La conférence de Paris, une perversion morale à la française

La conférence de Paris qui va se tenir dans quelques jours a pour finalité d’imposer à Israël un diktat qui décidera de ses frontières et même de sa capitale, un diktat qui le vouerait inéluctablement à la catastrophe tant le plan concocté est contraire à la réalité et à l’exigence stratégiques.

Il n’y a pas de place pour un troisième Etat dans l’ancienne Palestine mandataire. L’Etat palestinien existe déjà, c’est la Jordanie, ce que confirme l’identité de sa population.

Eriger en État une entité belliqueuse et irrédentiste, terroriste, comme l’OLP et le Hamas, c’est fragiliser un Israël dont la profondeur stratégique est très faible : 14 km de profondeur au centre du pays, 70 km du Jourdain à la mer. Dès aujourd’hui l’aéroport de Ben Gourion est à portée de canon de Ramallah.

Diviser Jérusalem – que dis-je ? expulser même les Juifs de la Vieille Ville, du Kotel, comme l’implique la résolution votée par la France à l’UNESCO -, c’est installer la guérilla islamique dans les quartiers de Jérusalem.
Créer une contigüité territoriale entre Gaza et la Judée Samarie, c’est revenir au paysage du détroit de Dantzig et de la guerre de 14.
Reconnaître le droit au retour, c’est submerger Israël dans une masse hostile et guerrière et mépriser les droits des Juifs du monde arabe, bien plus nombreux que les pseudo-réfugiés palestiniens actuels (réfugiés après 70 ans ?).

La souveraineté, c’est bon pour la France mais pas pour Israël

Que veut donc la France ? Que veut donc l’Occident ? Et tout d’abord l’Europe, l’Europe coupable, il n’y a pas si longtemps ! Vouer à la destruction Israël qui lutte déjà pour survivre dans l’univers de la barbarie religieuse ?

L’amoindrir, en tout cas, c’est sûr, et de façon essentielle de sorte qu’il ne jouisse que d’une souveraineté frelatée, déjà sous caution, d’une sécurité éminemment précaire, dépendant du bon vouloir de l’Occident, une minute avant de mourir !

Imaginons un instant la superbe française si une conférence se réunissait à Djeddah pour décider de ce que devrait être l’Etat français par rapport à sa population musulmane ? La souveraineté, c’est bon pour la France mais pas pour Israël !

En vérité, la philosophie scabreuse de l’initiative française – au service du terrible ressentiment d’Obama qui a empoisonné le monde pour de nombreuses années -, cette philosophie a un jour été clairement formulée et énoncée par le Général De Gaulle dans son scandaleux discours du 27 novembre 1967, au lendemain de la Guerre des Six Jours.

On n’en a généralement retenu que le « peuple sûr de lui même et dominateur », mais c’est le reste du texte – qui tient de la prophétie du Bilam biblique – qui est important [1]. On y trouve déjà la doctrine israélienne de la France actuelle qui mêle à la fois la compassion morale (pour les victimes d’hier mais pas d’aujourd’hui) et le jugement comminatoire.

De Gaulle met en effet en rapport « les abominables persécutions que les Juifs avaient subi pendant la deuxième guerre mondiale » et qui « leur avait valu un capital considérable d’intérêt et même de sympathie » et « les avis de modération qu’il prodigué à Israël » en lui demandant de faire montre d' »un peu de modestie à trouver avec leurs voisins un modus vivendi réciproque ».

Il ajoute une chose importante : « On pouvait se demander en effet et on se demandait même chez beaucoup de Juifs (déjà JCall !) si l’implantation de cette communauté sur des terres qui avaient été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables et au milieu des peuples arabes qui lui étaient foncièrement hostiles, n’allait pas entraîner d’incessants, d’interminables frictions et conflits. »

« Disproportion »

En d’autres termes, Israël ne doit pas sortir des limites de la seule légitimité que la France lui reconnaît : celle des victimes de la Shoah, de sa mémoire de la Shoah et pas celle d’une souveraineté pleine et entière sortie de l’histoire et de l’existence du peuple juif.

Il ne lui reconnaît en somme que la légitimité d’un Etat-refuge, d’un camp de personnes déplacées, de surcroît coupable dans son essence vis à vis des Arabes. Sortir de ces limites, les « frontières d’Auschwitz », ce serait être dans la « disproportion « (on se souvient du jugement de Sarkozy sur la guerre de Gaza reprenant ce terme même).

« Si Israël est attaqué, nous ne laisserions pas détruire Israël, mais si vous attaquez, nous condamnerions votre initiative ». « C’est à vous qu’on imputerait peu à peu les inconvénients (de la guerre en Orient) à moins que les Nations Unies ne déchirent elles mêmes leur propre charte ». C’est bien là où nous en sommes aujourd’hui.

La France, patronne compatissante et si satisfaite d’elle même d’un Israël diminué et rivé à sa condition sacrificielle. Tout est dit et bien plus car il y a bien d’autres éléments significatifs dans ce discours.

C’est une politique qui pulvérise toutes les formes de recomposition du destin juif en France et en Israël au lendemain de Vichy.

L’enjeu est capital pour le peuple juif dont on sait que le destin collectif emporte avec lui le destin des individus. La France veut le mettre sous séquestre au profit de l’islam, comme le vote à l’UNESCO, qui porte sur l’instance « religieuse » judaïque[2], le montre avec évidence.

 

[1] Je l’ai étudié dans mon livre Les Frontières d’Auschwitz, les ravages du devoir de mémoire, Biblio-essais, Le Livre de Poche Hachette 2005.

[2] Jérusalem, les lieux saints juifs et le Kotel.

à propos de l'auteur
Shmuel Trigano est un philosophe juif français qui écrit sur ​​les questions politiques et religieuses, avec un accent particulier sur le judaïsme. Auteur de très nombreux ouvrages, notamment de "Quinze ans de solitude: Juifs de France : 2000 - 2015" (Berg international) , il vient de publier « Le chemin de Jérusalem, une théologie politique » (Les Provinciales).
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