Judaïsme et islam dans le même bateau ?
Deux récents articles du Time of Israël ont attiré mon attention car ils montrent que le judaïsme et l’islam sont sournoisement de plus en plus ostracisés.
– « La justice européenne a estimé (jeudi 17/12/2020) qu’interdire l’abattage rituel d’une bête sans étourdissement préalable n’était pas contraire au droit européen, au grand dam des communautés juive et musulmane qui contestaient une législation en vigueur en Belgique. » (voir l’article du Time of Israël)
– « Les chefs religieux dénoncent la tendance « tordue » à utiliser le terme « parent » au lieu de « mère » ou « père »… » (voir l’article du Time of Israël)
On aurait tendance à dire que le judaïsme et l’islam sont de plus en plus mal perçus en Europe mais l’influence de la culture occidentale est aussi présente en Israël ; c’est ce que montre le second article à propos de la non-différenciation père/mère. Judaïsme et islam sont dans le même bateau occidental et cette culture sournoisement antisémite contamine aussi la culture israélienne.
L’abattage rituel pourrait un jour être interdit en Europe et ensuite ce sera la circoncision… L’Islande pourrait devenir le premier pays à l’interdire : « L’ablation du prépuce d’un enfant mineur, sans raison médicale, pourrait bientôt être passible d’une peine allant jusqu’à six ans d’emprisonnement… » (voir l’article du 28/05/18 dans 20 minutes)
Un autre fait divers de l’actualité française illustre cette idée de « barbarisation » du judaïsme et de l’islam qualifiées de « religions sexuellement transmissibles » par une professeur de Droit de l’Université d’Aix-Marseille (voir l’article du Nouvel Obs du 10/12/2020).
Dans le monde occidental, et en Europe en particulier, une nouvelle philosophie est en train de se populariser, une philosophie pseudo bienveillante inspirée à la fois du christianisme, de l’écologie et de l’idéal de liberté et d’égalité de la Révolution française. Quel nom donner à cette « religion » ? On peut parler en effet de religion et non plus de philosophie lorsque certains concepts deviennent intouchables, sacrés, tandis que d’autres deviennent tabous.
L’expression « religion de l’écologie » n’est pas tout à fait juste mais je n’en ai pas trouvé d’autre pour désigner cette tendance à trouver un remède à tous les maux et à toutes nos angoisses dans une spiritualité païenne sans Dieu transcendant. L’écologie a du bon, c’est une évidence. Et que l’écologie soit mêlée de spiritualité ne me dérange pas, au contraire. Cependant, lorsqu’elle devient une religion ou idéologie en soi, cela m’inquiète. Je pense notamment aux excès du véganisme.
La planète va mal, nous consommons trop, nous sommes en train de détruire notre maison, c’est de plus en plus palpable ; ce n’est plus seulement une mise en garde de scientifiques pessimistes. Nous avons besoin de retrouver le contact avec la terre, avec la nature. Mais est-ce qu’une idéologie de la bienveillance écologique conduit vraiment à un réel contact avec la terre ?
Est-ce que l’écologie amène plus de relations affectives entre les humains ? En effet, si on parle de la terre, il faut aussi parler de l’humain, de ce que nous perdons lorsque nous devenons trop urbains, trop esclaves de nos téléphones portables. Lorsque nous perdons le contact avec la terre nous perdons le contact entre nous et nous perdons contact avec « le divin ».
A partir d’une bonne chose, l’écologie, on pourrait aboutir à une persécution -juridique d’abord- des religions en général, du judaïsme et de l’islam en particulier. Une partie du christianisme se sent solidaire des deux autres religions d’Abraham mais une autre tendance chrétienne va plutôt dans le sens inverse.
Pour la plupart des Européens aujourd’hui le mot barbare est presque synonyme d’islam mais aussi de judaïsme. Comment se fait-il qu’en 1492 les Espagnols n’aient pas expulsé uniquement les Musulmans mais aussi les Juifs ? Parce que pour un grand nombre d’Occidentaux, aujourd’hui comme hier, il n’y a pas de différence entre les Juifs et les Musulmans.
Les Juifs qui abandonnent le judaïsme se croient à l’abri de cette qualification de « barbares » (= non Occidentaux) ; c’est une erreur. Dans l’inconscient occidental de culture chrétienne, les circoncis sont des violents, des non civilisés. On pourrait parler d’antisémitisme latent que même la Shoah n’a pas permis d’éradiquer.
Face à ce constat que faire ? Comment défendre l’abattage rituel, la circoncision, la différenciation homme/femme, etc ? Sur de nombreux points les trois religions abrahamiques ne sont pas si éloignées. Le judaïsme a un rôle à jouer pour réconcilier l’Occident et l’Orient, le christianisme et l’islam.
André Noham Chouraqui exprimait très bien cette vocation d’Israël (dans son livre « Mon Testament. Le feu de l’Alliance », Paris, Bayard, 2001) :
« L’acceptation des Paroles de l’Alliance, selon Chouraqui, pourrait devenir le lieu de rencontre des grandes traditions monothéistes. Israël, historiquement, est convié à jouer ce rôle d’unification. La vocation d’Israël est par essence la médiation entre les hommes. Étymologiquement, Israël signifie « Celui qui lutte avec Dieu ». Paria des nations, le peuple hébreu s’est, selon lui, trop replié sur lui-même.
Il doit retrouver sa vocation première, unique, et universelle : réunir tous les peuples autour de l’Alliance confiée à Moïse dans les Dix Paroles. Et comme l’Alliance est ontologiquement liée à la Création, celle-ci, beria, ne peut subsister que grâce aux pouvoirs de celle-là. Le message d’Israël s’adresse à l’homme tel qu’il est sorti des mains de son Créateur. Israël, dans les desseins de Dieu, et selon la perspective de Chouraqui, doit redevenir le centre du monde pour être au service de l’humanité. »
(Extrait d’un article dans Erudit.org)
Donner un rôle fédérateur à Israël « centre du monde pour être au service de l’humanité » semble « anti-égalité », « anti Révolution française », voire même « anti-écologie », en bref inacceptable.
Et pourtant c’est le cœur du message de la Torah, de la Bible toute entière. Si on refuse la centralité d’Israël autant mettre la Bible à la poubelle, elle n’a aucun sens.