Histoire « athée » du peuple d’Israël (2/3)

Dans le royaume d’Israël la fin de la dynastie de Jéroboam fut précipitée pour laisser place à celle des Omrides. Achab (fils d’Omri) épousa Jézabel la fille du roi phénicien Ithobaal et prit ainsi une place sur la scène régionale. Il fit construire de magnifiques cités et organisa une puissante armée qui lui permit de s’étendre au Nord et dans l’actuelle Transjordanie, et Samarie devint sa capitale.
Le manque de piété d’Achab fit que les scribes de la Bible n’ont pas donné à Israël l’importance que ce royaume méritait, pour se concentrer sur la pauvre mais supposée pieuse Judée et sa dynastie davidique.
La Bible créa un récit romanesque sur les déboires et les victoires d’Achab avec des anachronismes et des incohérences.
En 853 av. JC, le roi d’Israël Achab, à la tête d’une coalition syro-phénicienne, obligea les assyriens à renoncer à leur désir de conquête – et cette information est d’origine assyrienne. Les travaux entrepris par les Omrides en Israël peuvent être comparés à ceux d’Hérode le Grand, un millier d’années plus tard, et encore une fois les archives assyriennes témoignent de l’importance du royaume d’Israël.
La stèle de Mesha découverte en 1868 porte une inscription de trente-quatre lignes du Roi moabite Mesha, écrite en moabite (proche de l’hébreu), datée de 850 av. JC. Mesha fit état de sa révolte contre son suzerain le Roi d’Israël Achab (septième roi d’Israël) et nous apprend que le royaume d’Israël ne se limitait pas aux hautes terres de la région centrale mais s’étendait bien au-delà à l’Est et au Sud. Mesha dit avoir repris à Israël des territoires moabites.
Pour des questions uniquement théologiques et non pas historiques, la Bible a passé sous silence la suprématie d’Israël sur le plan architectural en attribuant quelques fois à Salomon certaines réalisations. Les constructions de Megiddo, de Jezréel ou de Samarie datent d’un siècle après Salomon. Les nouvelles datations ont réduit l’emprise des rois de Jérusalem à quelques clans avec une population clairsemée, en particulier après les destructions commises par le Pharaon Sheshonq Ier. Par opposition, le royaume d’Israël était composé de terres fertiles par lesquelles passait le commerce régional.
La population d’Israël était de fait multiethnique, c’est-à-dire que parmi les Israélites vivaient aussi des populations vénérant diverses déités, et s’élevait à 350 000 personnes. Israël devait être un des États les plus peuplés du Levant, très loin devant le royaume de Judée et préfigurait d’une certaine façon l’État d’Israël d’aujourd’hui plus que la Judée. Ces calculs sont basés sur le nombre de sites d’habitat.
C’est au XXe siècle que l’archéologie a pris conscience de l’évolution complexe du Royaume d’Israël (cycle succès-désastres-adaptations) et a commencé à se libérer des préjugés bibliques grâce aux nouveaux systèmes de datation. Ceux-ci ont révélé plusieurs niveaux d’évolution dans des centres comme Megiddo, Yoqneam, Dor et Samarie, et non pas un seul comme on le croyait précédemment.
L’Assyrie mit fin à la domination d’Aram-Damas et Israël devint son vassal. Le roi Joas (Yeho’ash ben Yeho’ahaz, Melekh Israël de la maison de Jéhu), qui régna de 806 à 791 av JC, récupéra les territoires cédés à Aram-Damas.
L’extension d’Israël continua sous Jéroboam II – qui succéda à Joas – et durant son règne de 41 ans (le plus long règne en Israël). Il repoussa les frontières d’Israël à l’intérieur du royaume d’Aram-Damas. Ce fut un âge d’or en Israël qui marqua même la mémoire du royaume de Judée. Israël bénéficia de la croissance économique de l’Assyrie. Haçor fut reconstruite.
Au sud de Samarie, la production d’huile d’olive devint substantielle et fut exportée en Assyrie et en Égypte. Soixante-trois tessons de poteries servant au stockage du vin et de l’huile ont été retrouvés avec des inscriptions en hébreu. Joas et Jéroboam II entreprirent de grands travaux de construction.
Le sceau royal de Jéroboam II a été retrouvé à Megiddo représentant un lion rugissant avec une inscription en hébreu. Gezer fut construite comme un avant-poste à la frontière entre le royaume de Judée et la Philistie.
En 1920 des chercheurs américains attribuèrent à Salomon la construction des écuries de Megiddo, puis le célèbre archéologue israélien, le Dr Yadin, les attribua à Achab et plus tard à Jéroboam II sur la base d’une datation plus précise.
L’aristocratie d’Israël vivait dans l’opulence sous le règne de Jéroboam II : 200 plaques d’ivoire aux motifs phénicien et égyptiens ont été retrouvées et devaient orner leurs palais et avec un goût cosmopolite. Nombre d’ostraca trouvés à Samarie étaient des bons de livraison de vin et d’huile d’olive en provenance des campagnes.
Cette richesse et cet esprit cosmopolite et commerçant a dû déplaire aux théologiens judéens, à l’instar des prophètes Amos et Osée, qui critiquèrent ceux qui avaient des maisons en pierre de taille et buvaient du vin dans de larges coupes.
En 745 av. JC, le roi assyrien Téglath-Phalasar III décida d’exercer un pouvoir de suzeraineté renforcé sur ses vassaux, dont le royaume d’Israël. En 737 av. JC un officier israélite fomenta un coup d’État pour tenter de libérer Israël de la vassalité avec l’aide de Damas, de l’Égypte et de la Philistie. Le roi assyrien Téglath-Phalasar III se lança alors dans une campagne d’annexion de ses États vassaux incluant Israël dont seule Samarie et sa région fut épargnée.
Téglath-Phalasar III déporta environ 13 500 habitants d’Israël selon ses annales. Le roi Osée tenta encore une fois de se libérer avec l’aide des Égyptiens, ce qui eut pour résultat la prise de Samarie par les Assyriens.
Une seconde déportation d’Israélites eut lieu sur ordre du roi assyrien Sargon II. Les deux vagues de déportations s’élevèrent à 40 000 personnes soit le 5ème de la population d’Israël à l’ouest du Jourdain. De nombreux Israélites d’Israël (environ 160 000 personnes) ne furent pas déportés afin de maintenir la production agricole de la région, et en particulier celle d’huile d’olive.
Les révoltes d’Israël et l’appétit à l’égard de ses ressources ont donc provoqué l’absorption du Royaume d’Israël par l’Assyrie. La Judée a échappé à l’appétit assyrien par un manque d’intérêt pour ce royaume pauvre et peu habité. Sargon II disait que « la Judée était très loin », pour illustrer son manque d’intérêt.
La chute d’Israël fit de la Judée le seul Royaume israélite ; mais c’était un royaume théocratique et marginal qui tenta de réveiller une foi vacillante. L’annexion d’Israël par l’Assyrie permit à la Judée de se développer démographiquement et d’encourager le culte Yahvé autour du Temple de Jérusalem. Le besoin de faire un Temple pour Dieu, à l’instar des païens, est paradoxal avec l’aspect infini, intangible et universel de Yahvé, qui n’a pas besoin d’un lieu de prédilection pour régner ni pour recevoir des sacrifices.
Bien plus tard le culte de Yahvé donna naissance à d’autres religions qui accentuèrent l’aspect idolâtre du culte par souci de prosélytisme à l’égard des païens.
Pendant deux siècles, les rois de la maison de David régnèrent sur la Judée. Onze rois davidiques auraient régné sur Jérusalem et la Judée du Xe au VIIIe siècles av. JC. La Bible fait une liste de bons et de mauvais rois attribuant un triste sort aux mauvais en raison de leur impiété.
La Bible n’a pas pris en compte le contexte historique et l’appétit des autres empires à l’origine de ce mauvais sort, ainsi que le fait que les rois pieux ne l’étaient pas de façon rigoureuse et constante ; c’est pourquoi le parti pris biblique se heurte aux découvertes archéologiques et historiques. Pendant longtemps en Judée comme en Israël, la croyance en Yahvé allait de pair avec des pratiques cultuelles idolâtres.
À l’époque des rois davidiques, de nombreux cultes étaient pratiqués en dehors de Jérusalem, en Judée comme en Israël. Les archéologues ont trouvé en Judée de nombreuses figurines similaires à celles des peuples voisins, dont le culte visait à s’attirer les bienfaits des forces célestes.
En dehors du Temple de Jérusalem, la croyance en Yahvé n’empêchait pas simultanément le culte d’autres déités. Des inscriptions trouvées à Kuntillet (Sinaï) et Shefelah en Judée font référence à la déesse Ashérah, considérée comme l’épouse de Yahvé. Même à Jérusalem, des autels étaient consacrés à Baal, Ashérah et d’autres déités comme Amon (Égypte), Kemosh (Moab), Astarté (déesse Sidonienne), Tammuz (Mésopotamie)…
Après l’annexion d’Israël, la Judée connut une forte expansion démographique et géographique (fin du VIIIe siècle av. JC). La Judée comptait trois cents agglomérations et 120 000 habitants. Cette expansion était due à la coopération avec l’Assyrie qui dominait la Judée, et au développement de la production de vin et d’huile d’olive soutenue par l’intensification du commerce arabe, et probablement à l’arrivée d’Israélites d’Israël.
Une lutte religieuse eut pour résultat l’application de lois religieuses intransigeantes. Selon Baruch Halpern (historien bibliste), le monothéisme israélite naquit véritablement au VIIe siècle av. JC, ainsi qu’une école de pensée proclamant que seul Yahvé devait être honoré sur le territoire d’Israël (territoires d’Israël et de Judée).
Selon la Bible, le roi de Judée Ézéchias aurait imposé le culte de Yahvé, mais l’on ne trouve pas de traces le confirmant. Le roi Ézéchias voulut se libérer de la domination assyrienne, et il s’y prépara en faisant des grands travaux de fortification, notamment à Lakish et Jérusalem.
À Jérusalem, la trace d’un mur de fortification de sept mètres d’épaisseur a été retrouvée ; à la même période (VIIIe siècle av. JC) à Jérusalem un tunnel de 512 mètres, destiné à faire dériver le Gihon vers l’intérieur de la ville jusqu’à un système de citernes destiné à l’approvisionnement en eau, a été découvert.
La Judée ne fut pas protégée par la foi d’Ezéchias, car le roi Assyrien Sennachérib procéda à une intense destruction des agglomérations de Judée, et en particulier Lakish dont la chute est illustrée sur un bas-relief assyrien dans le Palais de Sennachérib, conservé à Londres depuis sa découverte en 1930. En 1970 une campagne de fouilles fut organisée sur ce thème par l’université de Tel Aviv. Le nombre d’habitats furent réduits au tiers de ce qu’ils représentaient à la fin du VIIIe siècle av. JC. Le territoire de la Judée fut réduit mais Jérusalem fut épargnée grâce au versement d’un lourd tribut à l’Assyrie.
Manassé succéda à Ézéchias et rétablit l’autorisation de cultes divers à Baal, Ashérah déesse épouse de Yahvé… Car les Judéens devaient penser que la seule croyance en Yahvé avait mené à la catastrophe. Manassé s’entendit bien avec Sennachérib, puis avec son successeur Assurbanipal pendant son règne de cinquante-cinq ans.
La Judée connut une croissance démographique et un afflux de réfugiés de la Shefelah qui avait été donnée aux Philistins par l’Assyrie. Du VIIIe au VIIe siècle av. JC la population fut multipliée par dix de Jéricho à Beersheva et le long de la mer morte.
Pour Téglath-Phalasar III, Gaza était le point d’aboutissement des pistes de l’Arabie sur lesquelles les caravanes de chameaux transportaient l’encens et l’huile d’olive. Sous Manassé, la Judée participait au commerce avec les Assyriens, les Phéniciens, les Philistins, les Arabes et les Édomites.
Josias régna sur la Judée de 639 à 609 av. JC. Au cours de son règne en 622 av. JC, un document aurait prétendument été découvert dans le Temple de Jérusalem, qui aurait contenu le texte de Dvarim (Deutéronome). Dvarim contient des principes de la loi qui auraient été conçus avant la prétendue entrée à Canaan à la suite de l’exode selon la Bible. Dvarim porte sur le respect du monothéisme, les traditions religieuses et les commémorations à respecter. Ce document a certainement été écrit en 622 sous l’impulsion de Josias qui voulut revenir à nouveau au strict respect du monothéisme.
Josias aurait fait détruire les idoles et leurs sanctuaires « dans le Temple puis dans le reste de la Judée ». Toutefois on ne retrouve qu’un seul Temple judéen en dehors de Jérusalem, et le culte d’Ashérah continua ainsi que l’a montré la découverte de nombreuses de ses statuettes.
Les recherches archéologiques ont aussi permis de noter un développement de l’alphabétisation en Judée au cours du règne de Josias. Cette époque fut aussi celle de l’affaiblissement de l’Assyrie et de la renaissance de la puissance égyptienne qui reprit le contrôle d’une partie de son ancienne colonie qu’était Canaan à l’exclusion des terres de Judée et de l’ancien royaume d’Israël.
La Judée put reprendre le contrôle d’une partie des terres d’Israël, la Shefelah, et aurait centralisé à partir de Jérusalem l’application des lois selon les principes de Dvarim.
Josias fut tué lors d’une bataille alors que les Égyptiens montaient vers le Nord pour lutter contre l’expansion babylonienne et reprirent le contrôle des terres de Judée et d’Israël. De nouveau les coutumes idolâtres dominèrent.