Israël s’installe dans l’incertitude

© Stocklib / Artem Kniaz
© Stocklib / Artem Kniaz

L’opération israélienne contre le Jihad islamique à Gaza a amplifié le climat d’incertitude qui règne dans le pays depuis le début de l’année.

La réforme judiciaire et la cherté de la vie s’accompagnent désormais d’une situation de guerre latente qui va peser sur l’économie israélienne.

L’opération Bouclier et flèche lancée mardi dernier (le 9 mai) par Tsahal dans la bande de Gaza a failli occulter deux rapports internationaux publiés en fin de semaine dernière et qui ont pointé du doigt l’incertitude qui plane sur l’avenir de l’économie israélienne.

Ralentissement de la croissance

Le 10 mai dernier, le Fonds monétaire international (FMI) publiait un rapport attendu sur l’économie israélienne ; rendu public au lendemain du déclenchement de l’opération militaire à Gaza, le rapport ne prend pas en compte l’impact de la situation militaire tendue.

Le rapport du FMI débute par quelques remarques élogieuses sur la « performance remarquable » de l’économie israélienne en 2022 ; celle-ci a connu une croissance de 6,5% tirée par la haute technologie et accélérée par une sortie rapide de la crise sanitaire.

En revanche, le rapport reste sceptique pour 2023 dont il abaisse les prévisions de croissance à 2,5%. Cette baisse des prévisions est expliquée par « les risques externes et l’incertitude persistante entourant la réforme judiciaire proposée ».

D’ailleurs, le mot « uncertainty » (incertitude) apparaît six fois dans les cinq pages du rapport du FMI ; un symbole des craintes des investisseurs internationaux face à une réforme qui pourrait détériorer la gouvernance et affaiblir les institutions du pays.

Incertitude politique

Autre rapport attendu : la décision de l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) publiée ce vendredi 12 mai. L’agence n’abaisse pas la note de crédit d’Israël (AA-) comme beaucoup de spécialistes le prévoyaient, confirmant la stabilité d’une dette extérieure maîtrisée.

En revanche, le rapport de S&P prévoit que « l’incertitude politique actuelle, combinée à des performances économiques plus faibles chez les principaux partenaires commerciaux d’Israël en Europe et aux États-Unis, ainsi qu’à une politique monétaire plus stricte, entraînera un ralentissement de la croissance économique israélienne à 1,5% en 2023 ».

S&P est donc plus pessimiste que le FMI pour ses prévisions de croissance ; l’incertitude est aussi le mot-clé qui apparaît cinq fois dans le communiqué de l’agence de notation.

Reste un évènement qu’aucune des deux organisations internationales n’a pris en compte dans ses prévisions : la tension militaire au Sud d’Israël. Celle-ci vient s’ajouter à de nombreux facteurs d’incertitude qui handicapent aujourd’hui l’économie israélienne.

Gouvernement déconnecté

La réforme judicaire n’est pas la seule cause de l’incertitude actuelle en Israël : la lutte contre la cherté de la vie et le vote du budget de l’Etat (avant le 29 mai) sont deux autres facteurs qui pénalisent les consommateurs.

Face à cette situation incertaine, le gouvernement israélien parait désemparé. Alors que les moteurs de la croissance s’éteignent les uns après les autres (high-tech, exportations, investissements, etc.), aucune mesure digne de ce nom n’est prise pour relancer la machine économique.

Le budget 2023-2024 consacre trop d’argent aux partenaires de la coalition gouvernementale (ultraorthodoxes et sionisme religieux) et pas assez pour lutter contre la hausse des prix des produits de base.

Alors que les défis économiques se multiplient, le Premier ministre Benyamin Netanyahou semble coupé de la réalité : il a même trouvé du temps pour inaugurer un supermarché de la chaîne Carrefour à Jérusalem…

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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