Israël n’a plus le temps d’attendre

Le slogan « Maintenant » résonne dans toutes les manifestations de rue en Israël et pour cause : en pleine guerre, le pays semble à l’arrêt alors que beaucoup d’Israéliens attendent de leur gouvernement des décisions urgentes, voire vitales.

Depuis le 7 octobre dernier, le gouvernement israélien repousse à plus tard des décisions importantes, donnant l’impression d’agir sous des motivations politiciennes au détriment d’une gestion pragmatique de la crise sécuritaire et économique en cours.

Cinq mois après l’attaque terroriste du Hamas, les Israéliens en ont marre d’attendre : ils attendent la fin de la guerre, la libération des otages, l’arrêt de l’envolée des prix, de justes indemnisations financières, etc.

En fait, l’expectative touche toutes les composantes de la société israélienne : l’économie attend des jours meilleurs pour redémarrer, Tsahal attend la fin du conflit pour revoir sa stratégie militaire, le gouvernement attend l’après-guerre pour prendre ses responsabilités, etc.

Qu’attendent les Israéliens ?

Les Israéliens attendent la libération des 134 otages retenus par le Hamas dans la bande de Gaza depuis 150 jours.

Les 120 000 Israéliens évacués de leur domicile par décision gouvernementale attendent la « victoire totale » sur le Hamas promise par leur gouvernement pour rentrer chez eux en toute sécurité, dans le sud ou à la frontière nord.

Les 90 000 Israéliens au chômage technique, et qui arriveront en fin de droits aux allocations chômage d’ici à la fin mars, attendent un retour à la normale pour retrouver une activité professionnelle.

Les consommateurs attendent que leurs dirigeants s’attaquent efficacement à la hausse des prix des produits de base qui s’est poursuivie en période de guerre et qui ampute leur pouvoir d’achat.

Qu’attend Tsahal ?

Tsahal attend un changement de concept (« conceptzia » en hébreu) pour définir une nouvelle stratégie de guerre après l’échec du 7 octobre.

L’armée du peuple attend l’enrôlement de 66 000 harédim qui bénéficient d’un régime spécial les dispensant de service militaire.

La Défense israélienne attend l’aide américaine exceptionnelle et spéciale de 17,6 milliards de dollars promise par le président Biden.

Qu’attend l’économie ?

Les acteurs de l’économie israélienne attendent un changement de priorités budgétaires pour financer la guerre, relancer l’activité à l’arrêt et démarrer la reconstruction du pays.

Les investisseurs attendent la décision des agences de notation Fitch et S&P qui pourraient abaisser prochainement la note de crédit d’Israël comme vient de le faire Moody’s, ce qui entamerait gravement la crédibilité financière du pays.

Les promoteurs immobiliers attendent la venue sur les chantiers de construction de 60.000 ouvriers étrangers du BTP (d’Inde, Sri Lanka et Ouzbékistan) à la place des travailleurs palestiniens interdits d’accès en Israël.

Qu’attend le gouvernement Netanyahou ?

Le gouvernement israélien attend la fin de la guerre pour examiner la débâcle du 7 octobre et prendre ses responsabilités.

Le gouvernement Netanyahou attend l’après-guerre pour envisager l’après-Hamas, et vice-versa.

Benyamin Netanyahou attend l’après-Biden (de préférence Donald Trump).

« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » : le gouvernement israélien de 2024 semble avoir fait sienne la morale d’une fable bien connue ; or attendre pour agir n’est pas forcément la meilleure des solutions pour faire face à des difficultés pressantes…

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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