Interview du cinéaste-essayiste Jean-Pierre LLEDO – 2ème
Son ami Boualem Sansal est toujours prisonnier du pouvoir algérien. Au cours de cet entretien passionnant avec Jean-Pierre Lledo, nous avons abordé la campagne en faveur de sa libération, la position de la France en général, celle de Macron en particulier, et le refus du Festival des écrivains de Jérusalem 2025 d’évoquer le sort malheureux de celui qu’elle avait fait ‘invité d’honneur’ en 2012.
Laurent Cudkowicz : Bonjour Jean-Pierre Lledo. Nous sommes à près de 200 jours de l’incarcération de l’écrivain Boualem Sansal dans les geôles algériennes. Quelles sont les dernières nouvelles que nous avons de son sort ?
Jean-Pierre Lledo : Les dernières nouvelles sont les suivantes : le 27 mars 2025, lors du jugement de son procès, il a été condamné à 5 ans de prison. Il avait la possibilité de faire appel. Certains avaient suggéré qu’il ne le fasse pas, ce qui aurait voulu dire qu’il acceptait les motifs de sa condamnation. Évidemment, il a refusé. Il a fait appel. Le nouveau procès était prévu au mois de mai, mais il a été reporté au 24 juin[1].

Ses filles, qui vivent en Tchéquie, leur maman étant tchèque, font ce qu’elles peuvent. Elles ont écrit au Président algérien Tebboune. Elles ont écrit au Président français Macron. Apparemment, elles n’ont reçu aucune réponse. En tous cas, elles rencontrent des difficultés pour les contacts téléphoniques avec leur père.
Après la prise de position du Parlement Européen en janvier 2025[2], le Parlement français s’est prononcé à peu près de la même manière au mois de mai 2025[3]. Plus de 300 députés ont voté pour la libération de Sansal.
Évidemment, le groupe LFI-La France Insoumise et Le Parti communiste français ont refusé de signer pour sa libération, ce qui est une honte.
LFI avait déjà fait preuve de mauvaise conduite par le passé, dans cette affaire notamment, donc il ne faut pas trop s’étonner. Mais une fois exprimées les positions des deux parlements – qu’il faut saluer – quelles sont les actions ?
Il faut déplorer le fait que lors d’un « Face à Face avec les Français », Macron, interviewé durant plus de trois heures, n’a pas eu un mot pour l’écrivain franco-algérien. Quant au Premier ministre François Bayrou, il a reçu et écouté une délégation du Comité de soutien à Boualem Sansal, mais n’étant pas maître de la politique internationale de la France, quelle valeur a son soutien ?
Ce Comité qui est dirigé par la Présidente Noëlle Lenoir, une grande avocate qui a été ministre dans le passé, et par Arnaud Benedetti, directeur de la Revue politique et parlementaire, fait un travail extraordinaire. Ils viennent de lancer une initiative ‘Lire Sansal’ qui démarre à Cannes et va s’étendre à toute la France. Malgré le temps qui passe, le Comité reste sur la brèche.
L’Allemagne, pays avec lequel Sansal a beaucoup d’attaches du fait de la parution, il y a quelques années déjà, de son roman Le village de l’Allemand dont le cadre historique est la Shoah, a aussi connu de nombreuses manifestations de soutien. Une réunion s’est tenue en mars dernier, au cours de laquelle s’étaient prononcés cinq Prix Nobel de littérature : Svetlana Alexievitch (2015) qui avait écrit La Fin de l’homme rouge, Elfriede Jelinek (2004), Irina Scherbakowa (2022), Herta Müller (2009) et Orhan Pamuk (2006).
LC : La France a-t-elle choisi, entre le fait de préserver ses relations avec l’Algérie, bonnes ou pas, et celui de faire pression pour obtenir la libération de Boualem Sansal ? A-t-elle choisi de préserver ses relations ?
JPLL : Il est difficile de répondre à cette question. Macron avait dit tout au début que l’honneur de l’Algérie, l’honneur du Président de l’Algérie étaient en jeu dans cette affaire. Mais je remarque que ces derniers temps, depuis au moins deux mois, on ne l’entend plus évoquer ce sujet.
C’est très grave, parce que lui seul, aujourd’hui, peut arracher quelque chose à l’Algérie. Que ce soit avec des sourires – mais on n’y croit pas trop – ou en menaçant l’Algérie de mesures de rétorsion, la France a le pouvoir de le faire libérer. Si elle ne le fait pas, l’Algérie risque de garder Sansal en prison pendant cinq ans. Or, il a 80 ans. Il a des problèmes de santé, un cancer parait-il, pour lequel il est, en principe, soigné. De quelle manière, on n’en a aucune garantie.
À cet âge-là, être séparé de sa famille, de ses amis, c’est une charge que j’espère, il arrivera à surmonter.
- D’un côté, on a toute cette gauche française qui s’est complètement déshonorée en refusant de protester contre l’arrestation de l’écrivain.
- De l’autre côté, le Président de la République française qui a justement le devoir d’incarner la France, se montre impuissant.
Si Macron aujourd’hui, n’est pas capable de défendre Sansal, de quoi peut-il être encore capable sur d’autres terrains du monde infiniment plus compliqués ?
LC : Boualem Sansal a donc été condamné à 5 ans de prison sur la base de l’article 87bis, article qui concerne la trahison de l’État, c’est bien cela ? Et est-ce que son droit à la défense est bien respecté ?
JPL : Oui, c’est cela, et il a également été condamné à une amende de 500 000 dinars algériens[4]. Le procès lui-même a été une mascarade. Il n’a duré qu’une demi-heure. Un procès au cours duquel on condamne quelqu’un à 5 ans de prison, est liquidé en une demi-heure !
Une détention cruelle, vingt minutes d’audience, une défense interdite, et au final, cinq ans de prison pour un écrivain innocent : une sentence qui trahit le sens même du mot justice.
C’est ainsi qu’a caractérisé ce procès Me François Zimeray, l’avocat français du romancier à qui l’Algérie a refusé son visa.
On avait suggéré à Sansal de prendre un avocat non-Juif. Il a refusé évidemment.
Il s’est mis en colère et a décidé de se défendre seul. Je ne sais pas si l’Algérie va continuer à soutenir cette mascarade. Certains disent que le 5 juillet, à l’occasion de la fête de l’indépendance algérienne, il serait gracié. Tant que je ne le vois pas libéré, je n’y crois pas. L’Algérie est particulièrement cynique sinon perverse dans cette affaire et dans d’autres.
C’est bien sur la base de l’article 87bis qu’il a été condamné : déstabilisation, espionnage. En fait, on l’accuse d’être un espion ! Il a de très bonnes relations avec les ambassadeurs français. Tous les ambassadeurs du monde organisent régulièrement des soirées avec des politiciens, des artistes, pour prendre la température, pour savoir ce qu’on pense dans les pays dans lesquels ils sont en poste. Sansal a eu des relations avec tous les ambassadeurs qui étaient en poste en Algérie. Il a entretenu des liens plus proches avec certains d’entre eux et en particulier avec Xavier Driencourt qui était en poste en Algérie jusqu’en 2020. Personne ne peut reprocher, ni à Driencourt ni à Sansal, de rencontrer qui bon leur semble.
D’un point de vue juridique, cette accusation ne tient pas debout. Donc, que recherche l’Algérie à travers cela ? En fait, elle agit comme le Hamas : on prend quelqu’un en otage pour essayer d’infléchir la politique d’un État. L’Algérie est mécontente de l’attitude de la France sur plusieurs sujets : la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental est le gros morceau de ce mécontentement. Ils ont cherché à faire infléchir la politique de la France. Ils ont trouvé Sansal.

Par ses livres, ses romans, ses essais, ses déclarations dans la presse, très nombreuses, au cours desquelles il s’en prenait ouvertement au pouvoir algérien et à certaines conceptions de l’islam – voire à l’islam – Sansal avait donné mille occasions de se faire emprisonner, or cela n’a pas été le cas.
Les gouvernants auraient pu lui reprocher par exemple de violer la « concorde nationale » que Bouteflika avait lancée en 1999, dès son arrivée au pouvoir, et qui consistait à ne pas juger les islamistes responsables de la guerre civile qui avait causé 200 000 morts selon les propres mots de ce nouveau président. On épongeait tout !
Même lorsqu’il est venu en Israël, invité par le Festival des écrivains de Jérusalem en 2012, il ne fut pas arrêté à son retour en Algérie. Et pourtant, du point de vue des gouvernants algériens, c’était bien plus grave que ce qu’on lui reproche aujourd’hui : une émission sur une chaîne de télévision mineure dans laquelle il parlait des frontières avec le Maroc.
L’Algérie aurait pu se contenter de répondre à Sansal qu’il se trompait, de donner la véritable histoire de l’Algérie dans le cadre d’un débat. Pourquoi, tout d’un coup, ont-ils voulu l’arrêter ? Ce n’est pas tellement contre Boualem Sansal, même s’ils ne le portent pas dans leur cœur. C’est en fait une prise d’otage pour influer sur la politique de la France.
LC : On a vu il y a quelques jours qu’un rapport sur l’entrisme des Frères Musulmans et de l’islamisme en France a été rendu public et diffusé largement. On sait que ce rapport, après avoir largement décrit comment l’islamisme pénétrait la France à différents niveaux, concluait sur le fait qu’il fallait veiller à apaiser les populations musulmanes en France. Pour cela, le rapport suggérait de normaliser l’accueil funéraire des Musulmans dans les cimetières de France, d’enseigner l’arabe dans les écoles publiques, et de reconnaitre un État palestinien sans aucune considération géopolitique. Peut-on se dire que, dans le même ordre d’idée, le pouvoir exécutif en France, craint qu’en insistant trop pour obtenir la libération de Boualem Sansal, elle n’aille pas de la sens de cet apaisement, et, au contraire, attise le feu en France ?
JPL : Le rapport en question n’a pas été rendu public. Il s’agit d’une fuite. Je ne sais pas qui l’a organisée, mais toujours est-il, d’après la presse, que cela n’a pas du tout plu au Président de la République. C’est déjà un indice. Effectivement, une des préconisations est l’élément comique du rapport : « un État palestinien calmerait les Musulmans en France ». Cela correspond à ce que Bat Ye’or a montré dans ses livres et qui existe depuis les années 1970 : le deal entre l’Europe et l’OCI (Organisation de la Communauté islamique) consistait justement en cela : pétrole contre Palestine.
Il s’agit toujours de la même ligne diplomatique, la France n’a pas changé. Ce qui est comique est que la plupart des pays musulmans ont interdit les Frères musulmans, notamment en Algérie. Même si, évidemment, les partis islamistes et les islamistes qui se reconnaissent dans les idées des Frères musulmans sont toujours là, au parlement et ailleurs, sous des casquettes diverses.
Mais officiellement, les Frères musulmans sont interdits. La France pourrait très bien adopter cette ligne suivie par plusieurs pays arabes, à commencer par l’Égypte. Mais, quand on voit les préconisations suggérées dans ce rapport, on voit qu’on est loin d’une attitude offensive vis-à-vis des Frères musulmans.
S’il y a bien quelqu’un en France qui a alerté sans relâche contre le danger islamiste, c’est bien Boualem Sansal, avec ses romans et ses essais. La France devrait rendre hommage à sa lucidité !
LC : On avait l’impression, 2 ou 3 mois après le début de l’incarcération de Boualem Sansal, que l’Algérie pouvait à un moment craindre le pourrissement de la situation et regretter de l’avoir provoquée. Mais aujourd’hui, quand on voit d’une part la poursuite de sa politique, quand on voit comment elle maltraite la procédure judiciaire et le droit à la défense sans aucune honte, et d’autre part ce qu’on perçoit peut-être comme une sorte de fatigue dans les soutiens populaires à Boualem Sansal, l’Algérie n’est finalement peut-être pas gênée par ce pourrissement de la situation ? Il est vrai que les soutiens politiques se sont renforcés par les votes aux parlements européens et français, mais ne peut-on craindre un essoufflement des soutiens ?
JPL : Tous les pouvoirs totalitaires savent que leur meilleur allié est la durée. Ceci dit, en France et en Allemagne, il y a des mobilisations diverses. Ces jours-ci, Matthias Fekl, un ex-député et ex-ministre, a publié une très bonne tribune. En France, se sont tenues de multiples rencontres avec le public. Nice, dernièrement à Compiègne, Strasbourg, et bien d’autres villes. Bientôt Cannes. Une importante délégation s’est rendue devant l’ambassade d’Algérie sans avertissement préalable afin de ne pas se heurter à une interdiction de la police. Le Comité de soutien à Boualem Sansal fait tout ce qu’il peut pour que justement, il n’y ait pas essoufflement.
Le Parlement européen s’est positionné en faveur de Sansal, mais cela ne s’est pas encore traduit en actions des gouvernants européens.
LC : Au sujet du Village de l’Allemand qui effectivement traite de la Shoah, à laquelle l’Allemagne est très sensibilisée, c’est aussi le cas d’Israël : que pensez-vous du soutien à Boualem Sansal que l’on trouve en Israël ?
JPL : Justement, quelques temps après qu’il ait écrit ce livre, le Festival international des écrivains de Jérusalem en avait fait son invité d’honneur au mois de mai 2012. Sansal avait accepté de s’y rendre, ce qui était, en soi, extraordinaire. Jamais un écrivain algérien ne s’était rendu, publiquement, en Israël. Car – Sansal me l’avait appris lui-même – des intellectuels algériens étaient venus en Israël de manière dissimulée, en passant par la France, avec des visas sur des papiers volatiles. Mais pour lui, à partir du moment où il acceptait de venir au Festival, c’était forcément public.
D’ailleurs, au même moment, se tenait à Paris le prix du roman arabe, financé par les ambassadeurs du monde arabe. Cette année-là, le jury qui était plus ou moins indépendant et dans lequel Tahar Ben-Jelloun siégeait, avait choisi de primer Le village de l’Allemand. Au lendemain de la participation de Sansal au Festival de Jérusalem, les ambassadeurs refusèrent de lui verser la récompense du Prix.
À cette époque, j’étais en train de tourner mon film « Israël, le voyage interdit ». Boualem Sansal, qui était déjà mon ami, avait accepté d’être filmé. On a tourné la scène sur une petite esplanade surplombant le Kotel[5] de laquelle on a un point de vue extraordinaire sur le Mont du Temple. Il fut complètement bouleversé et saisi en s’approchant de cet endroit. L’entretien fut formidable. Se premiers mots :
Comment aurais-je pu imaginer être là quand on sait qu’en Algérie, le nom Israël n’est jamais prononcé ? Depuis l’indépendance en 1962, aux informations radio ou télé, c’est toujours ‘l’entité sioniste’, ou ‘la puissance occupante’. On ne dit jamais le nom d’Israël.
Boualem Sansal dit des choses très importantes dans cet entretien, sur cette perspective d’anéantissement et de négation, mais aussi sur sa propre relation à Israël :
Et d’abord, j’aime Israël… Mais ce n’est pas idéologique. Si je n’aimais pas, je ne serais pas venu.
Aussi combien ai-je été peiné et révolté de constater que la session de cette année 2025, tenue du 19 au 22 mai, toujours dans le même cadre magnifique du quartier de Mishkenot Sha’ananim, le premier quartier construit à l’extérieur des murailles de la vieille ville de Jérusalem par Sir Moses Montefiore – un grand mécène juif anglais du 19ème siècle – n’avait rien prévu concernant l’emprisonnement de Sansal.
J’ai pris contact, non sans mal, avec la nouvelle équipe du Festival pour leur parler de Boualem Sansal. Ils ne voulaient rien entendre et apparemment, ne savaient même pas de qui il s’agissait. L’équipe de direction avait complètement changé par rapport à celle de 2012, en plus mal. J’ai essayé de leur expliquer qui était Sansal, de leur montrer qu’il correspondait bien à la vocation universelle du Festival.
Des écrivains de différents pays avaient été invités. L’ouverture s’était faite avec Bernard-Henri Lévy et la clôture avec Michel Houellebecq. Celui-ci a même reçu le prix « Jérusalem » dès l’ouverture du Festival. L’avant-avant-dernier roman de Houellebecq, Soumission, faisait justement la description d’une France petit à petit complètement islamisée, comme ce que l’on voit en France aujourd’hui.
J’avais imaginé que justement Houellebecq pourrait constituer un pont avec le soutien à Boualem Sansal. Il a écrit un livre consacré au problème l’islamisme alors que Sansal y a consacré toute sa littérature. Sansal étant édité par la maison d’édition française la plus prestigieuse, Gallimard, je ne pouvais m’imaginer que le Festival des écrivains de Jérusalem, qui se dit tourné vers la littérature du monde entier, ne dise rien de son emprisonnement.
La jeune directrice artistique du festival, Julia Fermentto-Tzaisler, qui n’a écrit qu’un seul roman, m’a répondu tout de suite : « niet ». Je ne demandais qu’une intervention de 4 minutes en ouverture du Festival pour rappeler simplement qu’un écrivain franco-algérien que ce même festival avait mis à l’honneur en 2012 était emprisonné.
Ce rappel se serait très bien intégré au début de l’intervention de Bernard-Henri Lévy, en tant qu’écrivain français lui aussi né en Algérie, ou de celle de Michel Houellebecq, qui avait pris position pour Sansal. Mais la réponse était catégorique : non.
Le Festival des écrivains de Jérusalem 2025 a catégoriquement refusé d’évoquer l’emprisonnement de Boualem Sansal qui avait pourtant été son invité d’honneur en 2012. Le dernier jour du Festival, le 22 mai, je m’y suis rendu avec Ziva Postec[6] pour assister à la conférence de clôture : un entretien avec l’écrivain Michel Houellebecq.
Je pris contact avec la directrice artistique Julia Fermentto-Tzaisler qui maintint son refus sans la moindre explication. J’ai alors dit que j’en parlerai moi-même ce qui provoqua une certaine panique. Je leur montrai le texte que je voulais lire, ou que quelqu’un d’autre aurait pu lire puisqu’il était traduit en anglais. Et alors on m’assura que j’aurai la parole à la fin de l’entretien avec Houellebecq. Or, à la fin la séance fut close sans me donner la possibilité d’informer le public au sujet de Sansal.
À ce jour, je n’arrive pas à comprendre cette obstination, de la part de cette directrice du Festival international des écrivains de Jérusalem. Je leur avais pourtant fourni tous les arguments et les informations possibles.
Paradoxalement, le jour même de cette conférence de clôture, Sansal venait d’être désigné lauréat 2025 du Prix mondial Cino Del Duca, un prix très généreux de 200 000 Euros[7].
Je m’interroge, je suis scandalisé, je suis outré. J’ai écrit une lettre ouverte au directeur de l’association organisatrice du festival, Mishkenot Shaananim, lettre qui restée sans réponse à ce jour.
LC : Quand on voit comment, de manière complètement incompréhensible et absurde, ce Festival des écrivains de Jérusalem refuse d’évoquer l’emprisonnement de Boualem Sansal alors que sont invités Bernard-Henri Lévy et Michel Houellebecq. Quand on voit que le Festival de Cannes a aussi refusé de se prononcer. Quand on constate que dans les parlements européen et français, une part non-négligeable des députés refusent d’exiger la libération d’un écrivain, alors que par ailleurs, ils disent soutenir les causes pour la liberté. Est-ce que, comme le soutien à Israël attaqué cruellement par le Hamas est devenu « radioactif » dans certains milieux, de même, le soutien à Boualem Sansal ne serait-il pas devenu « radioactif » ?
JPL : Oui, il y a bien sûr de cela. Je disais plus haut que Bat Ye’or avait démontré, documents à l’appui, dès les années 1970, que l’Europe avait vendu son âme. Contre le pétrole qu’elle allait recevoir, elle allait devoir soutenir les Palestiniens.
Cette ‘radioactivité’ n’est qu’une variante réactivée par toute cette campagne internationale contre la famine et le génocide…
Les gens comme Boualem Sansal peuvent apparaître, de par sa détermination à expliquer à l’Europe ce qui allait lui arriver, comme impossibles à soutenir. On voit aujourd’hui le terrorisme, les meurtres, qui se produisent presque quotidiennement dans tous les pays européens. L’Allemagne, la France, la Suède…

Cela provient du fait que l’Europe, d’une certaine manière, a été achetée par le Qatar. Le Qatar, qui achète tout, même les équipes de football, est le principal soutien des Frères musulmans dans le monde arabe et musulman.
Effectivement, on peut dire que le sujet ‘Sansal’ c’est radioactif. Mais je ne pense pas que ce soit la raison du refus du Festival des écrivains de Jérusalem. En ce qui les concerne, je pense qu’il s’agit d’ignorance crasse. Mais je ne comprends pas pourquoi ils se sont entêtés une fois que je leur ai apporté l’information, au moins 10 jours avant le début du festival, et alors qu’ils avaient tout le temps de se renseigner, de vérifier mes dires, notamment quant au fait qu’il avait été invité d’honneur en 2012.
Si leur refus était motivé par une position idéologique, ce serait très grave. Ce n’est pas à exclure, mais je ne le crois pas.
LC : Que peut-on suggérer aux lecteurs qui voudraient agir en faveur de Boualem Sansal ?
JPL : On peut toujours souscrire au Comité international de soutien par courriel et participer financièrement[8]. Boualem Sansal avait de très bonnes relations avec l’écrivain israélien David Grossman qui avait fait partie de cette démarche de soutien en Allemagne[9].
La seule manière de combattre la stratégie du pourrissement visée par le pouvoir algérien, c’est d’en parler, de donner l’information afin que de plus en plus de gens manifestent leur solidarité. C’est pour cela que, cette occasion manquée du Festival des écrivains de Jérusalem est malheureuse.
Malheureusement, ni Bernard-Henri Lévy, ni Michel Houellebecq ne se sont exprimés à son sujet. Ils auraient pu pourtant. Il est vrai qu’ils avaient été invités pour parler de leur littérature, mais ils auraient pu évoquer le sujet. Bien dommage.
LC : Merci beaucoup Jean-Pierre Lledo.
Pour soutenir la libération de Boualem Sansal, https://www.helloasso.com/associations/comite-de-soutien-international-a-boualem-sansal/formulaires/1
Pour adhérer au comité de soutien : envoyer un courriel à soutien.boualemsansal@gmail.com
–
[1] Le 24 juin, lors de l’audience devant la Cour d’appel d’Alger qui a duré environ 20 minutes, le Parquet a requis 10 ans de réclusion à l’encontre de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Le verdict sera rendu le 1er juillet.
[2] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/PV-10-2025-01-23-ITM-008-03_FR.html
[3] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/scrutins/1570#groupeLFI-NF
[4] Environ 3300 Euros.
[5] Le Mur occidental.
[6] Chef-monteuse du film de Lanzmann « Shoah », elle avait participé à l’entretien avec Sansal en 2012 en tant que productrice et chef-monteuse du film « Israël, le voyage interdit ».
[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_mondial_Cino-Del-Duca
[8] soutien.boualemsansal@gmail.com