une importance cruciale dans le combat des femmes de la Diaspora pour obtenir leur guet. Non seulement le Tribunal rabbinique mais maintenant la Cour Suprême d’Israël, reconnait la prérogative de la Justice israélienne d’intervenir dans une procédure de divorce où le mari refuse de donner le guet à sa femme, même si les deux conjoints ne sont pas israéliens.

L’histoire débute à Manchester. Un couple âgé de 60-70 ans, membre de la communauté juive britannique se sépare et entame une procédure de divorce.

J, s’adresse à nous, il y a trois ans après avoir compris que son mari ne lui accorderait jamais le guet, malgré l’inexistence d’une vie commune. Leurs enfants, leurs amis, les rabbins, les chefs de communauté tentent de convaincre l’époux, en vain.

J. choisi de se battre. Pour montrer à ses petites filles qu’une femme a le droit à la dignité et à la liberté.

Depuis trois ans nous menons un combat juridique devant le Tribunal de Tel Aviv et la Haute Cour rabbinique de Jérusalem. L’époux, représenté par un des plus grands bureaux d’avocats de Tel Aviv puis de Jérusalem a tenté de convaincre les juges qu’Israël ne pouvait pas intervenir dans une procédure de divorce concernant deux citoyens britanniques.

Après maintes décisions du Tribunal de Tel Aviv rejetant ses arguments, le mari décide de faire appel devant la Haute Cour rabbinique de Jérusalem, qui elle aussi donne raison à l’épouse et déboute l’époux : dans les cas de refus de guet, Israël a le devoir d’intervenir tranchent les juges rabbiniques.

Certes, cette loi soulève des questions délicates au niveau du droit international. Mais la gravité et la cruauté du statut de ces femmes qui vivent pendant des années sans leur guet, sans leur liberté a amené le législateur israélien à accepter une intervention exceptionnelle de la justice.

A ce stade, nous pensions que l’époux comprendrait et accepterait de donner le guet. Mais soutenu par ces avocats, il choisit de faire appel devant la Cour Suprême d’Israël, le Bagatz.

Ce dimanche, les juges de la Haute Cour David Mintz, Yehiel Kosher et Ruth Ronen ont rejeté à l’unanimité la requête déposée par l’époux et confirme le droit d’une femme juive de Diaspora de mener une procédure en Israël pour obtenir son guet même si elle n’est pas de nationalité israélienne.

La Cour Suprême comme la Cour rabbinique a statué que bien que le Beit Din de Manchester n’avait pas pris une décision en bonne et due forme de « hiouv guet« , obligation halachique d’accorder le divorce à sa femme, le fait même que le Beit Din de la communauté où vivait le couple avait tenté, en vain, de convaincre le mari de donner le guet était suffisant pour permettre une intervention de la justice israélienne.

La juge Ruth Ronen, qui a rédigé le jugement écrit que bien que les tribunaux rabbiniques de la Diaspora ont la prérogative exclusive de mener des procédures de guet au sein de leur communauté, ils n’ont pas de pouvoir coercitif et c’est la raison pour laquelle le législateur israélien a étendu l’autorité des tribunaux rabbiniques israéliens aux Juifs dans le monde.

Certes, cette loi soulève des questions délicates au niveau du droit international. Mais la gravité et la cruauté du statut de ces femmes qui vivent pendant des années sans leur guet, sans leur liberté a amené le législateur israélien à accepter une intervention exceptionnelle de la justice. Aujourd’hui, la Cour Suprême a confirmé l’importance de cette décision.

J. a gagné une partie de son combat. La justice lui a donné raison. Le mari acceptera-t-il maintenant de lui donner le guet et de mettre fin à un calvaire qui dure depuis des années ?

à propos de l'auteur
Katy Bisraor Ayache est journaliste et toénet rabbanit, avocate devant les Tribunaux rabbiniques d'Israël et spécialisée dans le Droit de la Famille. Cette profession d'avocate devant les tribunaux rabbiniques a longtemps été interdite aux femmes et l'ouverture d'un cursus par le Rabbinat représente un des grands acquis dans la lutte pour le statut de la femme au sein du judaïsme. Katy Bisraor est l'auteur du Blog, endirectdejerusalem.com, qui couvre l'actualité de la société israélienne, avec au début de l'année 2019 , plus de 10.000 abonnés. Katy a publié en mars 2013 aux éditions Inpress, " Israël, Chroniques intimes d'un pays, une journaliste raconte '' un livre à succès auprès de la communauté juive francophone. Et en 2016 le livre " Le Mariage, tout sur le mariage juif " aux éditions Pardess Créations. Elle a travaillé sur plusieurs études concernant le nouveau statut des femmes dans le judaïsme, les femmes ultra-orthodoxes ainsi que sur les femmes bédouines. Katy a été pendant plus de trente ans, de 1981 à 2018 la correspondante de Radio J en Israël et a couvert au quotidien l'actualité d'Israël pour la radio. Aujourd'hui, Katy représente devant les Tribunaux rabbiniques israéliens, des femmes (et des hommes ) dans leur procédure de divorce et dans leur combat pour obtenir leur guet.
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