Featured Post

Importante conférence de Moscou contre l’antisémitisme

Eric nous donne une leçon sur les fondements de l'antisémitisme

Les 1er et 2 novembre, Moscou était au centre de la lutte contre l’antisémitisme.

Le Congrès Juif Mondial, le Congrès Juif Russe et le Gouvernement de Moscou sont les organisateurs de la première conférence internationale à Moscou pour le combat contre l’antisémitisme (Protecting Future on combating Anti-Semitism)

La seule organisation française invitée était « l’Union des Peuples pour la paix » dont je suis le Directeur Exécutif et l’Imam Hassen Chalghoumi, le Président.

Voici le texte de mon intervention traduite en français :

Mesdames et messieurs

Je souhaite tout d’abord vous remercier de m’avoir invité à parler devant vous de l’antisémitisme.

Venant de France, je ne parlerai que de ce pays.

En première partie, je vous donnerai quelques chiffres bruts qui pourront nous éclairer sur la situation de l’antisémitisme en France puis, j’essaierai de les commenter, et enfin je vous dirai pourquoi je pense qu’une partie de la communauté juive se trompe de solution pour éradiquer l’antisémitisme.

Eric Gozlanmoscou-2016

La France compte près de 67 millions d’habitants. Un peu plus de 5 millions de musulmans et environ 500 000 juifs. Ce qui fait que la France a la plus grande communauté musulmane et juive d’Europe.

Voyons maintenant les chiffres de l’antisémitisme en France

En 2015 ont été commis en France 808 actes antisémites. Je vous rappelle que 2015 est l’année de l’attentat contre l’Hyper Casher.

Nous observons que pour la première fois, l’antisémitisme en France a atteint un niveau extrêmement élevé indépendamment de tout conflit armé au Proche Orient.

Si les Juifs représentent moins de 1 % de la population totale, ils sont la cible à eux seuls de 40 % des actes racistes commis en France et de 49 % des violences racistes aux personnes.

Ainsi en France, en 2015, en moyenne, 2 actes antisémites sont recensés par la police chaque jour.

Ce chiffre de 808 actes antisémites n’est qu’une suite logique aux chiffres des années précédentes.

À chaque fois, un lien avec des éléments d’actualité, bien souvent au Proche-Orient, a été observé

Le début des années 2000 (avec la Seconde Intifada) a marqué un revirement dans les actes antisémites, qui diminuaient jusqu’alors régulièrement.

L’année 2004 reste à l’heure actuelle la plus marquée par les actes antisémites, avec 970 actes recensés (contre 601 l’année précédente).

En 2009, la tendance vers une recrudescence de la violence à caractère antisémite est partiellement liée à l’offensive de l’armée israélienne (opération plomb durci)

La France aime les sondages et nous pouvons apprendre beaucoup de la situation des juifs grâce à ces derniers :

En juillet 2015, soit avant les attentats meurtriers du 13 novembre du Bataclan et des cafés autour était publiée une étude qui nous apprenait que pour

56 % des sondés, les juifs ont beaucoup de pouvoir et que les juifs sont plus riches que la moyenne

41 % des sondés estiment que les juifs sont un peu trop présents dans les médias

60 % des sondés pensent que les juifs ont une part de responsabilité dans la montée de l’antisémitisme

Les résultats sont plus flagrants encore chez les interrogés se définissant comme musulmans : 74 % jugent que les juifs ont beaucoup de pouvoir, et 67 % qu’ils sont trop présents dans les médias.

Chez les répondants se disant juifs, 67 % estiment que l’antisémitisme « a beaucoup augmenté » au cours des cinq dernières années, au point de devenir leur principale préoccupation, loin devant le chômage. Ils sont 11 % à affirmer avoir été personnellement victimes d’une agression antisémite au cours de l’année.

En 2016, pour les 10 ans de l’assassinat d’Ilan Halimi, l’Union des étudiants juifs de France a commandé un sondage.

Voici les résultats à trois questions

Les juifs utilisent-ils aujourd’hui dans leur propre intérêt leur statut de victimes du génocide de la deuxième guerre mondiale ? : 32 % sont d’accord, 45 % ne sont pas d’accord et 23 % ne savent pas

Les juifs sont-ils plus riches que la moyenne des Français ? 31 % sont d’accord, 46 % ne sont pas d’accord et 29 % ne savent pas

Les juifs ont-ils trop de pouvoir dans l’économie et les finances ? 24 % sont d’accord, 46 % ne sont pas d’accord et 30 % ne savent pas

Le sentiment des juifs de France

Au vu de ces enquêtes, la communauté juive a peur. En effet, de nombreux témoignages vont dans le sens qu’un climat très pesant pèse sur la communauté juive. Les juifs évitent d’afficher leur judaïté. Ils cachent leur maguen David, n’osent plus se promener avec une kippa ou mettent la mezzouza à l’intérieur de leur appartement.

Nombre d’enfants ont dû quitter les écoles publiques pour les écoles juives même si dans beaucoup de cas, la pratique religieuse n’était pas le motif.

Voyons maintenant qui sont les antisémites en France.

Afin d’illustrer cette partie, je souhaite revenir sur le 26 janvier 2014

Le 26 janvier 2014, au cours d’une manifestation anti-Hollande, des propos racistes et antisémites furent scandés par la foule : « Juif, la France n’est pas à toi ! », « Juifs, hors de France ! « Juifs, n’en veut pas »

Ces cris de haine ont été vociférés par des groupuscules d’extrême droite, des catholiques intégristes, par l’extrême gauche et certains jeunes issus de l’immigration nord-africaine.

Les catholiques intégristes

À force de penser aux actes anti-juifs se réclamant de l’islam, on en oublie la vieille vindicte anti-juive distillée par le christianisme pendant des siècles, et qui continue d’être enseignée dans certaines écoles confessionnelles qui ne reconnaissent pas Vatican 2

Pour expliquer les cris de haine du 26 janvier 2014, l’hebdomadaire français catholique « le Pèlerin » a écrit : « le vieillissement des chrétiens de gauche a laissé le champ libre aux catholiques d’identité »

On peut observer qu’il existe une alliance entre les catholiques intégristes et l’extrême-droite.

La deuxième chaîne de télé française avait déjà enquêté en 2010 sur cette alliance. L’enquête, en caméra cachée était consacrée au fonctionnement d’un groupuscule d’extrême droite basée à Bordeaux, ‘Dies Irae’, dont les jeunes membres, souhaitaient se préparer à la guerre civile par un entraînement de type militaire, et par le noyautage de la société civile

Dans ce même reportage on y voit notamment des enfants faisant part de leur haine des Juifs, qu’ils justifient par l’Evangile, et y chanter Auschwitz, ce « camp magique où les douches sont gratuites ».

L’extrême-droite

Nous assistons en Europe et en France à un retour du nationalisme sur la scène politique. Pour ces extrémistes, les juifs sont soupçonnés d’être un vecteur de destruction d’identité nationale.

L’extrême-gauche

Pour une certaine gauche, l’antisémitisme est de nature économique. Le Juif n’est plus le meurtrier du Christ, ni le représentant d’une race inférieure, mais le banquier souverain, brasseurs d’affaires.

Dans les manifestations pro-palestiniennes, des banderoles portant l’inscription « Gaza, la nouvelle Shoah » ne gênent pas les leaders de l’extrême-gauche présents. Le discours de l’extrême-gauche est simpliste : Israël est un état colonialiste donc un état où règne l’apartheid donc le sionisme est une forme de colonialisme, le colonialisme c’est du racisme donc les juifs sont des racistes et sont comme des nazis

Les musulmans

Le conflit israélo-palestinien bénéficie depuis de longues années d’une sur-médiatisation. La conséquence de cette visibilité constante, c’est que bon nombre de jeunes musulmans s’identifient aux Palestiniens perçus par la presse comme les victimes

L’amalgame entre la cause palestinienne et la cause musulmane est un facteur d’antisémitisme. Certains pro palestiniens se sont, consciemment ou non, transformés en défenseurs du Hamas ou en compagnons de route des jihadistes, qui ne distinguent pas les Juifs des sionistes. C’est pourquoi nous avons assisté au cours des manifestations pro-palestiniennes à des attaques contre des lieux de culte juifs.

Pour illustrer cet amalgame, il suffit d’écouter les slogans scandés dans les manifestations pro-palestiniennes : « Paix en Palestine », « Stop au génocide de Palestiniens », « Stop au terrorisme juif hitlérien », « Juifs au four », « mort aux juifs »

Certains musulmans sont à la fois antisémites et négationnistes. Pour eux, les juifs sont tellement retors qu’ils étaient capables d’inventer l’extermination de leurs parents et grands-parents par les nazis dans le seul but d’alimenter leur appétit de domination sur la terre de Palestine

Le complotisme

Une nouvelle forme d’antisémitisme renaît : le complotisme. Le complotisme est partout : pour ses adeptes, les juifs sont à l’origine de tous les maux de la terre. Cette forme d’antisémitisme n’est pas nouvelle : déjà au XIXe siècle était écrit un pamphlet par Henri Gougenot des Mousseaux : le juif, le judaïsme et la judaïsation des peuples chrétiens

Après les attentats du 11 septembre, les théories du complot renaissent. Ainsi, le 17 septembre 2001 la télévision libanaise Al Manar (chaîne du Hezbollah à Beyrouth) affirmait que les attentats étaient l’œuvre du Mossad

Malheureusement comme nous l’avons vu en regardant de près les sondages l’antisémitisme n’est plus l’apanage des extrémistes.

Il y a quelques jours un candidat à la primaire de la droite modérée en France a déclaré « La proximité d’Hillary Clinton avec les super-financiers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l’Europe et la France ». Cet homme politique n’a pas été exclu de son parti et les critiques ont été très molles.

Pour conclure, je voudrai vous dire pourquoi les juifs de France se trompent quelquefois d’adversaires dans leur combat contre l’antisémitisme.

Les juifs se trompent quelquefois d’adversaires

Vous avez tous entendu parler de l’affaire du burkini au mois d’aout dernier. Beaucoup de membres de la communauté ont crier au scandale en disant que la France n’est plus la France si des femmes se baignent en burkini. La réaction de certains politiques, pas seulement des extrémistes a été simple : on ne veut plus de signe de religion dans la rue, donc pas de foulards, et pas de kippas.

Plusieurs femmes juives religieuses se sont vu interdire de baignade au motif qu’elles portaient une robe et avaient la tête couverte.

De plus en plus de juifs sont attirés par le Front national de Marine Le Pen, les derniers sondages montrant que plus de 14 % voteraient pour cette dernière. Ils ne comprennent pas que Le Pen au pouvoir c’est la fin de l’abattage rituel, la fin de la kippa et le danger de l’extrême droite.

Je souhaite terminer par une note positive. Je suis venu à Moscou avec l’imam Chalghoumi , mon frère de combat. Combat contre le racisme, combat contre l’antisémitisme. Ensemble nous parcourons le monde pour montrer que vivre ensemble est possible. Ensemble, nous tentons de convaincre que la haine ne sert à rien et que l’éducation, la culture et le dialogue sont les meilleurs médicaments contre cette maladie qu’est le racisme et l’antisémitisme ;

L’histoire nous a appris que lorsqu’on s’attaque à une minorité, les autres minorités seront elles aussi agressées quelque temps après, c’est pour cela que les juifs et les musulmans modérés (qui sont la majorité d’entre eux) doivent s’unir pour combattre le racisme et l’antisémitisme.

Je vous remercie de votre attention.

à propos de l'auteur
Eric Gozlan est co-directeur de l'International Council for Diplomacy and Dialogue . il est Conseiller diplomatique de plusieurs gouvernements Son dernier ouvrage est : Extrémisme et radicalisme : pistes de réflexion pour en sortir. Éric a toujours été intéressé par le social et les relations intrernationales. Il a été nommé il y a peu par le roi des Roms ambassadeur de sa cause pour la France et a reçu la médaille de la paix en Roumanie et celle de la Belgique Il a participé à de nombreux colloques sur la paix en Corée, Russie, Etats-Unis, Bahreïn, Belgique, Angleterre, Italie, Roumanie… Eric Gozlan écrit dans plusieurs revues dont le Nouvel Observateur en France, Times of Israël en Israël et a publié dernièrement, suite à une demande du Vatican, une étude sur l’apostasie dans le Judaïsme
Comments