Histoire « athée » du peuple d’Israël (3/3)

En 605 av. JC les Babyloniens battirent les Égyptiens et Nabuchodonosor devenu roi de Babylone reprit le contrôle de la Judée qui était à ce moment-là toujours fidèle aux Égyptiens. Nabuchodonosor remplaça le roi de Judée par Sédécias qui se rebella.
Cette rébellion déclencha des pillages et des destructions menés par les Babyloniens dans toute la Judée et à Jérusalem. L’aristocratie et le clergé avaient déjà été exilés lors de la nomination de Sédécias. Le dernier roi de Judée fut tué et le Temple fut détruit. Une partie supplémentaire de la population de Judée fut exilée à Babylone.
Le Pentateuque subit des modifications au cours du temps à la fois à Jérusalem et à Babylone par de nouveaux auteurs dont certains évoquèrent l’exil. On nota un retour progressif des exilés de Babylone en Judée. Les Israélites se firent appelés Yehoud en araméen du nom de Yehouda en hébreu (en latin Juda et Judée). Le judaïsme naissant se concentra sur la Bible et devint une religion.
Un notable israélite français avait demandé sous la Révolution française que le terme « Juif » relatif à la tribu de Juda, soit remplacé par « Israélite » qui est lié aux douze tribus d’Israël c’est-à-dire en hébreu Bnei Israel. Quelques années plus tard, Napoléon Ier créa le Consistoire Israélite de France chargé de gérer les principes religieux de la communauté israélite, et en 1860 fut créée l’importante Alliance Israélite Universelle.
Dans quelques langues étrangères, la référence est faite à l’hébreu pour désigner les Israélites par exemple εβραϊκός (ebraïcos) en grec, ce qui paraît moins clivant que la référence à la seule tribu de Juda.
À Jérusalem, un différend avec les autorités babyloniennes amena des Israélites à se réfugier en partie en Égypte. En 539 av. JC les Perses reprirent l’empire des Babyloniens et Cyrus le vainqueur décida de restaurer la Judée et le Temple. Les exilés rentrèrent en plusieurs vagues en Judée. La construction du Second Temple fut terminée en 516 av. JC.
L’intérêt des Perses, en promouvant les cultes locaux, était de s’assurer de la loyauté de leurs vassaux en laissant une autonomie aux élites locales. Cyrus décida d’autoriser le retour des exilés de Babylone et d’Égypte. Le clergé continua à écrire et modifier le Tanakh afin que les Judéens suivent des règles qui les distinguent des autres peuples et qu’ils s’attachent au Temple en maintenant l’espoir d’une future ère messianique.
Ainsi Shemot (Exode) et Bamidbar (Nombres) ont pu être inspirés par plusieurs exils et retours suivis de la construction de deux Temples.
La Judée resta perse pendant deux siècles jusqu’à sa conquête par Alexandre le Grand en 322 av. JC, puis fut intégrée dans les empires créés par les successeurs d’Alexandre le Grand que furent les Ptolémées d’Égypte et les Séleucides de Syrie.
L’empire Séleucide, du nom d’un des généraux d’Alexandre le Grand, s’étendait de la Syrie à la frontière de l’Inde. L’ensemble des Empires issus d’Alexandre le Grand et de ses généraux s’étendait de la Grèce à l’Inde y compris le Moyen-Orient et l’Égypte, et ont représenté le plus grand ensemble hellénistique comparable au futur Empire romain. L’ensemble des régions sous influence hellénistique permirent une immense extension de la culture grecque.
De l’an 167 à 143 av. JC, une dynastie Hasmonéenne fut établie en Judée qui s’opposa à l’hellénisation des Israélites depuis la révolte des Makabim (Maccabées). Ils reprirent Jérusalem et Temple, et représentaient un courant d’une grande ferveur religieuse par opposition aux Israélites hellénisants. La Judée comprit alors la Samarie, le Golan, Beersheva et Gaza, soit une région plus grande que la Judée davidique.
La conquête de la Judée par le général romain Pompée en l’an 66 av. JC mit fin à son indépendance. Après avoir pris la Syrie, Pompée se vit obligé d’arbitrer une bataille de succession en Judée entre deux princes Hasmonéens. Pompée favorisa le prince Hyrcan II et exila son concurrent Aristobule II.
En l’an 40 av. JC, Hyrcan II perdit son titre de roi de Judée qui devint un protectorat romain. Après deux révoltes du fils d’Aristobule II, le Sénat romain nomma en tant que roi de Judée, « Hérode Ier le Grand de la dynastie des Hasmonéens ». En l’an 40 av. JC. Hérode le Grand, « modifia le Temple en lui donnant un aspect monumental » qui semble correspondre au mur (mur de l’ouest) restant aujourd’hui.
À la mort d’Hérode le Grand en l’an 4 av. JC, la Judée fut divisée par les Romains entre ses trois fils qui perdirent le titre de roi : Hérode Archélaos gouverna une Judée restreinte en tant qu’ethnarque, Hérode Antipas gouverna la Galilée et la région de Galaad en tant que tétrarque, et Hérode Philippe II gouverna la Transjordanie aussi en tant que tétrarque. Des Israélites de Judée et de Samarie se plaignirent de la tyrannie d’Hérode Antipas, à la suite de quoi il fut exilé en Gaule.
La Judée devint finalement une province romaine dirigée par un préfet résidant à Césarée et se rendant à Jérusalem pour les cérémonies officielles.
Les Israélites avaient déjà commencé à se disperser dans le monde gréco-romain en se rattachant à la Bible hébraïque pour définir leur identité commune.
En l’an 66 eut lieu la première révolte judéenne contre les Romains. Les descendants d’Hérode cherchèrent un compromis qui fut rejeté par le grand prêtre de Jérusalem. Ainsi la révolte se transforma en guerre d’indépendance et les Romains furent battus à deux reprises.
En l’an 67, Flavius Vespasien (général romain qui devint empereur) fut chargé de reprendre la Judée. Vespasien commença par reprendre le contrôle du nord de la Judée alors que les Zélotes s’emparèrent de Jérusalem et nommèrent un grand prêtre. Les Zélotes tuèrent les élites et les familles sacerdotales.
Vespasien se dirigea vers le Sud et s’arrêta aux portes de Jérusalem à la nouvelle de la mort de Néron. Vespasien fut élu empereur romain par le Sénat. Sa nomination s’appuya sur ses succès militaires en Bretagne et en Judée. Son fils Titus prit la suite des opérations en Judée. En l’an 70, Titus s’empara de Jérusalem et détruisit le Second Temple. En l’an 73, le nouveau gouverneur romain de Jérusalem réduisit la dernière poche de résistance à Masada.
Malgré cette forte domination romaine, une deuxième révolte judéenne eut lieu contre les Romains de 132 à 135, menée par Bar Kokhba qui projetait de rendre son indépendance à la Judée et de faire rebâtir un troisième Temple.
Les Romains avaient changé le nom de Jérusalem en Aelia Capitolina, où un Temple dédié à Jupiter fut construit. De plus, ils avaient fait interdire la circoncision à tous les peuples. Ces mesures engendrèrent notamment cette deuxième guerre judéo-romaine. La stratégie de Bar Kokhba fut efficace, mais les Romains envoyèrent huit légions qui pratiquèrent la politique de la terre brûlée.
En l’an 135, la révolte se termina par le massacre de ceux qui y avaient participé. En 2023, des épées romaines ont été retrouvées à Ein Gedi qui dataient de cette deuxième guerre.
Des milliers de villages furent détruits par les Romains et de nombreux Judéens furent tués. Aelia Capitolina (Jérusalem) et sa région s’étendant de la Samarie jusqu’à la mer morte et Hébron (Chôra romaine) furent interdites aux Judéens. La population de Jérusalem fut remplacée par des vétérans romains, des Grecs et des Syriens. Après l’an 135, le centre religieux judéen se déplaça en Galilée.
Il est à noter que le nom de Palestine qui signifie terre des Philistins, fut donné à la Judée à titre « punitif » par l’empereur romain Hadrien en raison de la révolte de Bar Kokhba en l’an 135.
La raison fut que les Philistins étaient les pires ennemis des Judéens. Ce nom anachronique et insultant devrait aujourd’hui enfin être changé par la communauté internationale qui en connaît l’origine.
Les Arabes continuent à employer le mot Philistin (traduction arabe de Palestinien). Pourtant dans la tradition juive et chrétienne, le mot de philistin reste péjoratif et assimilé à barbare. Les Philistins sont des peuples d’origine égéenne, anatolienne et chypriotes parlant une langue indo-européenne, et n’ont donc aucun lien avec les Arabes et plus généralement avec les peuples sémitiques.
Selon Hadrien, la Palestine devait d’abord correspondre à une Judée étendue, et à la rigueur le nom de Canaan aurait été plus proche de la réalité que la petite Philistie. Depuis 1948, le nom a changé en « Israël » pour la plus grande partie, mais le nom de Palestine est toujours utilisé.
La majeure partie des Judéens s’exilèrent et renforcèrent la diaspora qui avait déjà commencé progressivement depuis les tentatives d’hellénisation.
Parallèlement, l’expansion du mouvement judéen de Jésus, initialement marqué selon les témoignages de ses disciples par la bienveillance et la tolérance, est devenu, à l’initiative de multiples conciles de l’Église, une religion malveillante et intolérante à l’égard de sa religion d’origine. Le christianisme s’est affranchi des règles rigoureuses du judaïsme pour faciliter le prosélytisme chez les païens.
Lors du concile de Constantinople en 381, l’Église adopta le principe de la Trinité, c’est-à-dire la représentation de Dieu en trois personnes distinctes (Père, Fils et Saint-Esprit) ayant la même substance divine (ou consubstantielle), ce qui s’oppose au monothéisme. De plus, selon le concile de Chalcédoine en 451, Jésus aurait à la fois une nature divine et humaine. Selon le concile de Nicée, l’Église autorisa le culte des images.
Pour les païens convertis, la représentation de Jésus est naturellement celle de Dieu et résout la difficulté d’adopter un Dieu invisible et intangible. À partir du IIIe siècle le culte de Marie (mère de Dieu) vint s’ajouter à ce montage théologique, et fut reconnu au concile de Trente au XVIe siècle. Marie remplit, selon divers historiens, le culte de la déesse grecque Cybèle, mère des Dieux. Dans cette orientation païenne du christianisme, la judéophobie s’est facilement insérée car elle a ouvert la voie à la notion paradoxale de déicide ; car ce Dieu pourtant éternel aurait aussi une nature humaine (par son fils), alors que la consubstantialité trinitaire rend cela impossible.
La religion juive interdit de se mêler aux autres par le mariage, ni de faire du prosélytisme et prône donc un isolement identitaire.
De plus, le Shéol qui ressemble à l’Hadès grec, est un lieu où les âmes tombent dans l’oubli et qui ne donne pas beaucoup d’espoirs sur le devenir après la mort… Le christianisme et l’islam ont créé à la place des Paradis beaucoup plus attrayants pour le prosélytisme.
Cette volonté d’isolement, conjuguée à celle des gentils d’isoler les Israélites – par judéophobie d’abord à cause du très paradoxal péché de déicide, car si l’on peut tuer dieu, c’est qu’il n’est pas dieu – permit au Judaïsme isolé de perdurer jusqu’à nos jours. Par ailleurs, si Dieu est un être humain, cela signifie que tous les êtres humains sont des dieux et cela aboutit à une sorte d’Humanisme universel athée. En fait, on constate aujourd’hui dans les pays occidentaux un accroissement de l’Humanisme athée et une réduction substantielle du christianisme.
Le mouvement judéophobique initié par le christianisme a marqué l’histoire israélite jusqu’à nos jours, et est à présent renforcé par celui de l’islam, en particulier depuis l’indépendance du nouvel État d’Israël.
À partir du XIXe siècle, le mouvement judéophobique a été illustré par des séries de massacres (pogroms), et au XXe siècle la Judéophobie est devenue un racisme pseudo-scientifique d’origine française et allemande. Cette évolution a engendré l’extermination des deux tiers des Juifs européens à l’initiative de l’Allemagne face à l’indifférence des autres peuples.
Au XXe siècle, le mouvement de retour en Israël s’est renforcé mais fut en partie laïque ou athée en raison à la fois de l’évolution intellectuelle et surtout en raison de l’absence constatée du Dieu magique et vénéré alors que les Juifs étaient exterminés.
Depuis 1948, Israël se veut être une nation moderne et démocratique. Toutefois les adeptes de la domination théologique et magique sont représentés à la Knesset (Parlement) de façon croissante et sont un obstacle à l’humanisme indispensable au bon fonctionnement d’une saine démocratie.
Ceci s’explique d’abord parce que la loi permet que la religion sorte de la sphère privée pour s’introduire dans la vie politique. De plus, les Haredim (religieux fervents) sont partisans de familles très nombreuses qui déséquilibrent la démographique et l’aspect initial d’Israël désiré par ses fondateurs.
Les Haredim ne participent que faiblement à la nécessaire croissance économique du pays ainsi qu’à la défense nationale, et sont souvent un fardeau pour la nation et son libre fonctionnement. La pieuse Jérusalem et la libre Tel Aviv illustrent encore une fois l’opposition d’antan entre les Royaumes d’Israël et de Judée.
D’immenses progrès ont été réalisés et aident l’être humain à voir plus loin, et par suite à mieux comprendre l’étendue de ses limites. Ceci doit nous guider vers l’humilité sans avoir recours à la pensée magique pour se voiler la face en ayant foi envers une déité quelconque.
Les fils d’Israël ont pu comprendre que face aux drames qu’ils ont vécus, dont le pire a été la Shoah, le recours à une déité était vain. Au XXe siècle, il en aura été de même avec les tentatives d’extermination des Arméniens, des Cambodgiens et des Tutsis…
Dans un État théocratique, l’être humain est un citoyen de second rang après Dieu et cela n’est pas conforme avec une démocratie moderne qui n’a de sens que si elle est d’abord humaniste.
La moitié de la population juive vit en Amérique du Nord, avec généralement une tradition flexible et ouverte envers les autres, sans renoncer à son identité, même en cas de mariage mixte (large représentation du judaïsme réformé). Si Israël persiste en imposant une rigide orthodoxie religieuse, cela pourrait aboutir à un éloignement de la diaspora juive, encore une fois, comme entre les Royaumes de Judée et d’Israël.