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Indignation sélective, encore et toujours

Hervé s'interroge sur l'absence d'indignation devant les pays qui interdisent leur territoire aux détenteurs d'un passeport israélien

La décision unilatérale du président Donald Trump d’interdire, pendant trois mois, l’entrée aux États-Unis des ressortissants de sept pays majoritairement musulmans (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen) est condamnable, tant du point de vue diplomatique que du point de vue humain.

Cette mesure est trop brutale et ses conséquences sont souvent dramatiques pour nombre de résidents étrangers vivant aux États-Unis qui se sont soudainement retrouvés bloqués dans des aéroports, dans l’impossibilité de monter à bord d’avions devant les ramener chez eux.

Mais cette initiative du nouveau président est surtout contestable pour son manque d’efficacité. Aucun des terroristes qui commirent le pire attentat terroriste qu’aient connu les États-Unis, le 11 septembre 2001, n’était originaire des pays visés par la décision de Donald Trump.

Ils étaient, dans leur majorité, natifs du Royaume d’Arabie Saoudite. Pourquoi ce pays n’a-t-il pas été inclus dans la liste ? Faut-il rappeler également que la plupart des actions terroristes qui ont endeuillé les États-Unis depuis une vingtaine d’années ont été l’œuvre de citoyens étasuniens ? A-t-on déjà oublié Oklahoma City?  
Le décret présidentiel n’empêchera jamais un ressortissant ou un résident US de perpétrer de tels actes sur le territoire des États-Unis.

On peut aussi mettre en question la logique qui a poussé Trump à inclure l’Irak dans sa liste noire. Ce pays est un allié-clef de son pays dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Cinq mille militaires étasuniens sont présents sur le sol irakien afin d’aider l’armée irakienne à venir à bout de la peste noire qui tient encore Mossoul, la seconde ville du pays, et une grande partie du territoire.
Je ne suis pas certain que l’inclusion de l’Irak dans la liste présidentielle puisse renforcer la cohésion et l’efficacité de l’alliance contre le pseudo État islamique.

Il est aussi une autre question qui semble avoir échappé à tous ceux qui hurlent contre le décret présidentiel. Depuis des décennies, l’Algérie, le Bangladesh, le Brunei, l’Irak, l’Iran, le Koweït, le Liban, la Libye, la Malaisie, le sultanat d’Oman, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, le Soudan, la Syrie et d’autres interdisent l’accès à leur territoire aux porteurs de passeports israéliens.

Ils interdisent même cet accès aux détenteurs d’autres passeports dans lesquels figureraient des tampons de l’État hébreu (fort heureusement, l’immigration israélienne a depuis longtemps cessé de tamponner les passeports étrangers, se contentant de remettre un coupon informatisé aux voyageurs entrant dans le pays, qui est ensuite repris à la sortie !);

Cette scandaleuse pratique n’a jamais été dénoncée par qui que ce soit et surtout pas par ceux qui feignent aujourd’hui l’indignation face à la décision de Donald Trump. Précisons qu’Israël n’interdit pas l’accès de son territoire aux porteurs de passeports des pays précités, même si des examens approfondis sont effectués, au cas par cas, pour les demandes de visas d’entrée, venant de citoyens de pays avec lesquels il est encore en état de guerre.

M’étant souvent rendu au Bangladesh, je me rappelle encore mon incompréhension lorsque j’ouvris pour la première fois  un passeport de ce pays: il y était écrit en toute lettres, sur la première page intérieure du document, que « ce passeport n’est pas valide pour Israël » ! Y a-t-il le moindre contentieux entre Israël et le Bangladesh ? Israël a-t-il jamais mené une politique hostile aux intérêts de ce pays ? Non. Mais par « suivisme » islamique, le Bangladesh se solidarise de la « Palestine » et nie l’existence même de l’État hébreu. L’Indonésie ou la Malaisie, sans parler du Pakistan font de même.

C’est triste, vraiment. Les pays musulmans non arabes pourraient au contraire jouer un rôle modérateur dans le conflit israélo-palestinien. Malheureusement, ils font souvent de la surenchère et ont tendance à vouloir être « plus royalistes que le roi » !

Pour ma part, avant de m’associer au concert de dénonciations visant l’initiative de Donald Trump, je préfère attendre le jour où cette indignation universelle visera aussi les mesures de ségrégation anti-israélienne mises en place depuis tant d’années par la plupart des États arabo-musulmans.

à propos de l'auteur
Hervé Cheuzeville est diplômé de l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris. Il est basé à Bastia, en Corse et a vécu et travaillé en Afrique de 1989 à 2013, toujours dans l'humanitaire, après avoir œuvré en Asie du Sud-Est. Il est l’auteur de "Kadogo, Enfants des guerres d’Afrique Centrale" (Ed. l’Harmattan, 2003), de "Chroniques Africaines de guerres et d’espérance" (Ed. Persée, 2006), de "Chroniques d’un ailleurs pas si lointain – Réflexions d’un humanitaire engagé" (Ed. Persée, 2010) et de "Au fil des chemins - Afrique, Asie, Méditerranée"(Edilivre, 2013). Les deux tomes de son ouvrage suivant, "Des royaumes méconnus", sont parus chez Edilivre: le premier est consacré à 6 royaumes d'Asie, le second à 12 royaumes africains. En mars 2017, les Editions Riqueti ont publié son dernier ouvrage, "Prêches dans le désert", qui constitue un véritable réquisitoire contre l'islamisme politique, le terrorisme islamiste et le parti pris propalestinien des grands médias. Ce livre a été suivi par "Nouveaux Prêches dans le désert" publié en 2020 aux Edizione Vincentello d'Istria. Entre temps, il avait publié, chez ce même éditeur "Rwanda, vingt-cinq années de mensonges". Hervé Cheuzeville a en outre contribué à deux ouvrages collectifs: "Corses de la diaspora" en 2018, sous la direction du Professeur Jean-Pierre Castellani (Scudo Editions) et "Chypre, 1974-2024, 50 ans d'occupation turque", sous la direction de l'historien Charalambos Petinos.
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