Juifs : la préférence nationale

Un manifestant tient une pancarte lors de la manifestation « All out for Gaza » à l'Université Columbia à New York, le 15 novembre 2023. (Photo de Bryan R. Smith / AFP)
Un manifestant tient une pancarte lors de la manifestation « All out for Gaza » à l'Université Columbia à New York, le 15 novembre 2023. (Photo de Bryan R. Smith / AFP)

Jonathan promit. Il diffuserait tel quel son « billet d’humeur ».

Ordinairement pince-sans-rire, plutôt discret dans les discussions, le chauffeur de taxi, un peu encombré dans son corps de grands échalas, lui avait glissé son texte en lui disant : « j’ai préféré l’écrire ».

Soudan : 150 000 morts civils ; Éthiopie : plusieurs centaines de milliers ; Syrie : plus de 300 000 ; Congo : 34 000 en 2023 et ça continue ; sans parler de l’Ukraine, des Ouîghours, de la Bolivie… Énumération macabre. Qui, malgré tout, a trouvé son expression symbolique favorite : « Gaza : 50 000 morts », annonce avec assurance le Hamas. Donc pour poursuivre le terrible déchiffrement, en soustrayant l’évaluation israélienne de 20 000 terroristes « éliminés », 30 000 civils morts.

Ainsi donc, force est de constater comme adorent le dire les journalistes, ces 30 000 morts sont devenus les hérauts de la barbarie guerrière du monde. Reléguant les autres morts aux oubliettes de l’histoire médiatique.

À un point tel qu’on peut s’interroger : qu’est-ce donc qui peut expliquer, sinon justifier, cette funèbre première place ? Tous les morts se valent. Une seule hypothèse semble apporter une réponse claire à cette question. La sélection ne porte pas sur la nature des morts, mais sur la désignation, sinon la condamnation première du « bourreau » : Israël. Mais oui, mais c’est bien sûr. Israël, l’État des juifs. Les Juifs. Enfin on le retrouve « ce pelé, ce galeux », qui depuis des millénaires est le favori quasi-unique de la vindicte de la terre entière.

Ainsi, depuis le 8 octobre 2023, enfin, de nouveau, haro sur le baudet. Depuis le 8 parce que, bien entendu, il a fallu s’attarder une journée, au moins, sur cet « incident », le 7 octobre. Un massacre, un pogrom disent les Israéliens. Qu’on sait savoir exploiter la moindre anicroche. Mais dès – allons, disons le 9 – il a bien fallu décrire, en long et en large, comment cette soi-disant victime a massacré les vrais malheureux, le Hamas, les Palestiniens de Gaza.

Indeed, le Hamas a bien un petit côté « Daesh », mais, chacun le sait, il est surtout le « combattant » des Gazaouis.

Ces Gazaouis, ces Palestiniens, que tout le monde s’accorde, en vérité, pour laisser un peu mariner dans leur jus, comme en témoignent, si nécessaire, les réactions aux hardies propositions du président américain. Mais ceci laisse toutes les portes ouvertes pour continuer à surfer avec jubilation sur la condamnation véhémente de cet impudent « Juif » qui se cache sous les branchages de l’arbre de Sion.

à propos de l'auteur
Fort d'un triple héritage, celui d'une famille nombreuse, provinciale, juive, ouverte, d'un professeur de philosophie iconoclaste, universaliste, de la fréquentation constante des grands écrivains, l'auteur a suivi un parcours professionnel de détecteurs d'identités collectives avec son agence Orchestra, puis en conseil indépendant. Partageant maintenant son temps entre Paris et Tel Aviv, il a publié, ''Identitude'', pastiches d'expériences identitaires, ''Schlemil'', théâtralisation de thèmes sociaux, ''Francitude/Europitude'', ''Israélitude'', romantisation d'études d'identité, ''Peillardesque'', répertoire de citations, ''Peillardise'', notes de cours, liés à E. Peillet, son professeur. Observateur parfois amusé, parfois engagé des choses et des gens du temps qui passe, il écrit à travers son personnage porte-parole, Jonathan, des articles, repris dans une série de recueils, ''Jonathanituides'' 1 -2 - 3 - 4.
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