Israël entre dans l’ère des contre-réformes

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu assistant à la réunion hebdomadaire du cabinet, le mardi 3 janvier 2023, à Jérusalem. (Atef Safadi/Pool Photo via AP)
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu assistant à la réunion hebdomadaire du cabinet, le mardi 3 janvier 2023, à Jérusalem. (Atef Safadi/Pool Photo via AP)

Le sixième gouvernement Netanyahou n’a pas cru nécessaire de mettre à profit les traditionnels 100 jours de grâce ; quelques jours après leur prise de fonction, les nouveaux ministres israéliens ont annoncé plusieurs décisions majeures.

Sans prendre le temps d’étudier les dossiers en attente, les ministres fraîchement intronisés ont décidé en savoir suffisamment pour annuler plusieurs réformes lancées par leurs prédécesseurs.

Au cours de la dernière année, le gouvernement Bennett-Lapid avait adopté de multiples réformes économiques et avait pris des mesures politiques à fortes retombées économiques et sociales.

Les premières décisions des ministres du gouvernement Netanyahou ont donc pris la forme d’une série de contre-réformes dont le but est d’effacer les acquis du gouvernement précédent.

Un bilan globalement positif

La nouvelle coalition a hérité d’une économie qui a bien traversé la crise énergétique mondiale : l’inflation annuelle est plus faible qu’ailleurs (5,3%), le chômage reste bas (4,1%), le rythme annuel de croissance est parmi le plus élevé de l’OCDE (5,8%) alors que le ratio dette/PIB est retombé au niveau d’avant crise sanitaire (60%).

Sans trop d’effort, la coalition de Benyamin Netanyahou pourra recueillir les fruits du gouvernement précédent dans des domaines qui concernent la vie quotidienne de tous les Israéliens, comme inflation et logement.

Sur la question de l’inflation par exemple, Netanyahou revient au pouvoir au bon moment car le pic de l’inflation est derrière lui ; même en ne faisant rien, il récoltera les fruits de la politique monétaire de la Banque d’Israël qui, en relevant les taux, a réussi à ralentir la hausse des prix.

La crise du logement aussi semble être en voie d’atténuation : les mises en chantier ont fait un bond de 15% sous le gouvernement précédent, pour atteindre 70.000 logements en chantier d’octobre 2021 à septembre 2022, ce qui devrait tirer les prix à la baisse tout au long de cette année.

Un héritage politique à gommer

La première tâche de Netanyahou aura donc été de gommer l’héritage politique de Bennett-Lapid ; sinon, comment expliquer que, dès le premier jour de leur mandat, les nouveaux ministres ont immédiatement annulé des initiatives importantes de leurs prédécesseurs.

C’est ainsi qu’aux Finances, Bezalel Smotrich a décidé l’annulation de la taxe sur les ustensiles jetables et les boissons sucrées alors qu’à l’Education, Yoav Kish a annulé la réforme du baccalauréat.

Parmi les autres mesures significatives annulées ou en passe de l’être, signalons la réforme de la cashrout, la réforme de la téléphonie et la réforme de l’agriculture. De plus, un changement de priorités devrait conduire à ralentir certaines dépenses engagées l’année dernière comme les chantiers du métro, le développement du réseau routier, les budgets à la société arabe, etc.

En revanche, le ministre de la Justice Yariv Levine n’a pas perdu de temps pour lancer une réforme de la Justice qui bouleversera l’équilibre des pouvoirs ; avec un gouvernement composé de nombreux ministres qui ont affaire à la justice, l’urgence est évidente…

Pourtant, il existe des mesures véritablement urgentes à prendre ; comme la préparation et l’adoption du budget de l’Etat pour 2023 et 2024 sans lequel le gouvernement ne pourra engager aucune dépense nouvelle.

Cela ne fait plus de doute : les prochaines années Netanyahou seront marquées par une série de contre-réformes économiques et politiques qui vont changer profondément l’économie israélienne et affaiblir la démocratie.

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
Comments