Humiliation à Washington

Le président américain Donald Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, à Washington, le 7 avril 2025. (Crédit : Saul Loeb/AFP)
Le président américain Donald Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, à Washington, le 7 avril 2025. (Crédit : Saul Loeb/AFP)

Benjamin Netanyahu est rentré bredouille. Pire, humilié, mais il l’a bien caché. Deux jours à Washington pour s’entendre signifier par le président Donald Trump que désormais, c’était dans la capitale américaine que se faisait la politique moyen-orientale. Les autorités israéliennes seront informées mais pas plus.

Sur l’Iran, il a confirmé qu’il entendait donner la priorité à la voie diplomatique, et non pas militaire comme le souhaitait le Premier ministre israélien. On apprendra par la suite que son envoyé spécial à tout faire, Steve Witkoff, pourrait même se rendre dans la capitale iranienne. Benjamin Netanyahu dira le lendemain à ses ministres qu’il était au courant. Mais le secrétaire du gouvernement, Yossi Fuchs, avait affirmé la veille que son Premier ministre avait été pris au dépourvu par l’annonce du président américain : il était au courant, mais « il ignorait que ces négociations auraient lieu » si vite : dès le 12 avril.

En d’autres termes, le chef du gouvernement israélien avait été informé, mais pas complètement. Le président américain lui a fait aussi savoir qu’il aimerait bien que la guerre à Gaza se termine rapidement. L’irremplaçable Steve Witkoff au cours d’un entretien avec Benjamin Netanyahu, dès son arrivée, lui avait rappelé que pour l’administration américaine, la libération des otages restait une priorité.

Comme si cela ne suffisait pas, le président américain a souligné qu’il avait d’excellentes relations avec son homologue turc, le « très intelligent » Recep Tayyip Erdogan. Il révélera aux journalistes dans le bureau ovale :

J’ai dit au premier ministre : Bibi, si vous avez un problème avec la Turquie, je pense vraiment que je vais pouvoir le résoudre.

Plus encore, le président américain a rapporté qu’il avait dit à l’autocrate rêvant d’un nouvel empire ottoman :

Félicitations… vous avez vous avez fait ce que personne n’avait pu faire en 2 000 ans. Vous avez pris le contrôle de la Syrie.

Ce qui implique qu’Israël doit désormais s’accoutumer à vivre avec un État pro-turc à sa frontière orientale.

Last but not least, à la demande de Benjamin Netanyahu de lever les nouveaux droits de douane à 17% sur les produits israéliens importés aux États-Unis, Donald Trump a répondu par la négative en justifiant son refus :

Nous donnons à Israël 4 milliards de dollars par an, c’est beaucoup.

Une façon de signifier que l’État juif n’a pas à se plaindre et ne devrait plus obtenir d’autres privilèges.

Comme les autres pays, Israël bénéficiera du sursis de 90 jours pour l’application des nouveaux tarifs douaniers décidé par le président américain. Une volte-face qui pourrait en annoncer d’autres. Et pas forcément à l’avantage d’Israël.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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