Jean-Marie Le Pen fut un négationniste notoire, un allié des ennemis d’Israël

Le président français, leader et fondateur du parti d'extrême droite français Front national (FN) Jean-Marie Le Pen s'exprime lors d'une conférence de presse au siège de son parti à Saint-Cloud, le 23 mars 2004. (Crédit : Daniel JANIN / AFP)
Le président français, leader et fondateur du parti d'extrême droite français Front national (FN) Jean-Marie Le Pen s'exprime lors d'une conférence de presse au siège de son parti à Saint-Cloud, le 23 mars 2004. (Crédit : Daniel JANIN / AFP)

Durant les années 1970, dans le cadre de mes activités journalistiques en France, j’ai rencontré Jean-Marie Le Pen lors de ses meetings, ses campagnes électorales et conférences de presse. Il incarnait les années sombres de la France, celles de la collaboration et de Vichy.

Avec un bandeau noir qui couvrait son œil droit, tel un corsaire, le tribun fasciste enflammait les foules par des messages ultranationalistes haineux, et réhabilitait clairement la politique de Pétain.

Au lendemain du décès du général De Gaulle, qui avait été condamné à mort par contumace par le régime de Vichy, Le Pen reprochait au vainqueur de Verdun d’avoir signé l’armistice ; mais il portait un jugement favorable au maréchal, à celui qui avait signé des décrets anti-juifs et violé les principes de liberté et de justice sur lesquels la République française est fondée.

Le Pen qualifiait avec mépris la Shoah : « un détail de la Seconde Guerre mondiale ». Comment pouvait-il ignorer que l’administration et la police françaises avaient facilité la tâche de la Gestapo ? A-t-il gommé la grande rafle de Paris, la participation de 9000 policiers avec un fichier détaillé de 27 388 noms, hommes femmes et enfants, tous Juifs. Comment peut-on pardonner une lâcheté si indigne, si criante ?

Il est inconcevable d’avoir attendu 1995 pour que Jacques Chirac reconnaisse, pour la première fois, la responsabilité de l’État français durant la période de Vichy. Chirac avait également introduit l’étude de la Shoah dans les manuels scolaires. Soulignons que De Gaulle, Pompidou, Giscard et Mitterrand n’ont pas eu le courage de le faire avant.

Jean-Marie Le Pen fait partie des négationnistes qui dénoncent « l’imposture du génocide juif ». Le politicien borgne avait manifesté une violente et agressive hostilité envers les Juifs de France. À chaque occasion, notamment à l’étranger et dans les capitales arabes, il parlait tout naturellement de « lobby juif », de la « puissance juiverie mondiale ».

Il avait soutenu la FANE, une organisation néo-nazie fondée par Marc Frederiksen. Elle diffusait, uniquement par abonnement, une revue : Notre Europe. Son idéologie : « défendre et reconstruire la race blanche pour une Europe forte et unie, nier l’existence de l’Holocauste, réhabiliter les collaborateurs français pendant l’occupation, lutter contre le sionisme partout dans le monde, et pour le peuple palestinien ».

Pour anéantir l’État juif tous les moyens sont donc permis, y compris la collaboration avec des terroristes islamistes.

Le Pen réfutait toute déclaration antisémite de sa part : « je n’aime pas les tableaux de Modigliani et de Chagall, je m’oppose aussi à Mendès France, cela ne veut pas dire que je suis un antisémite » me disait-il… Pour se justifier, il me racontait avec fierté que, déjà en 1956, il participa à la campagne de Suez avec les troupes de Tsahal…

En réalité, il était à Chypre au sein du QG de l’armée française… II n’a jamais foulé le sol d’Israël, il y fut pleinement persona non grata.

Le Pen adopta les grandes lignes d’une idéologie raciste, antisémite et populiste. Il refusa de condamner l’ignoble résolution 3379 de l’ONU du 10 novembre 1975, celle qui assimilait le sionisme au racisme.

Il œuvra toujours pour la cause arabe : « Israël ne peut pas continuer à occuper impunément des territoires qui ne lui appartiennent pas ». Il dénonça le « contrôle illégal » de Jérusalem en proposant « un statut particulier pour cette ville trois fois sainte ».

Il rencontra plusieurs fois le dictateur irakien Saddam Hussein, soutiendra le « boucher de Damas » Hafez el Assad, et son fils Bachar, ainsi que le chef de l’OLP Yasser Arafat, et condamna toutes les opérations de Tsahal contre le Hamas. Sur l’Iran, il disait : « c’est incroyable, ceux qui interdisent à l’Iran de développer l’énergie nucléaire possèdent eux-mêmes la bombe atomique ».

Le Pen a marqué de son empreinte la politique française et fut le catalyseur de la montée en puissance des partis de l’extrême droite en Europe. Le Front national qu’il a fondé demeure un parti incontournable, un mouvement qui fait partie officiellement de l’échiquier politique français, capable de présenter un candidat au deuxième tour des élections présidentielles. Nous ne pouvons plus l’ignorer mais le combattre. Nous respectons le choix de millions de Français de voter selon leur choix.

Certes, nous n’avons pas le droit ni la prétention d’intervenir dans les affaires intérieures de la France, ni d’ailleurs d’aucun autre pays, mais notre devoir est d’alerter et de remettre les pendules de l’Histoire à l’heure de la vérité.

Nous devons condamner le négationnisme et le fascisme en Europe, mais aussi l’extrême gauche qui s’est alignée avec le Hamas depuis le massacre du 7 octobre, et pour des intérêts électoraux, encourage indirectement les Islamistes et œuvre pour le boycottage de l’État d’Israël.

Hier l’antisémitisme se déchaînait par des actes ignobles, bestiaux et des pogroms, aujourd’hui l’antisionisme fait partie des partis politiques, et propose un canevas qui encourage le terrorisme international contre les Juifs de la diaspora et d’Israël.

Dans ce contexte, nous devons être très prudents et vigilants avant de nouer des relations avec des chefs de partis politiques européens de l’extrême droite qui souhaitent nouer des relations amicales avec des partis israéliens.

Ces partis européens ne correspondent pas avec l’échiquier politique américain. Le parti républicain représenté aujourd’hui par Donald Trump n’est ni antisémite ni antisioniste, et nous partageons avec l’Amérique les mêmes valeurs démocratiques et universelles.

En revanche, la politique européenne, particulièrement française, remonte à l’affaire Dreyfus, à la fin du colonialisme, à la France de Vichy et à leurs relations avec le monde arabe et l’Iran. L’histoire coloniale de l’Europe est à l’origine de ses obsessions fréquentes à essayer de résoudre les problèmes du Moyen-Orient. Cette histoire est aussi à l’origine du double jeu et de la politique de l’autruche.

L’État du peuple juif ne peut passer sous silence qu’un homme politique étranger déforme ou réécrive l’Histoire, ou même collabore avec tous ceux qui tentent d’arrêter et juger nos soldats qui défendent courageusement notre patrie et nos intérêts existentiels et stratégiques.

à propos de l'auteur
Ancien ambassadeur d'Israël. Journaliste-Ecrivain. Fondateur et directeur du CAPE de Jérusalem. Auteur de 25 ouvrages sur le conflit Israelo-arabe et sur la politique française au Moyen-Orient ainsi que des portraits-biographiques de Shimon Pérès, Ariel Sharon et Benjamin Netanyahou.
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