Histoire d’Odessa et de sa population juive
De 1787 à 1791 les cosaques opposés aux Turcs conquirent deux forteresses, l’une tatare et l’autre turque tandis qu’un amiral italien établit à proximité un emplacement donnant sur une baie de la mer noire. Cet ensemble allait constituer la future Odessa avec une très petite population pontique. Catherine II choisit en 1794 le nom d’Odessa pour désigner ce lieu en mémoire de la ville antique grecque d’Odessos qui est l’actuelle Varna en Bulgarie. Le développement d’Odessa est le fruit du gouvernorat du noble français « émigré » Armand Emmanuel du Plessis de Richelieu, de 1814 à 1819. Richelieu fut maire d’Odessa puis Gouverneur de la nouvelle Russie (Russie du sud). Ce gouverneur nommé par Catherine II avait fui la Révolution française. Un autre élément du développement de cette ville a été son statut de port franc de 1819 à 1859.
Le tracé de la ville, ses aménagements, ses infrastructures sont le fruit de la gestion de Richelieu assisté par son beau-frère Louis-Victor-Léon de Rochechouart. Les deux avaient aussi organisé une quarantaine pour sauver la ville du choléra. Le lycée français Richelieu fut créé à Odessa en 1817. Le comte de Langeron (comme eux, aristocrate émigré) devint maire de la ville et créa le journal français : « Le Messager de la Russie Méridionale » lu par l’élite de la ville. Pouchkine disait qu’Odessa avait un parfum européen et l’on y parlait le français. Richelieu aura passé quinze ans en Russie et fut aussi un ami d’Alexandre 1er.
Richelieu avait été chargé de peupler Odessa mais Catherine II ne souhaitait pas y voir affluer une population juive, qui est arrivée principalement de 1783 à 1939. Catherine II, dont le règne s’est terminé en 1796, fut la fondatrice de la zone de ségrégation limitant géographiquement la présence des Juifs dans l’empire Russe et qui est appelée « zone de résidence » ou en anglais « the Pale of Settlement », loin des grandes villes de la Sainte Russie. L’arrivée de la population juive a principalement commencé sous le règne du très libéral Alexandre II, puis de Nicolas II, et après la Révolution.
La « zone de résidence » des Juifs ne fut abolie que le 20 mars 1917 en Russie (à comparer à la date d’abolition du servage en 1861) et incluait géographiquement Odessa (voir le tableau de l’évolution démographique ci-dessous).
La population d’Odessa fut composée d’une forte proportion de Juifs jusqu’en 1939 : maximum 36% en 1926, soit 153 000 Juifs sur les 2 700 000 Juifs d’Ukraine.
De 1941 à 1944 Odessa fut prise par les Roumains, alliés aux Allemands, mais la majorité des Juifs s’étaient enfuis avant leur arrivée vers d’autres territoires de l’URSS et il restait environ 100 000 Juifs dans la ville. Selon « The Jewish Virtual Library » 34 000 Juifs furent exécutés du 22 au 25 octobre 1941. Les autres furent exécutés ou déportés dans des camps en Roumanie où ils moururent de diverses épidémies.
Le « Musée américain de la Shoah » estime le nombre de morts à 100 000 Juifs odessites.
Les chiffres ci-dessous semblent montrer que les Juifs qui avaient fui avant l’invasion roumaine y seraient revenus après la guerre.
Année Population d’Odessa Juifs Pourcentage
1795 20 349 246 1.2
1831 41 700 6 950 16.6
1873 193 513 51 378 26.5
1897 403 815 139 935 34.7
1926 420 862 153 243 36.4
1939 604 217 200 931 33.2
1959 900 000 108 900 12.1
1979* 1 023 800 86 000 8.4
*Forte émigration des Juifs odessites vers Israël dans les années 1970.