Jérusalem sauvée
A peine l’opération « Le bouclier et la flèche » achevée avec un cessez-le feu fragile mais qui, à l’heure où ces lignes sont écrites, est respecté, tous les regards se tournent vers Jérusalem.
Le 18 mai, on y célébrera la victoire de 1967, la « journée de Jérusalem » avec la « marche des drapeaux ». Des dizaines de milliers d’Israéliens, principalement des jeunes appartenant au courant sioniste-religieux, défilent en empruntant un itinéraire passant par la porte de Damas et le quartier musulman de la Vieille ville.
Pour les habitants de ces quartiers, résidents mais non citoyens d’Israël, cette marche est ressentie comme une provocation, et chaque année, les incidents se multiplient.
La crainte est encore plus vive depuis le mois de mai 2021 qui avait vu la situation dégénérer en émeutes anti-juives dans les villes mixtes (Saint-Jean d’Acre, Jaffa, Lod Ramlé…). La marche des drapeaux est devenue un rituel qu’aucun gouvernement ne remet en cause. Pour des raisons politiques, pas un ministre de la Sécurité publique ne veut se voir accuser de faiblesse, et en 2022, le travailliste Omer Bar Lev n’a pas échappé à la règle.
Bien entendu, son successeur dans ce ministère devenu celui de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, aurait même tendance à en rajouter. L’idéologie n’est pas non plus absente de cette journée.
Depuis 1980, avec l’adoption à une large majorité de la loi fondamentale « Jérusalem une et indivisible, capitale éternelle d’Israël », la question fait l’objet d’un consensus large mais qui a peu à voir avec la réalité : l’unité de Jérusalem est une fiction, et aussi loin que l’on remonte dans l’Histoire, elle l’a toujours été.
Les 350 000 Arabes de la ville vivent dans des quartiers et des camps de réfugiés où aucun Juif n’a jamais mis les pieds, et où les seuls qui veulent le faire sont des extrémistes comme ceux de Ateret haCohanim, des religieux qui veulent « judaïser » Jérusalem-Est (et toutes les villes précitées).
Ils ont déjà réussi à rendre quasiment impossible l’implantation d’une future capitale de l’Etat palestinien dans des quartiers périphériques. Cet activisme n’empêche pas la ville de s’enfoncer dans les difficultés : sous-industrialisée, elle connaît une expansion démographique naturelle, dépassant maintenant le million d’habitants du fait du fort taux de natalité dans la population arabe et les communautés juives orthodoxes (250 000 habitants).
Au sein de ces deux populations, le chômage dans la première, et le refus de travailler de la moitié des hommes dans la seconde, font de la ville l’une des plus pauvres d’Israël avec un taux double de la moyenne nationale : 38 % des familles et 51% des enfants !
Mais peu importe aux marcheurs d’une Journée de Jérusalem entretenant l’hostilité : les drapeaux israéliens flotteront dans les quartiers musulmans pour y montrer qui est le maître. Et Jérusalem sera sauvée.