Impossible Union nationale

L’idée est dans l’air du temps : former un gouvernement d’union nationale avec l’entrée des partis centristes – Yesh Atid de Yaïr Lapid et Le camp de l’Etat de Benny Gantz – à la place des formations extrémistes de Bezalel Smotricht et d’Itamar Ben Gvir.

Le projet a tout pour séduire : un tel gouvernement mettrait fin à la crise actuelle, renouerait des relations confiantes avec les Etats-Unis, préparerait un accord avec l’Arabie saoudite, rassurerait les investisseurs…

Une majorité d’Israéliens, inquiets de la tournure des événements, pourrait se dégager pour soutenir une telle solution. D’ores et déjà, des personnalités politiques se sont prononcées dans ce sens : le député Eléazar Stern du parti Yesh Atid et Matan Kahana du Camp de l’Etat. Ce dernier a même proposé tout un plan qui verrait le Premier ministre, Binyamin Netanyahou, conduire ce gouvernement d’union nationale pendant deux ans puis démissionner.

Les chefs de leurs partis se sont empressés de prendre leurs distances avec ces propositions. Yaïr Lapid a déclaré : « Je n’y pense même pas, ce ne serait pas un gouvernement d’union, ce serait juste un autre gouvernement Netanyahou… Je serais vraiment content de voir un vrai gouvernement d’union ici, mais pas avec Netanyahou parce que ça ne marcherait pas ».

Une fois n’est pas coutume, son rival Benny Gantz est d’accord avec lui. Il sait de quoi il parle. Engagé dans un gouvernement de ce type avec Binyamin Netanyaou en 2020-2021, il n’a pas accédé au poste de Premier ministre aux termes d’un accord de rotation que le leader du Likoud n’avait jamais eu l’intention de respecter.

L’actuel Premier ministre est ainsi un obstacle de taille à la formation d’un gouvernement d’union nationale. Il y en a bien d’autres. Au sein de Yesh Atid, certains ne seraient pas enthousiastes pour rejoindre un gouvernement dominé par le Likoud. D’autant qu’au sein de l’opposition, on veut ménager les dirigeants du mouvement de protestation (contre la réforme judiciaire) souvent plus radicaux que les partis politiques qui les soutiennent.

Last but not least, rien ne dit que tous les députés du Likoud seraient prêts à faire le sacrifice de la réforme judiciaire. Yariv Levin, le ministre de la Justice, a renforcé sa position au sein de son parti, et entend bien poursuivre ce qui resterait dans l’histoire comme la « réforme Levin ».

Plus encore, nombre d’élus du Likoud sont bien plus proches des idées de Bezalel Smotricht et d’Itamar Ben Gvir que de celles des partis d’opposition.

En d’autres termes, un gouvernement d’union nationale, ce n’est pas pour demain.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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