Israël 76 ans : l’économie plie mais ne rompt pas

Gratte-ciel à Tel Aviv. Mars 2023. Illustration (Crédit : Anna Arinshtein/iStock/Getty Images)
Gratte-ciel à Tel Aviv. Mars 2023. Illustration (Crédit : Anna Arinshtein/iStock/Getty Images)

Alors que l’Etat juif célèbre son 76e anniversaire, l’économie du pays se maintient à flot malgré une guerre exceptionnelle par sa durée, son ampleur et son intensité.

Face aux coûts de la guerre et aux risques géopolitiques, l’économie d’Israël plie sans rompre. Certes, la situation sécuritaire a provoqué un ralentissement de l’activité ; mais la guerre a aussi favorisé de nombreux secteurs qui sauveront l’économie de la faillite en générant des opportunités de croissance à la fin du conflit.

La soixante-seizième année d’Israël, qui est à cheval entre 2023 et 2024, aura été une année noire pour l’économie israélienne : sur toute l’année 2023, le produit intérieur brut (PIB) a augmenté d’un petit 2%, ce qui signifie une baisse du PIB par habitant de 0,2%, et les prévisions pour le début 2024 restent incertaines.

Impacts de la guerre

Les attaques contre Israël du 7 octobre 2023 et la guerre qui a suivi ont profondément impacté l’économie israélienne. Les écoles sont restées fermées pendant plusieurs semaines alors que des milliers d’Israéliens ont été déplacés de leur domicile. Le départ de nombreux travailleurs étrangers et la suspension des permis de travail des Palestiniens ont réduit fortement la main-d’œuvre employée dans l’agriculture et la construction. Quant à l’enrôlement de 300.000 réservistes, il a pesé sur l’activité de l’ensemble de l’économie, y compris dans le secteur des hautes technologies.

C’est au dernier trimestre de 2023 que l’impact de la guerre sur l’économie a été le plus fortement ressenti : le PIB a chuté de 21% notamment en raison d’une baisse dramatique de la consommation des ménages (-27%) et des investissements (-68%).

En faisant abstraction des années de crise internationale (l’épidémie de coronavirus en 2020 et la crise financière mondiale de 2009), il faut remonter vingt ans en arrière pour trouver en Israël une année économique aussi noire : 2003 a connu une récession semblable à celle de 2023 avec une baisse du PIB par habitant de 0,4%.

Le gouvernement israélien a tardé à réagir pour corriger son budget, notamment pour modifier les priorités de la dépense publique et revoir sa politique fiscale. La détérioration du déficit public, conjuguée à de nombreux risques géopolitiques, a conduit les agences de notation à abaisser la note souveraine d’Israël : Moody’s en février puis Standard & Poor’s en avril.

Reprise par la consommation

A défaut d’une politique publique cohérente pour encourager la croissance, la consommation sera sans doute un des principaux moteurs de la relance. En 2024, l’activité devrait redémarrer sous l’impulsion d’une forte consommation privée, tandis que la reprise de l’investissement sera plus lente et partielle.

Après une chute inédite de la consommation des ménages en 2023 (-0.7%), les achats des Israéliens devraient rebondir au premier semestre 2024, notamment en raison des fêtes de Pessah et des célébrations de l’Indépendance qui incitent à la dépense. Les achats des particuliers par cartes de crédit ont déjà progressé de 8,6% au premier trimestre 2024 (notamment alimentation et biens durables), laissant entrevoir une reprise rapide de la consommation privée tout au long de l’année.

En 2024, la reprise de la croissance se fera par la consommation mais elle pourrait être de courte durée ; le relèvement de la TVA en 2025 (de 17 à 18%) va renchérir d’autant le panier de la ménagère et atténuer le rebond de la consommation privée.

Opportunités de croissance

Si la guerre est coûteuse pour l’économie israélienne, elle génère aussi des opportunités de croissance ; le conflit actuel a encouragé l’innovation technologique tout comme la production des secteurs industriels, à des fins militaires mais avec de fortes retombées civiles.

C’est ainsi que des bonds technologiques significatifs ont été accomplis en Israël dans de très nombreux secteurs de pointe comme : aéronautique, intelligence artificielle, robotique, cybersécurité, laser, drones et défense aérienne, etc…

D’une part, la guerre est venue au secours du secteur des hautes technologies qui a connu un recul de ses investissements au premier semestre 2023 en raison de la réforme judiciaire. De l’autre, c’est la high-tech qui sauvera l’économie du pays en 2024 : les industries militaires et aéronautiques israéliennes croulent sous les commandes de pays étrangers qui veulent s’équiper en matériel sophistiqué qui a fait ses preuves.

Sans compter l’exploitation du gaz qui s’est poursuivie avec la guerre et qui fournit au pays de précieuses devises ; à la veille de son 76e anniversaire, Israël accumulait des réserves en devises qui frôlaient les 210 milliards de dollars, l’équivalent de 41% de son PIB annuel, un record mondial.

La soixante-dix-septième année de l’Etat d’Israël s’ouvre sur de nouveaux défis liés à une forte croissance démographique et à une économie dépendante du secteur des hautes technologies ; le gouvernement israélien devra trouver les ressources nécessaires pour soutenir la croissance future qui sera principalement alimentée par l’éducation et la recherche.

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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