Israël 2025, le budget de l’État se coupe de l’État

Un homme âgé fouille dans les poubelles, à Petah Tikva, en juin 2015. (Crédit : Nati Shohat/FLASH90)
Un homme âgé fouille dans les poubelles, à Petah Tikva, en juin 2015. (Crédit : Nati Shohat/FLASH90)

Le budget d’Israël pour 2025 ne répond pas aux besoins de relance de l’économie du pays et il est déconnecté des réalités de la vie quotidienne des Israéliens.

Il était temps ; en adoptant le budget 2025 avant le 31 mars, les députés ont évité la dissolution de la Knesset et la tenue d’élections anticipées.

Le grand gagnant de ce vote est Benjamin Netanyahu : il renforce son pouvoir en distribuant des fonds aux partis de sa coalition, gagnant ainsi une année de pouvoir à la tête de l’exécutif, du moins jusqu’au vote du budget pour 2026, et sauf décision contraire.

Paradoxalement, l’économie israélienne sera le perdant de ce vote. En approuvant un budget à tout prix, les députés ont effectué un choix politique qui ne satisfera pas les besoins économiques urgents d’un pays toujours en guerre.

Ordre des priorités

Le budget 2025 a été voté avec trois mois de retard mais il est déjà déconnecté de la réalité de l’économie du pays. Son ordre des priorités économiques est déformé, faussé par des décisions politiques qui ont affecté aussi bien les recettes de l’État que les dépenses budgétaires.

Si l’économie israélienne est à l’arrêt, ce n’est pas la faute de la réforme judiciaire ni du conflit militaire. La guerre a bon dos : même longue et intense, elle ne justifiait pas des hausses d’impôt qui vont amputer le pouvoir d’achat de l’Israélien qui travaille.

Rappelons que l’économie israélienne est entrée en guerre (et en réforme judiciaire) dans une excellente situation financière : 2022 s’est achevée avec un excédent budgétaire rarissime, de fortes réserves en devises et un endettement extérieur faible. Il aurait été tout à fait possible de financer le surplus du budget militaire avec des fonds propres et l’aide internationale.

Même la banque centrale d’Israël, dont la politique d’austérité est connue, n’a pas hésité à mettre à la disposition du Trésor 30 milliards de dollars (100 milliards de shekels), soit l’équivalent du budget militaire annuel en période de guerre. Seulement voilà, le gouvernement n’a pas cru bon d’utiliser cette manne de réserves en devises pour financer une situation exceptionnelle.

Recettes contre dépenses

En fait, l’augmentation des dépenses militaires (qui ont doublé en 2024 par rapport à 2022) a été financée sans difficulté : la moitié est fournie par l’aide américaine, l’autre moitié par le budget courant de l’État. Il en sera ainsi pour 2025 et sans doute 2026.

Le coût de la guerre n’est donc qu’un prétexte à une hausse de la fiscalité de grande ampleur en 2025 :

  • relèvement de la TVA de 17 à 18%,
  • hausse des cotisations sociales,
  • gel des tranches d’impôt,
  • hausse des tarifs publics, comme les transports en commun qui renchérissent de 30%.

À quoi donc serviront ces rentrées fiscales supplémentaires ? Uniquement à financer les dépenses de fonctionnement d’un gouvernement pléthorique de 33 ministres et 5 vice-ministres, comme les fonds de la coalition et des administrations inutiles en temps de guerre.

Comble de gaspillage, le Trésor public vient de ponctionner dans le Fonds souverain du Gaz (qui accumule les recettes de l’exploitation du gaz destinées à l’innovation et à la recherche) le montant de 189 millions de shekels (50 millions d’euros) ; des fonds qui seront attribués aux ultra-orthodoxes et sionistes religieux, on ne sait jamais !

Moteurs de croissance

Si la pression fiscale et gazière ne suffisait pas, le budget 2025 avalise une coupe transversale (5 milliards de shekels) dans les dépenses civiles ; autrement dit, l’Israélien moyen et travailleur paiera davantage d’impôts et taxes, mais il recevra en contrepartie moins de services publics comme la santé, les transports et l’éducation.

En revanche, le budget 2025 prévoit des mesures populistes destinées à satisfaire les besoins des franges défavorisées de la population, comme la distribution de coupons alimentaires et la création d’une (nouvelle) Autorité de Lutte contre la Pauvreté. Pourquoi combattre efficacement des difficultés sociales (pauvreté et cherté de la vie) si on peut les utiliser à des fins électoralistes…

Le budget 2025 ne se contente pas d’ignorer les moteurs de l’économie qui tournent au ralenti, il fait même pire : il bloque les facteurs qui auraient facilité la reprise de l’après-guerre comme :

  • la reconstruction des régions touchées par le conflit,
  • l’emploi et enrôlement des harédim,
  • la relance des investissements étrangers,
  • la reconquête de débouchés extérieurs,
  • l’encouragement de la technologie, etc…

Ces nombreux défis devront être relevés rapidement pour relancer la machine économique. L’économie de 2025 reste assombrie par des conflits militaires comme politiques qui auraient exigé des réformes budgétaires et structurelles pouvant stimuler la croissance.

Voté avec trois mois de retard, le budget 2025 s’est coupé de la réalité économique. Il ne répond pas aux besoins de l’État ni des contribuables, il vise à assurer la survie d’une coalition gouvernementale hétéroclite et chancelante. Les moteurs de la croissance attendront 2026, au mieux.

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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