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Israël: Le narratif national et la paix – Partie 1

Le narratif c’est l’histoire que nous nous racontons à nous-mêmes sur la réalité qui nous entoure

« Quel désespoir! A nouveau un gouvernement avec Bibi Netanyahu, à nouveau les partis de droites vont nous infliger leur politique ».

Telles sont les réactions des partisans de gauche profondément déçus par les résultats des dernières élections.

« Pourquoi élection après élection les israéliens votent à droite et soutiennent la formation d’un gouvernement de droite? »

Pourtant le mécontentement social est constant et touche de larges couches de la population.

Alors en effet, pourquoi? 

Une des principales raisons à cela provient de ce que l’on appelle: « le narratif israélien », c’est-à-dire l’interprétation de la réalité telle qu’elle est perçue par la majorité de la population.

  1. Le narratif israélien

Le narratif c’est l’histoire que nous nous racontons à nous-mêmes sur la réalité qui nous entoure.

Chacun interprète la réalité dans laquelle il vit et adopte une interprétation (narratif) qui l’aide à  expliquer à ses yeux et a ceux de son entourage les événements de sa vie et de la société qui l’entoure et, en fonction, décider de sa conduite.

Les gouvernements  aussi construisent un narratif à la lumière duquel ils expliquent tous les évènements qui se passent et justifient leur politique.

Ces dernières décennies s’est développé un nouveau narratif israélien, propagé par les politiques et les médias  et adopté par une grande partie de la population.

D’après ce narratif, « l’Etat d’Israël a été créé dans le cadre d’un vaste processus de retour des juifs dans le pays de leurs ancêtres après avoir été opprimés, expulsés et massacrés, tout au long de leur histoire en Diaspora.

Dans ce contexte le sionisme est avant tout le mouvement de libération du peuple juif qui a combattu fermement pour la création d’un foyer indépendant qui lui soit destiné.

Au début du XXe siècle, les arabes étaient peu nombreux en Palestine, principalement des paysans pauvres cultivant des parcelles de terre appartenant à de riches propriétaires terriens résidents au Liban et en Syrie.  

Les Juifs ont acheté ces terres à leurs propriétaires en bonne et due forme. Ils y ont créés des villages modernes et des agglomérations accueillantes afin de se réinstaller dans la terre de leurs ancêtres 

Si les arabes avaient acceptés la création d’un foyer juif en Israël il aurait été possible de cohabiter et de faire prospérer le pays d’un commun accord.

La véritable source du conflit réside dans  « Le refus arabe » et leur espoir de pouvoir  « jeter les Juifs à la mer ».  

La victoire Israélienne, lors de la guerre des Six jours (1967) – déclenchée par les pays arabes – a été un miracle et nous n’étions pas loin de subir un nouveau massacre lorsque six pays arabes nous attaquèrent simultanément.

Les conséquences de cette guerre nous permirent de revenir sur des lieux pour nous sacrés et de coloniser à nouveau les terres de nos ancêtres telles qu’ils sont signalés dans la Bible. Ces terres ont historiquement appartenus au peuple juif et c’est dans nos droits de les recoloniser. 

La pression du monde occidentale en faveur du retrait des territoires occupés et de la création d’un État palestinien représente une menace réelle pour Israël. Cet Etat sera le point de départ d’opérations terroristes et d’attentats suicide, il mettra à portée des obus et des mortiers les zones les plus peuplées du pays (Jérusalem, Natanya et Tel Aviv).

Chaque fois qu’Israël a rendu des territoires occupés le résultat a été la radicalisation des nouveaux gouverneurs et la multiplication des actes de violence et des attaques en direction d’Israël (le sud Liban évacué en 2000 puis envahi par le Hezbollah qui déclencha la guerre de 2006, la bande de Gaza dominée peu de temps après le retrait israélien par le Hamas et les guerres qui s’en suivirent suite aux nombreux tirs de mortiers).

A notre grande chance l’accord qui était en préparation sous le gouvernement Barak avec la Syrie d’Assad le père n’a pas abouti. Nous nous serions retirés des hauteurs du Golan et serions aujourd’hui avec Daesh sur les rives du lac de Tibériade…

Il faut le reconnaitre clairement: les Arabes n’acceptent pas l’existence d’un Etat Juif ici sur la terre d’Israël, et ils attendent l’occasion propice pour nous faire disparaitre.

De plus nous ne croyons pas un mot de leurs déclarations. Tous les discours de dirigeants arabes sur des accords de paix, ne sont que des démarches tactiques destinées à renforcer leurs positions sur le tableau mondial et nous attaquer dés qu’une occasion avantageuse se présentera.

Par contre lorsque des éléments arabes déclarent qu’Israël n’a pas le droit d’exister et qu’il faut « l’effacer de la carte » nous devons prendre ces déclarations très au sérieux.  

D’autre part les dirigeants arabes réellement modérés – s’il y en a – sont trop faibles et n’ont pas les moyens d’exécuter leur politique.

Ainsi nous avons de bonnes raisons d’être inquiets, d’adopter des positions  intransigeantes et de renforcer notre armée.

Enfin, nous savons de longue date que quoi que nous fassions le « monde est contre nous ». On nous critique et nous condamne fermement pour des actions qui si elles sont pratiquées par la Russie, la Chine ou tout autre pays arabe passent pratiquement inaperçues.

Pour nous l’antisémitisme n’a pas disparu il s’exprime simplement sous une autre forme. Etre anti-israélien c’est un prétexte, c’est la forme moderne de l’antisémitisme.   

Les critiques envers l’armée israélienne Tsahal sont tout aussi de mauvaise foi. L’armée israélienne est « la plus morale du monde ». Qu’elle autre armée déploie de tels efforts afin de ne pas porter atteinte aux civils? Quelle autre armée est prête à mettre en danger ses soldats afin de ne pas tuer des innocents? 

Les gens de gauches sont naïfs, ils ont de bonnes intentions mais ils ne voient pas la situation telle qu’elle est.

Ils sont prêts à faire de nombreuses concessions aux arabes sans exiger de véritables contreparties.

Ils sont plus sensibles aux problèmes des arabes qu’à ceux des juifs. Contre les injustices infligées aux arabes ils sont prêts à se mobiliser et à manifester, mais on ne les voit pas réagir face aux injustices qui touchent les juifs israéliens. 

Pour conclure nous avons besoin d’un leader fort qui ne se fasse pas leurrer facilement, ne fasse pas de concessions sans véritable compromis de la part des arabes et qui  se souci réellement des intérêts des citoyens israéliens. Aujourd’hui seuls les dirigeants de droite nous donnent confiance et assurent notre sécurité ».

Ce narratif nous l’entendons tous les jours, dans les déclarations des politiques, dans les commentaires des journalistes, dans les discussions dans les cafés – partout.

Ce narratif est à la base des croyances et des attitudes d’une grande partie de la population, et justifie la politique du gouvernement.

Il existe évidemment d’autres narratifs, d’autres manières de voir les choses et d’interpréter la situation – mais c’est celui-ci qui domine et détermine la conduite des gens, notamment le jour des élections.

Le 9 novembre 1977, le président Sadat déclare être prêt à venir à Jérusalem à la Knesset et prononcer un discours en faveur de la paix entre les deux pays. Du jour au lendemain le narratif israélien profondément anti-Egyptien se transforma en manifestation de soutien et le président Sadat fut reçu en Israël par une foule enthousiaste brandissant les drapeaux égyptien et israélien accolés.

Le changement de narratif est possible et peut être même très rapide.

Nous verrons cela dans la seconde partie.

Ouri Weber

à propos de l'auteur
Ouri est sociologue, après des études a l'université de Tel Aviv, il a fait un Doctorat de Sociologie à Paris (EHESS). Il habite Israël depuis 50 ans, Ouri a travaillé vingt ans en tant que directeur de la planification stratégique au Conseil Régional de Matte Asher.
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