Hommage à David Gritz tué il y a 18 ans dans l’attentat de l’université hébraïque de Jérusalem

L'Université hébraïque sur le mont Scopus, à Jérusalem. Illustration. (Crédit : Leeor Bronis/Times of Israel)
L'Université hébraïque sur le mont Scopus, à Jérusalem. Illustration. (Crédit : Leeor Bronis/Times of Israel)

Hommage à David Gritz, tué il y a dix-huit ans dans l’attentat de la cafétéria de l’université hébraïque de Jérusalem (31 juillet 2002). David avait vingt-quatre ans. Il succomba sous les yeux d’un ultime témoin, le journaliste et intellectuel Dror Solfer, lequel survivra à ses blessures. 

« EXPLOSION D’ADIEU »

David Gritz z’l, tué il y a dix-huit ans dans l’attentat de la cafétéria de
l’université hébraïque de Jérusalem.

Réfugiés sur la terrasse de la cinémathèque,
Enveloppés dans nos étoles du retour,
De l’exil.
Quand une brise espérée en ce soir estival,
Fit effraction.
Ivresse de la fraîcheur vespérale de la Vieille Ville,
Les murailles face à nous déployaient leur moire théâtrale,
Comme un danseur épiant l’ombre d’un brisé volé ou d’un saut de chat,
Epris du miracle de sa légèreté conquise,
De haute lutte.

Les perles cessèrent soudain d’onduler sur nos cous,
La moiteur du prévisible avait pris congé de nous ;
Vertige doux de l’appréhension,
Qui s’étire, se contracte, ondule, crisse puis se brise,
Tel le chant du muézin zigzaguant en échos,
Sur les âpres parois du mont Scopus.

«Tu devrais le rencontrer,
Il vient d’arriver, voyez-vous à l’université ! »
Soif de ce chatoiement pastel batifolant dans les effluves de jasmin,
De cette courette – puits de lumière au cœur de Rehavia,
De cette aube d’avant,
L’explosion
De l’adieu.

« Demain midi – à l’université. »
Une mise en contact – défiant le hasard balistique,
La trajectoire des écrous,
Des écrins de tes secrets, des surprises de ton sourire,
De l’exil d’un objecteur de conscience,
Et d’une artiste des Balkans,
De ta pochette à dessin d’une bicoque bostonienne ;
De ta chambre d’enfant –
Mausolée baigné des tendres rais,
D’une lumière violemment anodine,
« Une balle dans la tête et… »
Il savait.

Une mise en contact – pour mieux unir deux fils,
De survivants,
Qui exploseront d’adieu le jour de leur première Cène.
Faisant grâce à un ami,
Devenu l’impossible témoin.
Et, d’une queue de billard bien intentionnée,
Laisser s’enchaîner plusieurs coups :
Le fils, le père,
Par ricochet ;
Et, le long de ton archet,
Condamner au désastre sans fin,
Ta Mère,
De toi l’unique.

Tu auras pensé Babylone et Rome,
Les vents glacés de Chicago,
Les ruines criblées de Sarajevo,
Tu auras tracé la splendeur du retour,
Une carte de Yerushalaïm à la main,
De l’explosion émanent encore et encore,
Les particules illuminées,
Du visage de la mère aimée,
Qui baignait ton corps d’enfant,
Ses roulements du « r » venaient mousser tes contes,
Ou faisaient éclore les grains métisses de ta peau.
Et tes yeux noirs repeuplèrent,
Les veinures de la pierre,
Ocre-rose,
De la Maison.

La brise, maintenant, se lève et t’enveloppe du linceul,
Du retour de l’exil,
Toi, danseur, qui fait pour nous revivre,
Le brisé du sens.

à propos de l'auteur
Sarah Fainberg est universitaire et consultante. Ancienne élève de l'ENS de la rue d'Ulm et docteur de l'IEP de Paris, elle a travaillé en Russie et aux Etats-Unis avant de faire son alyah il y a sept ans. Elle enseigne aujourd'hui à l'université de Tel Aviv et l'université de Georgetown à Washington DC.
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