Isolement

Le cercueil du pape François est porté devant des dignitaires, dont le président Donald Trump, au centre, et le président français Emmanuel Macron, lors de ses funérailles sur la place Saint-Pierre au Vatican, le samedi 26 avril 2025. (Crédit : AP / Gregorio Borgia)
Le cercueil du pape François est porté devant des dignitaires, dont le président Donald Trump, au centre, et le président français Emmanuel Macron, lors de ses funérailles sur la place Saint-Pierre au Vatican, le samedi 26 avril 2025. (Crédit : AP / Gregorio Borgia)

Israël n’a envoyé aucun représentant important à l’enterrement du Pape François. L’ambassadeur de l’État juif au Vatican accomplissait cette mission, alors que 130 pays étaient représentés souvent au plus haut niveau avec des personnalités comme Donald Trump, Vladimir Zelensky ou encore Emmanuel Macron.

En fait, dès le décès du Pape, Israël s’est distingué. Seul le président Itshak Herzog a publié immédiatement un communiqué saluant la mémoire d’ « un homme de foi profonde et de compassion sans fin… ». Il a fallu quatre jours pour que le bureau du Premier ministre publie un texte. Et il n’a échappé à personne que le ministère des Affaires étrangères a très vite supprimé de son site un message avec une photo où on voyait le Pape au mur des Lamentations.

Les raisons de cette négligence calculée tiennent aux déclarations du Pape François à propos de Gaza. La veille de sa mort, il a encore dénoncé la « situation humanitaire dramatique et ignoble » dans l’enclave et plaidé une nouvelle fois pour un cessez-le-feu. Le gouvernement israélien a volontairement oublié que le pape avait souvent appelé à lutter contre l’antisémitisme et à la libération des otages. Il a rencontré leurs familles à de nombreuses reprises, plus fréquemment que les ministres du gouvernement Netanyahu.

Les divergences n’empêchent pas le respect des usages diplomatiques. Le président américain a tenu à être présent malgré les critiques virulentes du Pape François à l’égard de sa politique d’immigration. Les diplomates de carrière ne s’y sont pas trompés. Un ancien ambassadeur d’Israël au Vatican l’a souligné :

Lors de funérailles auxquelles assiste le monde entier, de Trump jusqu’aux plus modestes, notre absence crée une image négative pour nous auprès de l’ensemble du monde catholique chrétien, soit 1,3 milliard de personnes.

Cette affaire illustre jusqu’à la caricature la politique extérieure du gouvernement israélien : incapable d’emporter la conviction, elle contribue à l’isolement de l’État juif.

Il est facile d’accuser le monde entier de préjugés anti-israéliens et les organisations internationales d’antisémitisme (c’est effectivement parfois le cas), mais la vraie force d’un pays réside dans les alliances qu’il construit, son insertion dans le système international tel qu’il est. Le chemin pris par le gouvernement Netanyahu mène à l’opposé.

En 1993, Benjamin Netanyahu avait écrit un livre dont le titre résumait sa vision : Une place parmi les nations. Par sa diplomatie irresponsable, le Premier ministre a fait que cette place est maintenant synonyme de faiblesse et d’incapacité à emporter la confiance. Un isolement qui n’augure rien de bon.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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